Base de jurisprudence


Analyse n° 492621
31 mai 2024
Conseil d'État

N° 492621
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 31 mai 2024



46-01-02-01 : Outremer- Droit applicable- Statuts- NouvelleCalédonie-

Ediction de règles dans le domaine du droit civil - Compétence de la Nouvelle-Calédonie, sous réserve des compétences des provinces en matière de chasse et d'environnement - 1) Portée de cette réserve - 2) Champ - Exclusion - Délibération d'une province créant la qualité « d'entité naturelle sujet de droit ».




La Nouvelle-Calédonie exerce, depuis le 1er juillet 2013, la compétence en matière de droit civil, sous réserve des compétences des provinces en matière de chasse et d'environnement. 1) Si le 4° du III de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 fait réserve de la compétence des provinces en matière de chasse et d'environnement, ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi organique du 15 novembre 2013, n'ont pas entendu modifier la répartition des compétences mais ont seulement visé à assurer le respect par la Nouvelle-Calédonie, dans l'exercice de sa compétence en matière de droit civil, notamment pour ce qui concerne le droit de propriété, des compétences dévolues aux provinces en matière de chasse et d'environnement, de telle sorte qu'elles ne peuvent être comprises comme ayant habilité les provinces à intervenir dans le domaine du droit civil. 2) Les articles 242-16 à 242-25 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, résultant de la délibération en litige, attribuent aux requins et aux tortues marines ainsi qu'à tout élément vivant, écosystème, site ou monument naturel désigné par l'assemblée de la province, la qualité d'« entité naturelle sujet de droit », emportant notamment, en application de l'article 242-18 de ce code, le bénéfice de « droits fondamentaux », pouvant être exercés ou défendus par l'intermédiaire de tiers, tels que le droit d'agir en justice en son propre nom, le droit de n'être la propriété de personne, le droit à exister, le droit de ne pas être gardé en captivité, le droit à la liberté de circulation et de séjour, le droit à un environnement naturel équilibré ou le droit à la restauration de son habitat dégradé. Ainsi, par les dispositions en litige, la province des îles Loyauté a modifié le régime juridique applicable à certains animaux et confié à l'assemblée de la province la compétence de modifier le régime juridique applicable à d'autres éléments naturels, en leur conférant une personnalité juridique assortie de droits spécifiques. Ce faisant, la province des îles Loyauté a adopté une délibération intervenant dans le domaine du droit civil relevant de la compétence désormais attribuée à la Nouvelle-Calédonie. Il résulte de ce qui précède que la province des îles Loyauté n'était pas compétente pour instituer un régime juridique des « entités naturelles sujets de droit », alors même qu'elle est compétente en matière de préservation de l'environnement, sans qu'ait d'incidence la finalité de protection des requins et des tortues marines ainsi que de tout élément vivant, écosystème, site ou monument naturel désigné par l'assemblée de la province poursuivie par l'institution d'un tel régime juridique.