Conseil d'État
N° 148698
ECLI:FR:CESJS:1997:148698.19971103
Inédit au recueil Lebon
SECTION
M. Courtial, rapporteur
M. Stahl, commissaire du gouvernement
Lecture du 3 novembre 1997
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin 1993 et 5 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, dont le siège social est situé ..., représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE YONNE FUNERAIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon, agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 novembre 1991, a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclaré illégal le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres conclu le 8 janvier 1974 par la ville de Sens et la société des Pompes Funèbres Générales ;
2°) de déclarer illégal ce contrat de concession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code des communes ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, de Me Luc-Thaler, avocat de la société des Pompes Funèbres Générales et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune de Sens,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un arrêt du 26 novembre 1991, la cour d'appel de Paris, saisie d'un litige commercial opposant la SOCIETE YONNE FUNERAIRE à la société des Pompes Funèbres Générales, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du contrat de concession conclu le 8 janvier 1974 par la commune de Sens et la société des Pompes Funèbres Générales ; que la SOCIETE YONNE FUNERAIRE fait appel du jugement du 4 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande relative à l'appréciation de la validité de ce contrat et de la délibération du 7 janvier 1974 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à le signer au nom de la commune ;
Considérant que si, en application des prescriptions de l'article L. 362-1 du code des communes dans sa rédaction alors en vigueur, les communes peuvent assurer le service extérieur des pompes funèbres dont elles ont le monopole "soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications", ces dispositions n'obligeaient pas le syndicat intercommunal à mettre en concurrence la société des Pompes Funèbres Générales avec d'autres prestataires susceptibles d'exploiter ce service ni à procéder à des formalités de publicité, préalablement à la passation du contrat ;
Considérant que le contrat litigieux a été conclu le 8 janvier 1974 ; que le moyen tiré de ce que certaines de ses clauses méconnaîtraient les articles 7, 8 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui n'étaient pas en vigueur à la date de signature du contrat est inopérant ; qu'est également et en tout état de cause inopérant le moyen tiré de ce que le contrat ne respecterait pas une circulaire du ministre de l'intérieur du 18 février 1985 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne : "Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci" ; qu'aux termes de l'article 90 : "Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus" ;
Considérant qu'à supposer que le contrat litigieux ait contribué, en raison du droit exclusif qu'il comporte, à assurer à la société des Pompes Funèbres Générales une position dominante sur une partie substantielle du marché commun et soit susceptible d'affecter les échanges intracommunataires, ses clauses ne seraient incompatibles avec l'article 86 du traité que si l'entreprise était amenée, par l'exercice du droit exclusif dans les conditions dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive ; que si, en l'espèce, la société requérante soutient que la société des Pompes Funèbres Générales occupe une position dominante sur le marché français des prestations funéraires, elle n'allègue pas que le contrat litigieux lui permettrait d'exploiter de façon abusive cette position dominante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, qui ne critique pas le rejet par le tribunal administratif de Dijon des autres moyens présentés à ce tribunal pour contester la validité du contrat de concession et de la délibération par laquelle le conseil municipal de Sens a autorisé le maire à le signer, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ledit tribunal a rejeté sa demande tendant à établir que ce contrat et cette délibération seraient entachés d'illégalité ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE YONNE FUNERAIRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, à la société des Pompes Funèbres Générales, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 148698
ECLI:FR:CESJS:1997:148698.19971103
Inédit au recueil Lebon
SECTION
M. Courtial, rapporteur
M. Stahl, commissaire du gouvernement
Lecture du 3 novembre 1997
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin 1993 et 5 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, dont le siège social est situé ..., représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE YONNE FUNERAIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon, agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 novembre 1991, a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclaré illégal le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres conclu le 8 janvier 1974 par la ville de Sens et la société des Pompes Funèbres Générales ;
2°) de déclarer illégal ce contrat de concession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code des communes ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, de Me Luc-Thaler, avocat de la société des Pompes Funèbres Générales et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune de Sens,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un arrêt du 26 novembre 1991, la cour d'appel de Paris, saisie d'un litige commercial opposant la SOCIETE YONNE FUNERAIRE à la société des Pompes Funèbres Générales, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du contrat de concession conclu le 8 janvier 1974 par la commune de Sens et la société des Pompes Funèbres Générales ; que la SOCIETE YONNE FUNERAIRE fait appel du jugement du 4 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande relative à l'appréciation de la validité de ce contrat et de la délibération du 7 janvier 1974 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à le signer au nom de la commune ;
Considérant que si, en application des prescriptions de l'article L. 362-1 du code des communes dans sa rédaction alors en vigueur, les communes peuvent assurer le service extérieur des pompes funèbres dont elles ont le monopole "soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications", ces dispositions n'obligeaient pas le syndicat intercommunal à mettre en concurrence la société des Pompes Funèbres Générales avec d'autres prestataires susceptibles d'exploiter ce service ni à procéder à des formalités de publicité, préalablement à la passation du contrat ;
Considérant que le contrat litigieux a été conclu le 8 janvier 1974 ; que le moyen tiré de ce que certaines de ses clauses méconnaîtraient les articles 7, 8 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui n'étaient pas en vigueur à la date de signature du contrat est inopérant ; qu'est également et en tout état de cause inopérant le moyen tiré de ce que le contrat ne respecterait pas une circulaire du ministre de l'intérieur du 18 février 1985 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne : "Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci" ; qu'aux termes de l'article 90 : "Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus" ;
Considérant qu'à supposer que le contrat litigieux ait contribué, en raison du droit exclusif qu'il comporte, à assurer à la société des Pompes Funèbres Générales une position dominante sur une partie substantielle du marché commun et soit susceptible d'affecter les échanges intracommunataires, ses clauses ne seraient incompatibles avec l'article 86 du traité que si l'entreprise était amenée, par l'exercice du droit exclusif dans les conditions dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive ; que si, en l'espèce, la société requérante soutient que la société des Pompes Funèbres Générales occupe une position dominante sur le marché français des prestations funéraires, elle n'allègue pas que le contrat litigieux lui permettrait d'exploiter de façon abusive cette position dominante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, qui ne critique pas le rejet par le tribunal administratif de Dijon des autres moyens présentés à ce tribunal pour contester la validité du contrat de concession et de la délibération par laquelle le conseil municipal de Sens a autorisé le maire à le signer, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ledit tribunal a rejeté sa demande tendant à établir que ce contrat et cette délibération seraient entachés d'illégalité ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE YONNE FUNERAIRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE YONNE FUNERAIRE, à la société des Pompes Funèbres Générales, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.