Base de jurisprudence


Analyse n° 493840
15 juillet 2024
Conseil d'État

N° 493840
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 15 juillet 2024



26-055-01-08-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit au respect de la vie privée et familiale (art- )- Violation-

Absence (1) - 1) Fin de la conservation de gamètes recueillis en vue d'une AMP lorsque la personne atteint un âge ne lui permettant plus d'y recourir - 2) a) Limite d'âge pour le recours à une AMP, fixée à 60 ans pour le membre du couple qui ne porte pas l'enfant - b) Interdiction de l'exportation de gamètes pour contourner cette condition d'âge.




1) L'article L. 2141-11 du code de la santé publique (CSP) se bornant à prévoir qu'il est mis fin à la conservation des gamètes lorsque la personne atteint un âge ne justifiant plus l'intérêt de cette conservation, c'est-à-dire lorsque les conditions de la réalisation ultérieure d'une assistance médicale à la procréation (AMP) au bénéfice de cette personne ne sont plus satisfaites, il ne peut, par lui-même, être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH). 2) a) Il résulte de l'article L. 2141-2 du CSP ainsi que des travaux parlementaires de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 que le législateur a subordonné, pour des motifs d'intérêt général, le recours à une technique d'AMP à des conditions d'âge fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Agence de la biomédecine (ABM), en prenant en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître. Cette condition revêt une dimension non seulement biologique, tenant le cas échéant à l'efficacité des techniques mises en oeuvre, mais également sociale, justifiée par des considérations tenant à l'intérêt de l'enfant, parmi lesquelles la place de celui-ci dans les générations familiales, et aux limites dans lesquelles la solidarité nationale doit prendre en charge l'accès à une technique d'AMP. Le principe d'une condition d'âge pour recourir à l'AMP, qui entre dans la marge d'appréciation dont dispose chaque Etat, et la fixation de cet âge par l'article R. 2141-38 du CSP au soixantième anniversaire chez le membre du couple qui n'a pas vocation à porter l'enfant ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de cette convention. b) L'article L. 2141-11-1 du CSP, qui interdit l'exportation de gamètes conservés en France si elles sont destinées à être utilisées, à l'étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national et visent ainsi à faire obstacle à tout contournement de l'article L. 2141-2 du même code, ne méconnaissent pas davantage les exigences nées de l'article 8 de la conv. EDH, pas plus que ne les méconnaissent les articles L. 2141-2, L. 2141-11 et L. 2141-11-1 du CSP combinés.





61-05-05 : Santé publique- Bioéthique- Assistance médicale à la procréation-

Limite d'âge pour le recours à une AMP (1) - Méconnaissance du droit à la vie privée et familiale (art. 8 conv. EDH) - 1) Fin de la conservation des gamètes recueillis en vue d'une APM lorsque la personne atteint cet âge - Absence - 2) a) Principe - Absence - Fixation à 60 ans pour le membre du couple qui ne porte pas l'enfant (art. R. 2141-38 du CSP) - Absence - b) Interdiction de l'exportation de gamètes pour contourner cette condition d'âge - Absence.




1) L'article L. 2141-11 du code de la santé publique (CSP) se bornant à prévoir qu'il est mis fin à la conservation des gamètes lorsque la personne atteint un âge ne justifiant plus l'intérêt de cette conservation, c'est-à-dire lorsque les conditions de la réalisation ultérieure d'une assistance médicale à la procréation (AMP) au bénéfice de cette personne ne sont plus satisfaites, il ne peut, par lui-même, être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH). 2) a) Il résulte de l'article L. 2141-2 du CSP ainsi que des travaux parlementaires de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 que le législateur a subordonné, pour des motifs d'intérêt général, le recours à une technique d'AMP à des conditions d'âge fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Agence de la biomédecine (ABM), en prenant en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître. Cette condition revêt une dimension non seulement biologique, tenant le cas échéant à l'efficacité des techniques mises en oeuvre, mais également sociale, justifiée par des considérations tenant à l'intérêt de l'enfant, parmi lesquelles la place de celui-ci dans les générations familiales, et aux limites dans lesquelles la solidarité nationale doit prendre en charge l'accès à une technique d'AMP. Le principe d'une condition d'âge pour recourir à l'AMP, qui entre dans la marge d'appréciation dont dispose chaque Etat, et la fixation de cet âge par l'article R. 2141-38 du CSP au soixantième anniversaire chez le membre du couple qui n'a pas vocation à porter l'enfant ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de cette convention. b) L'article L. 2141-11-1 du CSP, qui interdit l'exportation de gamètes conservés en France si elles sont destinées à être utilisées, à l'étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national et visent ainsi à faire obstacle à tout contournement de l'article L. 2141-2 du même code, ne méconnaissent pas davantage les exigences nées de l'article 8 de la conv. EDH, pas plus que ne les méconnaissent les articles L. 2141-2, L. 2141-11 et L. 2141-11-1 du CSP combinés.


(1) Rappr., sur les motifs d'intérêt général justifiant l'exclusion des hommes n'étant pas en âge de procréer du bénéfice de l'AMP, avant l'intervention de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, CE, 17 avril 2019, Mme C., n° 420468, p. 140.