Conseil d'État
N° 476399
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Lecture du mercredi 5 février 2025
15-05-002 : Union européenne- Règles applicables- Principes généraux du droit de l'Union européenne-
Champ d'application - Réglementation nationale entrant dans le champ du droit de l'Union (1) - Inclusion - Réglementation de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le TFUE, justifiée par l'Etat membre concerné par des raisons impérieuses d'intérêt général (2).
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que les principes généraux du droit de l'Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l'Union et qu'ils doivent, ainsi, notamment, être respectés lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application de ce droit. Or, tel est le cas lorsqu'une réglementation nationale est de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et que l'État membre concerné invoque des raisons impérieuses d'intérêt général reconnues par le droit de l'Union pour justifier une telle entrave. En pareille hypothèse, la réglementation nationale concernée ne peut bénéficier des exceptions ainsi prévues que si elle est conforme aux principes généraux du droit de l'Union.
19-01-01-01-01 : Contributions et taxes- Généralités- Textes fiscaux- Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales- Lois-
Imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (art. 167 bis du CGI, dans sa version issue de la loi du 29 juillet 2011) - 1) Réglementation nationale entrant dans le champ d'application du droit de l'UE (1) - Existence, en raison de l'entrave à la liberté d'établissement (2) - Conséquence - Opérance du principe de confiance légitime - 2) Application rétroactive de cette imposition aux transferts de domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'UE à compter de la date d'une annonce par le ministre du rétablissement de cette imposition - Atteinte à ce principe - Existence, en l'espèce, eu égard à la teneur de cette annonce (5).
1) Les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d'imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l'imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l'imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu'elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général, reconnue par le droit de l'Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d'imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il en résulte que l'imposition des plus-values latentes et en report d'imposition sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l'Union. Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu'une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique. 2) Date d'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI correspondant à celle d'une allocution du ministre du budget faisant état d'une réflexion en cours sur l'appréhension du revenu du contribuable s'expatriant pour échapper à la taxation d'une plus-value, tout en rappelant qu'aucune décision n'avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l'objet de concertations et de réflexions. De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Par suite, l'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu'à la date de l'adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu'adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.
19-04-02-08-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Plusvalues des particuliers- Plusvalues mobilières-
Imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (art. 167 bis du CGI, dans sa version issue de la loi du 29 juillet 2011) - 1) Réglementation nationale entrant dans le champ d'application du droit de l'UE (1) - Existence, en raison de l'entrave à la liberté d'établissement (2) - Conséquence - Opérance du principe de confiance légitime - 2) Application rétroactive de cette imposition aux transferts de domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'UE à compter de la date d'une annonce par le ministre du rétablissement de cette imposition - Atteinte à ce principe - Existence, en l'espèce, eu égard à la teneur de cette annonce (5).
1) Les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d'imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l'imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l'imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu'elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général, reconnue par le droit de l'Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d'imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il en résulte que l'imposition des plus-values latentes et en report d'imposition sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l'Union. Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu'une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique. 2) Date d'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI correspondant à celle d'une allocution du ministre du budget faisant état d'une réflexion en cours sur l'appréhension du revenu du contribuable s'expatriant pour échapper à la taxation d'une plus-value, tout en rappelant qu'aucune décision n'avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l'objet de concertations et de réflexions. De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Par suite, l'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu'à la date de l'adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu'adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.
(1) Cf., en précisant, CE, 9 mai 2001, Entreprise personnelle de transports Freymuth, n° 210944, T. pp. 865-1151 ; CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes, n° 341533, p. 261. (2) Rappr., pour l'application des droits fondamentaux garantis par la Charte, CJUE, gr. ch., 21 mai 2019, Commission c/ Hongrie, aff. C-235/17, Rec., pts. 63-64. (5) Comp., sur la possibilité de donner un effet rétroactif à une mesure fiscale, sans méconnaître le principe de confiance légitime, lorsque les opérateurs ont été avertis de la prochaine adoption de la loi et de son effet rétroactif, CJCE, gr. ch., 26 avril 2005, Goed Wonen, aff. C-376/02, Rec, pt. 45.
N° 476399
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Lecture du mercredi 5 février 2025
15-05-002 : Union européenne- Règles applicables- Principes généraux du droit de l'Union européenne-
Champ d'application - Réglementation nationale entrant dans le champ du droit de l'Union (1) - Inclusion - Réglementation de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le TFUE, justifiée par l'Etat membre concerné par des raisons impérieuses d'intérêt général (2).
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que les principes généraux du droit de l'Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l'Union et qu'ils doivent, ainsi, notamment, être respectés lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application de ce droit. Or, tel est le cas lorsqu'une réglementation nationale est de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et que l'État membre concerné invoque des raisons impérieuses d'intérêt général reconnues par le droit de l'Union pour justifier une telle entrave. En pareille hypothèse, la réglementation nationale concernée ne peut bénéficier des exceptions ainsi prévues que si elle est conforme aux principes généraux du droit de l'Union.
19-01-01-01-01 : Contributions et taxes- Généralités- Textes fiscaux- Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales- Lois-
Imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (art. 167 bis du CGI, dans sa version issue de la loi du 29 juillet 2011) - 1) Réglementation nationale entrant dans le champ d'application du droit de l'UE (1) - Existence, en raison de l'entrave à la liberté d'établissement (2) - Conséquence - Opérance du principe de confiance légitime - 2) Application rétroactive de cette imposition aux transferts de domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'UE à compter de la date d'une annonce par le ministre du rétablissement de cette imposition - Atteinte à ce principe - Existence, en l'espèce, eu égard à la teneur de cette annonce (5).
1) Les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d'imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l'imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l'imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu'elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général, reconnue par le droit de l'Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d'imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il en résulte que l'imposition des plus-values latentes et en report d'imposition sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l'Union. Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu'une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique. 2) Date d'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI correspondant à celle d'une allocution du ministre du budget faisant état d'une réflexion en cours sur l'appréhension du revenu du contribuable s'expatriant pour échapper à la taxation d'une plus-value, tout en rappelant qu'aucune décision n'avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l'objet de concertations et de réflexions. De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Par suite, l'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu'à la date de l'adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu'adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.
19-04-02-08-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Plusvalues des particuliers- Plusvalues mobilières-
Imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (art. 167 bis du CGI, dans sa version issue de la loi du 29 juillet 2011) - 1) Réglementation nationale entrant dans le champ d'application du droit de l'UE (1) - Existence, en raison de l'entrave à la liberté d'établissement (2) - Conséquence - Opérance du principe de confiance légitime - 2) Application rétroactive de cette imposition aux transferts de domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'UE à compter de la date d'une annonce par le ministre du rétablissement de cette imposition - Atteinte à ce principe - Existence, en l'espèce, eu égard à la teneur de cette annonce (5).
1) Les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d'imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l'imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l'imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu'elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général, reconnue par le droit de l'Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d'imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il en résulte que l'imposition des plus-values latentes et en report d'imposition sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l'Union. Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu'une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique. 2) Date d'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI correspondant à celle d'une allocution du ministre du budget faisant état d'une réflexion en cours sur l'appréhension du revenu du contribuable s'expatriant pour échapper à la taxation d'une plus-value, tout en rappelant qu'aucune décision n'avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l'objet de concertations et de réflexions. De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Par suite, l'application des dispositions de l'article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu'à la date de l'adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu'adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.
(1) Cf., en précisant, CE, 9 mai 2001, Entreprise personnelle de transports Freymuth, n° 210944, T. pp. 865-1151 ; CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes, n° 341533, p. 261. (2) Rappr., pour l'application des droits fondamentaux garantis par la Charte, CJUE, gr. ch., 21 mai 2019, Commission c/ Hongrie, aff. C-235/17, Rec., pts. 63-64. (5) Comp., sur la possibilité de donner un effet rétroactif à une mesure fiscale, sans méconnaître le principe de confiance légitime, lorsque les opérateurs ont été avertis de la prochaine adoption de la loi et de son effet rétroactif, CJCE, gr. ch., 26 avril 2005, Goed Wonen, aff. C-376/02, Rec, pt. 45.