Base de jurisprudence


Analyse n° 463451
22 décembre 2023
Conseil d'État

N° 463451
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 22 décembre 2023



01-01-02-02 : Actes législatifs et administratifs- Différentes catégories d'actes- Accords internationaux- Application par le juge français-

Coutume internationale - Immunité de juridiction des actes de souveraineté d'un Etat étranger - Invocabilité à l'égard d'une demande d'exequatur d'une décision juridictionnelle - Existence (1), y compris si la décision émane des juridictions de cet Etat - Renonciation devant être certaine, expresse et non équivoque.




Selon les principes de droit international coutumier, les Etats bénéficient d'une immunité de juridiction lorsque l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion. Un Etat peut opposer cette immunité à une demande d'exequatur d'une décision juridictionnelle, y compris si cette décision émane des juridictions de cet Etat. Si un Etat peut renoncer à son immunité de juridiction dans un litige, y compris par l'effet d'engagements résultant d'une convention internationale, cette renonciation doit être certaine, expresse et non équivoque.





17-03-01 : Compétence- Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction- Compétence déterminée par des textes spéciaux-

Demande d'exequatur d'une décision de justice gabonaise sur le fondement de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 - Espèce - Décision du Conseil d'Etat gabonais engageant la responsabilité de l'Etat gabonais pour l'usage de la force publique - Compétence de la juridiction administrative - Existence.




Conseil d'Etat gabonais ayant reconnu, par deux arrêts, la responsabilité de l'Etat gabonais dans le démantèlement par la force publique de panneaux publicitaires appartenant à une société et condamné cet Etat à lui verser une somme d'argent. Société ayant demandé au président du tribunal administratif de Paris qu'il ordonne, sur le fondement de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la République française et la République du Gabon du 23 juillet 1963, l'exequatur de ces arrêts. Les arrêts du Conseil d'Etat gabonais condamnant l'Etat gabonais à indemniser cette société en raison du démantèlement par la force publique de panneaux publicitaires relèvent de la matière administrative au sens et pour l'application de l'article 43 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963. La juridiction administrative est compétente pour statuer sur la demande d'exequatur de ces arrêts.





37-05 : Juridictions administratives et judiciaires- Exécution des jugements-

Demande d'exequatur d'une décision de justice étrangère - 1) Immunité de juridiction des actes de souveraineté d'un Etat étranger - Invocabilité à l'égard d'une telle demande - Existence (1), y compris si la décision émane des juridictions de cet Etat - Renonciation devant être certaine, expresse et non équivoque - 2) Espèce - Décision du Conseil d'Etat gabonais engageant la responsabilité de l'Etat gabonais pour l'usage de la force publique, dont l'exequatur est demandé sur le fondement de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 - a) Compétence de la juridiction administrative - Existence - b) Irrecevabilité en raison de l'absence de lien avec la France - Absence -- c) Immunité de juridiction - Existence.




1) Selon les principes de droit international coutumier, les Etats bénéficient d'une immunité de juridiction lorsque l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion. Un Etat peut opposer cette immunité à une demande d'exequatur d'une décision juridictionnelle, y compris si cette décision émane des juridictions de cet Etat. Si un Etat peut renoncer à son immunité de juridiction dans un litige, y compris par l'effet d'engagements résultant d'une convention internationale, cette renonciation doit être certaine, expresse et non équivoque. 2) Conseil d'Etat gabonais ayant reconnu, par deux arrêts, la responsabilité de l'Etat gabonais dans le démantèlement par la force publique de panneaux publicitaires appartenant à une société et condamné cet Etat à lui verser une somme d'argent. Société ayant demandé au président du tribunal administratif de Paris qu'il ordonne, sur le fondement de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la République française et la République du Gabon du 23 juillet 1963, l'exequatur de ces arrêts. Demande ayant été rejetée comme manifestement irrecevable, au motif que les arrêts du Conseil d'Etat gabonais étaient relatifs à des faits s'étant déroulés sur le territoire du Gabon et ne présentaient ainsi aucun lien avec la France. a) Les arrêts du Conseil d'Etat gabonais condamnant l'Etat gabonais à indemniser cette société en raison du démantèlement par la force publique de panneaux publicitaires relèvent de la matière administrative au sens et pour l'application de l'article 43 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963. La juridiction administrative est compétente pour statuer sur la demande d'exequatur de ces arrêts. b) La circonstance que ces arrêts du Conseil d'Etat gabonais étaient relatifs à des faits s'étant déroulés sur le territoire du Gabon et ne présentant ainsi aucun lien avec la France ne saurait permettre de regarder comme irrecevable la demande d'exequatur. c) D'une part, il ne résulte d'aucune stipulation de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la République française et la République du Gabon du 23 juillet 1963 que les Etats parties auraient entendu renoncer à leur immunité de juridiction. D'autre part, l'usage de la force publique pour le démantèlement des panneaux publicitaires appartenant à la société demanderesse ne constitue pas un acte de gestion mais participe à l'exercice de la souveraineté de la République gabonaise. Il en résulte que la République gabonaise est fondée à se prévaloir de son immunité de juridiction et que la demande d'exequatur doit être rejetée.





54 : Procédure-

Demande d'exequatur d'une décision de justice étrangère - 1) Immunité de juridiction des actes de souveraineté d'un Etat étranger - Invocabilité à l'égard d'une telle demande - Existence (1), y compris si la décision émane des juridictions de cet Etat - Renonciation devant être certaine, expresse et non équivoque - 2) Espèce - Décision du Conseil d'Etat gabonais engageant la responsabilité de l'Etat gabonais pour l'usage de la force publique, dont l'exequatur est demandé sur le fondement de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 - a) Irrecevabilité en raison de l'absence de lien avec la France - Absence - b) Immunité de juridiction - Existence.




1) Selon les principes de droit international coutumier, les Etats bénéficient d'une immunité de juridiction lorsque l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion. Un Etat peut opposer cette immunité à une demande d'exequatur d'une décision juridictionnelle, y compris si cette décision émane des juridictions de cet Etat. Si un Etat peut renoncer à son immunité de juridiction dans un litige, y compris par l'effet d'engagements résultant d'une convention internationale, cette renonciation doit être certaine, expresse et non équivoque. 2) Conseil d'Etat gabonais ayant reconnu, par deux arrêts, la responsabilité de l'Etat gabonais dans le démantèlement par la force publique de panneaux publicitaires appartenant à une société et condamné cet Etat à lui verser une somme d'argent. Société ayant demandé au président du tribunal administratif de Paris qu'il ordonne, sur le fondement de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la République française et la République du Gabon du 23 juillet 1963, l'exequatur de ces arrêts. Demande ayant été rejetée comme manifestement irrecevable. a) La circonstance que ces arrêts du Conseil d'Etat gabonais étaient relatifs à des faits s'étant déroulés sur le territoire du Gabon et ne présentant ainsi aucun lien avec la France ne saurait permettre de regarder comme irrecevable la demande d'exequatur. b) D'une part, il ne résulte d'aucune stipulation de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la République française et la République du Gabon du 23 juillet 1963 que les Etats parties auraient entendu renoncer à leur immunité de juridiction. D'autre part, l'usage de la force publique pour le démantèlement des panneaux publicitaires appartenant à la société demanderesse ne constitue pas un acte de gestion mais participe à l'exercice de la souveraineté de la République gabonaise. Il en résulte que la République gabonaise est fondée à se prévaloir de son immunité de juridiction et que la demande d'exequatur doit être rejetée.


(1) Rappr. Cass., Chambre mixte, 20 juin 2003, Dame Soliman c/ École saoudienne de Paris et Royaume d'Arabie saoudite, n°s 00-45.629, 00-45.630, Bull. ; Cass., 1re civ., 9 mars 2011, GIE La Réunion aérienne c/ Jamahiriya Arabe Libyenne, n° 09-14.743, Bull. I, n° 49 ; Cass., 1re civ., 28 juin 2023, n° 21-19.766, Bull. I. ; Cour internationale de justice, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'État (Allemagne c/ Italie), C.I.J. Recueil 2012, p. 99.