Base de jurisprudence


Analyse n° 451785
18 décembre 2023
Conseil d'État

N° 451785
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 18 décembre 2023



26-055-01-06-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit à un procès équitable (art- )- Violation-

Absence - 1) Cumul au sein du H3C d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance (1) - 2) Absence de règle de déport des membres de la formation restreinte ayant participé à l'élaboration de la norme dont la méconnaissance est sanctionnée.




1) D'une part, le principe du cumul au sein du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance n'est pas, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) ou de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (CDFUE), le pouvoir de sanction confié à cette autorité étant organisé dans des conditions qui assurent le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et des principes d'indépendance et d'impartialité. 2) D'autre part, le fait qu'aucune disposition du code de commerce ne fasse obstacle à ce que des membres de la formation restreinte du collège du H3C aient par ailleurs siégé dans les instances de ce H3C chargées d'élaborer ou d'adopter les normes dont la formation restreinte est amenée à faire application lorsqu'elle se prononce sur les procédures individuelles dont elle est saisie n'est pas non plus, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la conv. EDH.





55-015 : Professions, charges et offices- Instances d'organisation des professions autres que les ordres-

Méconnaissance du droit à un procès équitable - Absence - 1) Cumul au sein du H3C d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance (1) - 2) Absence de règle de déport des membres de la formation restreinte ayant participé à l'élaboration de la norme dont la méconnaissance est sanctionnée.




1) D'une part, le principe du cumul au sein du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance n'est pas, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) ou de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (CDFUE), le pouvoir de sanction confié à cette autorité étant organisé dans des conditions qui assurent le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et des principes d'indépendance et d'impartialité. 2) D'autre part, le fait qu'aucune disposition du code de commerce ne fasse obstacle à ce que des membres de la formation restreinte du collège du H3C aient par ailleurs siégé dans les instances de ce H3C chargées d'élaborer ou d'adopter les normes dont la formation restreinte est amenée à faire application lorsqu'elle se prononce sur les procédures individuelles dont elle est saisie n'est pas non plus, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la conv. EDH.





55-04 : Professions, charges et offices- Discipline professionnelle-

Commissaires aux comptes - Saisine directe de la formation restreinte du H3C par le rapporteur général - Application immédiate de cette règle de procédure - Existence - Atteinte au principe de sécurité juridique - Absence.




La nouvelle rédaction du dernier alinéa de l'article L. 824 8 du code de commerce issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 tire les conséquences de la suppression, par cette même loi, des commissions régionales de discipline en prévoyant la saisine directe de la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), qui est désormais la seule entité compétente pour connaître des actions disciplinaires, par le rapporteur général ayant établi un rapport final. Si, s'agissant d'une règle de procédure, celle-ci a vocation à s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi, qui contrairement à ce que soutiennent les requérants ne nécessitait pas de mesures réglementaires d'application, y compris à des procédures en cours, cette évolution est sans incidence d'une part sur la possibilité, pour le rapporteur général, d'abandonner tout ou partie des griefs et, d'autre part, sur les droits, reconnus par l'article L. 824-8 du code de commerce aux personnes poursuivies, d'avoir accès au dossier, de présenter leurs observations et de se faire assister par un conseil de leur choix à toutes les étapes de la procédure. Par suite, l'application immédiate de cette disposition ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, au principe de confiance légitime.





55-04-02 : Professions, charges et offices- Discipline professionnelle- Sanctions-

Commissaires aux comptes - Espèce - Mise en place d'un co-commissariat aux comptes « de pure façade » dans lequel une société et son dirigeant n'exerçaient que des tâches ponctuelles, sans contrôler suffisamment leur co-commissaire - Radiation du dirigeant et interdiction d'exercice de cinq ans avec sursis pour la société - Sanctions proportionnées (3).




Société X étant, depuis 2009, titulaire d'un mandat pour l'audit des comptes d'une société A, dont son dirigeant, M. Z. était chargé, et qu'il devait réaliser en situation de co-commissariat avec la société Y. M. Z n'ayant, en pratique, opéré aucune revue croisée ni, plus largement, aucune des missions de contrôle qu'implique un audit diligent des comptes en situation de co-commissariat aux comptes. Décision de sanction de la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) relevant ainsi qu'avait été « mis en place un co-commissariat de pure façade », au sein duquel la société X et M. Z n'assuraient que des tâches ponctuelles, liées notamment au respect des obligations fiscales, sans contrôle suffisant de leur co-commissaire aux comptes. Dès lors que M. Z et la société X signaient les rapports de certification des comptes en cause, ils ne pouvaient, sans méconnaître les obligations professionnelles s'imposant à tout commissaire aux comptes, se désintéresser ainsi des opérations de contrôle. En prononçant, à l'encontre de M. Z, une sanction de radiation de la liste des commissaires aux comptes et, à l'encontre de la société X, une sanction d'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant cinq ans, assortie du sursis pour la totalité de sa durée, la formation restreinte n'a pas retenu de sanction disproportionnée.





55-04-02-01 : Professions, charges et offices- Discipline professionnelle- Sanctions- Faits de nature à justifier une sanction-

Commissaires aux comptes -1) Méconnaissance d'une norme d'exercice professionnel - 2) Illustration - Norme relative au co-commissariat aux comptes (NEP 100) - Déséquilibre des contrôles et absence de revue croisée.




1) Il résulte des I de l'article L. 824-1 et de l'article L. 821-13 du code de commerce, dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, et de l'article L. 821-13 du même code, dans sa version antérieure à la même ordonnance, que, tant avant qu'après la réforme opérée par cette ordonnance, le non-respect d'une norme d'exercice professionnel, qui constitue un manquement à une obligation professionnelle pesant sur les commissaires aux comptes (CAC), est susceptible de constituer une faute disciplinaire. 2) Il résulte des paragraphes 7 et 10 à 14 de la norme d'exercice professionnelle 100 (NEP 100) relative à l'audit des comptes réalisés par plusieurs commissaires aux comptes que lorsque l'audit des comptes est réalisé par plusieurs commissaires aux comptes, la répartition des travaux d'audit doit être équilibrée et chacun des commissaires aux comptes est tenu, d'une part, de mener les contrôles dont il a la charge dans le respect des normes professionnelles et des obligations légales et réglementaires applicables et, d'autre part, d'apprécier dans le cadre d'une revue croisée correspondant aux caractéristiques visées au paragraphe 11 de la NEP 100, si les diligences menées par l'autre commissaire aux comptes lui permettent de porter sur les comptes en cause une appréciation suffisamment fiable. Une répartition déséquilibrée des contrôles entre les co-commissaires aux comptes sur les comptes annuels et consolidés d'une société et l'absence de revue croisée par l'un des co-commissaires aux comptes, caractérise un manquement à la NEP 100.


(1) Cf. CE, 30 juillet 2003, Banque d'escompte et Wormser frères réunis, n° 238169, p. 351. (3) Rappr., en ce qui concerne la proportionnalité d'une sanction prononcée contre une autre société et un autre commissaire aux comptes en raison de faits connexes, CE, décision du même jour, Société Mazars SA et autre, n° 451835, T. pp. 550-922.