Conseil d'État
N° 465144
Publié au recueil Lebon
Lecture du jeudi 24 octobre 2024
17-02-02-02 : Compétence- Actes échappant à la compétence des deux ordres de juridiction- Actes de gouvernement- Actes concernant les relations internationales-
1) Inclusion - Contestation d'une décision relative à l'exercice de la protection diplomatique (1) - Engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat en raison de cette décision (2) - 2) Exclusion - Conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales (3).
1) L'exercice de la protection diplomatique est une décision non détachable de la conduite des relations internationales de la France. Les recours tendant à l'annulation d'une telle décision, de même que ceux tendant, sur le terrain de la responsabilité pour faute de l'Etat, à la réparation des préjudices qu'elle a pu causer, soulèvent des questions qui ne sont pas susceptibles, par leur nature, d'être portées devant la juridiction administrative. 2) La juridiction administrative est, en revanche, compétente pour connaître de conclusions indemnitaires tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France.
60-01-02-01-01 : Responsabilité de la puissance publique- Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité- Fondement de la responsabilité- Responsabilité sans faute- Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques-
Engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France (3) - 1) Compétence de la juridiction administrative - Existence - 2) Conditions particulières - a) Préjudice spécial et d'une particulière gravité, hors de proportion avec les sujétions que peut impliquer la conduite de la politique extérieure de la France (5) - b) Décisions n'ayant pas pour objet même de régir ou d'affecter la situation du demandeur, en principe (6) - 3) Exclusions - Fait d'un Etat étranger (7) - Faits de guerre (8) - Régime spécial d'indemnisation.
1) La juridiction administrative est compétente pour connaître de conclusions indemnitaires tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France. 2) La responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales peut être engagée à l'égard des personnes relevant de sa juridiction sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. Ce régime de responsabilité ne saurait toutefois interférer, même indirectement, avec les objectifs ou la mise en oeuvre de la politique extérieure de la France. a) Lorsque les conditions d'engagement d'une telle action en responsabilité de l'Etat sont réunies, celle-ci ne peut être accueillie que lorsque l'auteur de la demande supporte une charge spéciale et d'une particulière gravité, hors de proportion avec les sujétions que peut impliquer la conduite de la politique extérieure de la France. b) Cette responsabilité ne saurait, en principe, être engagée au bénéfice des personnes dont une décision non détachable de la conduite des relations internationales a pour objet même de régir ou d'affecter la situation, soit à titre individuel, soit de manière collective. 3) Enfin, cette responsabilité ne saurait être engagée lorsque le préjudice dont il est demandé réparation trouve son origine directe dans le fait d'un Etat étranger ou dans des faits de guerre. Elle ne saurait l'être davantage s'il existe un régime spécial d'indemnisation.
(1) Cf. CE, 25 mars 1988, Société Sapvin, n° 65022, p. 133. (2) Cf. CE, 27 juin 2016, M. , n° 382319, T. p. 935 ; CE, 3 octobre 2018, M. , n° 410611, p. 359. (3) Rappr., pour la possibilité d'engager la responsabilité de l'Etat du fait de traités ou de conventions internationales, CE, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie d'énergie radio-électrique, p. 257 ; pour la compatibilité à l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme de l'absence de juridiction compétente pour connaître des actes non-détachables de la conduite des relations internationales, eu égard notamment à la possibilité d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat, CEDH, 4 avril 2024, Tamazount et autres c. France, n°s 17131/19 et autres. (5) Rappr., pour l'exigence d'une charge exorbitante, CE, Section, 3 juillet 1998, Bitouzet, n° 158592, p. 288 ; CE, 22 juillet 2022, Ministre de la culture c/ M. de , n° 458590, p. 235. (6) Rappr., dans le cadre de la responsabilité sans faute du fait des lois, pour l'exclusion de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat s'agissant du préjudice causé à une activité de nature à porter atteinte à l'objectif que le législateur s'est assigné, CE, 14 décembre 1984, Rouillon, p. 423 ; CE, Section, 30 juillet 2003, Association pour le développement de l'aquaculture en région Centre (ADARC), n° 215957, p. 367. (7) Cf. CE, 20 décembre 2013, Mme et autres, n° 335235, T. p. 826. (8) Cf. CE, Assemblée, 30 mars 1966, Société Ignazio Messina, p. 258 ; CE, 23 juillet 2010, Société Touax et société Touax Rom, n° 328757, p. 344.
N° 465144
Publié au recueil Lebon
Lecture du jeudi 24 octobre 2024
17-02-02-02 : Compétence- Actes échappant à la compétence des deux ordres de juridiction- Actes de gouvernement- Actes concernant les relations internationales-
1) Inclusion - Contestation d'une décision relative à l'exercice de la protection diplomatique (1) - Engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat en raison de cette décision (2) - 2) Exclusion - Conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales (3).
1) L'exercice de la protection diplomatique est une décision non détachable de la conduite des relations internationales de la France. Les recours tendant à l'annulation d'une telle décision, de même que ceux tendant, sur le terrain de la responsabilité pour faute de l'Etat, à la réparation des préjudices qu'elle a pu causer, soulèvent des questions qui ne sont pas susceptibles, par leur nature, d'être portées devant la juridiction administrative. 2) La juridiction administrative est, en revanche, compétente pour connaître de conclusions indemnitaires tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France.
60-01-02-01-01 : Responsabilité de la puissance publique- Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité- Fondement de la responsabilité- Responsabilité sans faute- Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques-
Engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France (3) - 1) Compétence de la juridiction administrative - Existence - 2) Conditions particulières - a) Préjudice spécial et d'une particulière gravité, hors de proportion avec les sujétions que peut impliquer la conduite de la politique extérieure de la France (5) - b) Décisions n'ayant pas pour objet même de régir ou d'affecter la situation du demandeur, en principe (6) - 3) Exclusions - Fait d'un Etat étranger (7) - Faits de guerre (8) - Régime spécial d'indemnisation.
1) La juridiction administrative est compétente pour connaître de conclusions indemnitaires tendant à la mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales de la France. 2) La responsabilité sans faute de l'Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales peut être engagée à l'égard des personnes relevant de sa juridiction sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. Ce régime de responsabilité ne saurait toutefois interférer, même indirectement, avec les objectifs ou la mise en oeuvre de la politique extérieure de la France. a) Lorsque les conditions d'engagement d'une telle action en responsabilité de l'Etat sont réunies, celle-ci ne peut être accueillie que lorsque l'auteur de la demande supporte une charge spéciale et d'une particulière gravité, hors de proportion avec les sujétions que peut impliquer la conduite de la politique extérieure de la France. b) Cette responsabilité ne saurait, en principe, être engagée au bénéfice des personnes dont une décision non détachable de la conduite des relations internationales a pour objet même de régir ou d'affecter la situation, soit à titre individuel, soit de manière collective. 3) Enfin, cette responsabilité ne saurait être engagée lorsque le préjudice dont il est demandé réparation trouve son origine directe dans le fait d'un Etat étranger ou dans des faits de guerre. Elle ne saurait l'être davantage s'il existe un régime spécial d'indemnisation.
(1) Cf. CE, 25 mars 1988, Société Sapvin, n° 65022, p. 133. (2) Cf. CE, 27 juin 2016, M. , n° 382319, T. p. 935 ; CE, 3 octobre 2018, M. , n° 410611, p. 359. (3) Rappr., pour la possibilité d'engager la responsabilité de l'Etat du fait de traités ou de conventions internationales, CE, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie d'énergie radio-électrique, p. 257 ; pour la compatibilité à l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme de l'absence de juridiction compétente pour connaître des actes non-détachables de la conduite des relations internationales, eu égard notamment à la possibilité d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat, CEDH, 4 avril 2024, Tamazount et autres c. France, n°s 17131/19 et autres. (5) Rappr., pour l'exigence d'une charge exorbitante, CE, Section, 3 juillet 1998, Bitouzet, n° 158592, p. 288 ; CE, 22 juillet 2022, Ministre de la culture c/ M. de , n° 458590, p. 235. (6) Rappr., dans le cadre de la responsabilité sans faute du fait des lois, pour l'exclusion de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat s'agissant du préjudice causé à une activité de nature à porter atteinte à l'objectif que le législateur s'est assigné, CE, 14 décembre 1984, Rouillon, p. 423 ; CE, Section, 30 juillet 2003, Association pour le développement de l'aquaculture en région Centre (ADARC), n° 215957, p. 367. (7) Cf. CE, 20 décembre 2013, Mme et autres, n° 335235, T. p. 826. (8) Cf. CE, Assemblée, 30 mars 1966, Société Ignazio Messina, p. 258 ; CE, 23 juillet 2010, Société Touax et société Touax Rom, n° 328757, p. 344.