Base de jurisprudence


Analyse n° 489650
18 juillet 2024
Conseil d'État

N° 489650
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 18 juillet 2024



26-01 : Droits civils et individuels- État des personnes-

Jugement rendu par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes - 1) Condition pour qu'il produise des effets en France - Déclaration d'exequatur - Absence - 2) Obligation pour l'administration d'en tenir compte - a) Existence - b) Exception - Jugement révélant une fraude ou une situation contraire à la conception française de l'ordre public international (1) - c) Illustration - Refus de tenir compte d'un jugement d'adoption rendu par un tribunal étranger, motif pris de ce qu'il méconnaît le « principe » en vertu duquel les enfants devraient être élevés dans leur famille d'origine ou élargie - Légalité - Absence.




1) Les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d'exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes. 2) a) Si l'autorité administrative doit tenir compte de tels jugements dans l'exercice de ses prérogatives, b) il lui appartient toutefois, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d'un jugement étranger qui révéleraient l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international . c) Le « guide des bonnes pratiques » n°1 dans la mise en oeuvre et le fonctionnement de la convention de La Haye du 29 mai 1993, qui émane du bureau permanent de la conférence de La Haye de droit international privé, indique que le « principe de subsidiarité » signifie que les Etats parties à cette convention reconnaissent que dans la mesure du possible, les enfants devraient être élevés dans leur famille d'origine ou une famille élargie. Si ce document invite ainsi l'Etat d'origine à examiner les possibilités d'accueil de l'enfant dans cet Etat, il n'impose toutefois ni la recherche exhaustive d'un placement local, ni la préférence pour un tel placement et vise à garantir que l'adoption internationale envisagée est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. Eu égard à sa portée, un tel « principe de subsidiarité » ne peut être regardé comme relevant de la conception française de l'ordre public international. Il ne saurait, par suite, permettre à l'autorité administrative de refuser légalement de tenir compte d'un jugement d'adoption rendu par un tribunal étranger.


(1) Cf., en précisant, CE, 23 décembre 2011, Mme Benfrid et Aridj, n° 328213, p. 670 ; CE, 24 novembre 2006, , n° 275527, p. 484.