Base de jurisprudence


Analyse n° 467771
11 octobre 2023
Conseil d'État

N° 467771
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 11 octobre 2023



49 : Police-

Port par les policiers et gendarmes d'un numéro d'identification individuelle (numéro RIO) - 1) Obligations pesant sur l'administration - a) Autorité administrative - Détermination des modalités de port du numéro RIO de façon à ce qu'il soit apparent et lisible - b) Agents concernés en exercice - Port apparent - 2) Carence de l'autorité administrative à assurer le respect de l'obligation de port apparent - a) Existence - b) Conséquence - Injonction de prendre toutes mesures utiles à cette fin - 3) Lisibilité suffisante de l'identifiant dans tous les contextes opérationnels - a) Absence - b) Conséquence - Injonction d'en modifier les caractéristiques, notamment ses dimensions.




1) En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure (CSI), de l'article 2 de l'arrêté du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d'identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les adjoints de sécurité et les réservistes de la police nationale, pris pour son application, d'une note-express du 13 décembre 2013 du directeur général de la gendarmerie nationale et de l'arrêté du 30 mars 2018 relatif au numéro d'immatriculation administrative des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, a) il incombe, d'une part, à l'autorité administrative de déterminer les modalités de port du numéro d'identification individuelle par les agents qui y sont astreints, de telle sorte que ce numéro soit apparent et suffisamment lisible par le public, dans les conditions de chacun des contextes opérationnels pour lesquels son port est prescrit. b) Il appartient, d'autre part, aux agents concernés, sous le contrôle de leurs autorités hiérarchiques, de porter celui-ci de façon apparente lors de l'exercice de leurs missions, sauf dans les cas dûment prévus par les dispositions réglementaires en vigueur. 2) a) Associations requérantes soutenant en premier lieu, en produisant des témoignages et des constats circonstanciés et réitérés assortis de photographies et d'extraits vidéos, que l'absence de port apparent de leur numéro d'immatriculation par les agents de police et de gendarmerie lorsque ceux-ci sont soumis à cette obligation ne relève pas de défaillances ponctuelles liées à des comportements individuels mais présente un caractère très répandu, tant en raison de l'absence de port de la bande détachable sur laquelle il figure que parce qu'il est susceptible d'être recouvert par des équipements de protection individuelle. En second lieu, plusieurs rapports et avis du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), ainsi que des observations formulées par les corps d'inspection de la police et de la gendarmerie nationale corroborent ces constats. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne produit pas en défense d'élément de nature à contredire l'ampleur de ces cas de défaut de port apparent de l'identifiant individuel et se borne à indiquer qu'il procède régulièrement à des rappels à la réglementation. Il en résulte que cette méconnaissance très fréquente d'une obligation simple à satisfaire caractérise une carence de l'autorité administrative à faire assurer son respect par ses agents. b) Dans ces conditions, et quels que soient les autres moyens dont dispose l'administration pour identifier des agents qui feraient l'objet de plaintes ou de poursuites, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le ministre de l'intérieur n'a pas pris les mesures propres à assurer l'effectivité du respect par les membres des forces de sécurité intérieure de l'exigence de port effectif et apparent de l'identifiant individuel prévue par l'article R. 434-15 du CSI. Annulation du refus que le ministre de l'intérieur a opposé à la demande des requérantes en tant qu'il porte sur la prise de toutes mesures utiles aux fins de rendre effectif le respect de cette exigence. Injonction faite au ministre de prendre toutes mesures utiles aux fins d'assurer le respect par les agents de police et de gendarmerie, y compris lorsque l'emplacement habituel de leur matricule est recouvert par des équipements de protection individuelle, de l'obligation de port apparent du numéro d'identification, lorsque ceux-ci y sont soumis. 3) a) Le numéro identifiant dont le port est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus est composé de sept chiffres. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice technique de la direction de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur produite en défense, que, pour mettre en oeuvre ces dispositions, l'administration a fait le choix d'inscrire ce matricule en caractères de 7,6 mm de haut sur une bande détachable, apposée sur l'épaule ou sur la poitrine des agents, de 50 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des policiers, et de 45 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des gendarmes. Caractéristiques techniques de l'identifiant individuel ne garantissant pas, au regard notamment de leur dimension réduite, une lisibilité suffisante de celui-ci dans l'ensemble des contextes opérationnels où son port visible est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus, notamment lorsque les agents interviennent dans des contextes de rassemblements ou d'attroupements. Annulation de la décision attaquée en tant qu'elle refuse de modifier les modalités de l'identification individuelle pour en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels. b) Injonction faite au ministre de modifier les caractéristiques de l'identifiant individuel, et en particulier ses dimensions, afin d'en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels.





54-07-01 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Questions générales-

Recours dirigé contre le refus de prendre un ensemble de mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale incombant à l'administration, assorti de demandes d'injonction - I) Règles générales - Office du juge (1) - 1) Limites - a) Compétence du juge administratif - b) Détermination d'une politique publique - 2) Obligations de l'administration - 3) Recherche par le juge d'une illégalité de l'abstention à prendre les mesures utiles pour assurer ou faire assurer le respect de la légalité - Identification - 4) Pouvoirs du juge en cas d'illégalité - a) Principe - Injonction à y mettre fin par toutes mesures utiles (2) - b) Faculté d'enjoindre des mesures particulières ou déterminées - Conditions (3) - II) Illustration - Port par les policiers et gendarmes d'un numéro d'identification individuelle (numéro RIO) - 1) Obligations de l'administration - a) Détermination des modalités de port du numéro RIO de façon à ce qu'il soit apparent et lisible - b) Port apparent du numéro RIO par les agents concernés en exercice - 2) Carence de l'autorité administrative à assurer le respect de l'obligation de port apparent - a) Existence - b) Conséquence - Injonction de prendre toutes mesures utiles à cette fin - 3) Lisibilité suffisante de l'identifiant dans tous les contextes opérationnels - a) Absence - b) Conséquence - Injonction d'en modifier les caractéristiques, notamment ses dimensions.




I) 1) Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, a) dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. b) Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire. 2) Il incombe à l'administration d'accomplir ses missions dans le respect des règles de droit qui lui sont applicables. Elle doit, à cet effet, faire disparaître de l'ordonnancement juridique les dispositions qui y contreviennent et qui relèvent de sa compétence. Il lui appartient, en outre, de prendre les mesures administratives d'ordre juridique, financier, technique ou organisationnel qu'elle estime utiles pour assurer ou faire assurer le respect de la légalité. 3) Lorsque le juge administratif constate, eu égard notamment à la gravité ou à la récurrence des défaillances relevées, la méconnaissance caractérisée d'une règle de droit dans l'accomplissement de ses missions par l'administration et que certaines mesures administratives seraient, de façon directe, certaine et appropriée, de nature à en prévenir la poursuite ou la réitération, il lui revient, dans les limites de sa compétence et sous la réserve mentionnée ci-dessus, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité. Cette illégalité ne peut être regardée comme constituée que s'il apparaît au juge qu'au regard de la portée de l'obligation qui pèse sur l'administration, des mesures déjà prises, des difficultés inhérentes à la satisfaction de cette obligation, des contraintes liées à l'exécution des missions dont elle a la charge et des moyens dont elle dispose ou, eu égard à la portée de l'obligation, dont elle devrait se doter, celle-ci est tenue de mettre en oeuvre des actions supplémentaires. 4) a) Lorsque l'illégalité du refus de l'administration de prendre des mesures est établie, le juge, saisi de conclusions en ce sens, lui enjoint d'y mettre fin par toutes mesures utiles. Il appartient normalement aux autorités compétentes de déterminer celles des mesures qui sont les mieux à même d'assurer le respect des règles de droit qui leur sont applicables. b) Toutefois, le juge peut circonscrire le champ de son injonction aux domaines particuliers dans lesquels l'instruction a révélé l'existence de mesures qui seraient de nature à prévenir la survenance des illégalités constatées, le défendeur conservant la possibilité de justifier de l'intervention, dans le délai qui a lui été imparti, de mesures relevant d'un autre domaine mais ayant un effet au moins équivalent. Enfin, dans l'hypothèse où l'édiction d'une mesure déterminée se révèle, en tout état de cause, indispensable au respect de la règle de droit méconnue et où l'abstention de l'autorité compétente de prendre cette mesure exclurait, dès lors, qu'elle puisse être respectée, il appartient au juge d'ordonner à l'administration de prendre la mesure considérée. II) 1) En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure (CSI), de l'article 2 de l'arrêté du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d'identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les adjoints de sécurité et les réservistes de la police nationale, pris pour son application, d'une note-express du 13 décembre 2013 du directeur général de la gendarmerie nationale et de l'arrêté du 30 mars 2018 relatif au numéro d'immatriculation administrative des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, a) il incombe, d'une part, à l'autorité administrative de déterminer les modalités de port du numéro d'identification individuelle par les agents qui y sont astreints, de telle sorte que ce numéro soit apparent et suffisamment lisible par le public, dans les conditions de chacun des contextes opérationnels pour lesquels son port est prescrit. b) Il appartient, d'autre part, aux agents concernés, sous le contrôle de leurs autorités hiérarchiques, de porter celui-ci de façon apparente lors de l'exercice de leurs missions, sauf dans les cas dûment prévus par les dispositions réglementaires en vigueur. 2) a) Associations requérantes soutenant en premier lieu, en produisant des témoignages et des constats circonstanciés et réitérés assortis de photographies et d'extraits vidéos, que l'absence de port apparent de leur numéro d'immatriculation par les agents de police et de gendarmerie lorsque ceux-ci sont soumis à cette obligation ne relève pas de défaillances ponctuelles liées à des comportements individuels mais présente un caractère très répandu, tant en raison de l'absence de port de la bande détachable sur laquelle il figure que parce qu'il est susceptible d'être recouvert par des équipements de protection individuelle. En second lieu, plusieurs rapports et avis du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), ainsi que des observations formulées par les corps d'inspection de la police et de la gendarmerie nationale corroborent ces constats. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne produit pas en défense d'élément de nature à contredire l'ampleur de ces cas de défaut de port apparent de l'identifiant individuel et se borne à indiquer qu'il procède régulièrement à des rappels à la réglementation. Il en résulte que cette méconnaissance très fréquente d'une obligation simple à satisfaire caractérise une carence de l'autorité administrative à faire assurer son respect par ses agents. Dans ces conditions, et quels que soient les autres moyens dont dispose l'administration pour identifier des agents qui feraient l'objet de plaintes ou de poursuites, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le ministre de l'intérieur n'a pas pris les mesures propres à assurer l'effectivité du respect par les membres des forces de sécurité intérieure de l'exigence de port effectif et apparent de l'identifiant individuel prévue par l'article R. 434-15 du CSI. Annulation du refus que le ministre de l'intérieur a opposé à la demande des requérantes en tant qu'il porte sur la prise de toutes mesures utiles aux fins de rendre effectif le respect de cette exigence. b) Injonction faite au ministre de prendre toutes mesures utiles aux fins d'assurer le respect par les agents de police et de gendarmerie, y compris lorsque l'emplacement habituel de leur matricule est recouvert par des équipements de protection individuelle, de l'obligation de port apparent du numéro d'identification, lorsque ceux-ci y sont soumis. 3) a) Le numéro identifiant dont le port est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus est composé de sept chiffres. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice technique de la direction de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur produite en défense, que, pour mettre en oeuvre ces dispositions, l'administration a fait le choix d'inscrire ce matricule en caractères de 7,6 mm de haut sur une bande détachable, apposée sur l'épaule ou sur la poitrine des agents, de 50 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des policiers, et de 45 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des gendarmes. Caractéristiques techniques de l'identifiant individuel ne garantissant pas, au regard notamment de leur dimension réduite, une lisibilité suffisante de celui-ci dans l'ensemble des contextes opérationnels où son port visible est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus, notamment lorsque les agents interviennent dans des contextes de rassemblements ou d'attroupements. Annulation de la décision attaquée en tant qu'elle refuse de modifier les modalités de l'identification individuelle pour en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels. b) Injonction faite au ministre de modifier les caractéristiques de l'identifiant individuel, et en particulier ses dimensions, afin d'en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels.





54-07-02 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Contrôle du juge de l'excès de pouvoir-

Recours dirigé contre le refus de prendre un ensemble de mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale incombant à l'administration, assorti de demandes d'injonction - I) Règles générales - Office du juge (1) - 1) Limites - a) Compétence du juge administratif - b) Détermination d'une politique publique - 2) Obligations de l'administration - 3) Recherche par le juge d'une illégalité de l'abstention à prendre les mesures utiles pour assurer ou faire assurer le respect de la légalité - Identification - 4) Pouvoirs du juge en cas d'illégalité - a) Principe - Injonction à y mettre fin par toutes mesures utiles (2) - b) Faculté d'enjoindre des mesures particulières ou déterminées - Conditions (3) - II) Illustration - Port par les policiers et gendarmes d'un numéro d'identification individuelle (numéro RIO) - 1) Obligations de l'administration - a) Détermination des modalités de port du numéro RIO de façon à ce qu'il soit apparent et lisible - b) Port apparent du numéro RIO par les agents concernés en exercice - 2) Carence de l'autorité administrative à assurer le respect de l'obligation de port apparent - a) Existence - b) Conséquence - Injonction de prendre toutes mesures utiles à cette fin - 3) Lisibilité suffisante de l'identifiant dans tous les contextes opérationnels - a) Absence - b) Conséquence - Injonction d'en modifier les caractéristiques, notamment ses dimensions.




I) 1) Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, a) dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. b) Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire. 2) Il incombe à l'administration d'accomplir ses missions dans le respect des règles de droit qui lui sont applicables. Elle doit, à cet effet, faire disparaître de l'ordonnancement juridique les dispositions qui y contreviennent et qui relèvent de sa compétence. Il lui appartient, en outre, de prendre les mesures administratives d'ordre juridique, financier, technique ou organisationnel qu'elle estime utiles pour assurer ou faire assurer le respect de la légalité. 3) Lorsque le juge administratif constate, eu égard notamment à la gravité ou à la récurrence des défaillances relevées, la méconnaissance caractérisée d'une règle de droit dans l'accomplissement de ses missions par l'administration et que certaines mesures administratives seraient, de façon directe, certaine et appropriée, de nature à en prévenir la poursuite ou la réitération, il lui revient, dans les limites de sa compétence et sous la réserve mentionnée ci-dessus, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité. Cette illégalité ne peut être regardée comme constituée que s'il apparaît au juge qu'au regard de la portée de l'obligation qui pèse sur l'administration, des mesures déjà prises, des difficultés inhérentes à la satisfaction de cette obligation, des contraintes liées à l'exécution des missions dont elle a la charge et des moyens dont elle dispose ou, eu égard à la portée de l'obligation, dont elle devrait se doter, celle-ci est tenue de mettre en oeuvre des actions supplémentaires. 4) a) Lorsque l'illégalité du refus de l'administration de prendre des mesures est établie, le juge, saisi de conclusions en ce sens, lui enjoint d'y mettre fin par toutes mesures utiles. Il appartient normalement aux autorités compétentes de déterminer celles des mesures qui sont les mieux à même d'assurer le respect des règles de droit qui leur sont applicables. b) Toutefois, le juge peut circonscrire le champ de son injonction aux domaines particuliers dans lesquels l'instruction a révélé l'existence de mesures qui seraient de nature à prévenir la survenance des illégalités constatées, le défendeur conservant la possibilité de justifier de l'intervention, dans le délai qui a lui été imparti, de mesures relevant d'un autre domaine mais ayant un effet au moins équivalent. Enfin, dans l'hypothèse où l'édiction d'une mesure déterminée se révèle, en tout état de cause, indispensable au respect de la règle de droit méconnue et où l'abstention de l'autorité compétente de prendre cette mesure exclurait, dès lors, qu'elle puisse être respectée, il appartient au juge d'ordonner à l'administration de prendre la mesure considérée. II) 1) En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure (CSI), de l'article 2 de l'arrêté du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d'identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les adjoints de sécurité et les réservistes de la police nationale, pris pour son application, d'une note-express du 13 décembre 2013 du directeur général de la gendarmerie nationale et de l'arrêté du 30 mars 2018 relatif au numéro d'immatriculation administrative des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, a) il incombe, d'une part, à l'autorité administrative de déterminer les modalités de port du numéro d'identification individuelle par les agents qui y sont astreints, de telle sorte que ce numéro soit apparent et suffisamment lisible par le public, dans les conditions de chacun des contextes opérationnels pour lesquels son port est prescrit. b) Il appartient, d'autre part, aux agents concernés, sous le contrôle de leurs autorités hiérarchiques, de porter celui-ci de façon apparente lors de l'exercice de leurs missions, sauf dans les cas dûment prévus par les dispositions réglementaires en vigueur. 2) a) Associations requérantes soutenant en premier lieu, en produisant des témoignages et des constats circonstanciés et réitérés assortis de photographies et d'extraits vidéos, que l'absence de port apparent de leur numéro d'immatriculation par les agents de police et de gendarmerie lorsque ceux-ci sont soumis à cette obligation ne relève pas de défaillances ponctuelles liées à des comportements individuels mais présente un caractère très répandu, tant en raison de l'absence de port de la bande détachable sur laquelle il figure que parce qu'il est susceptible d'être recouvert par des équipements de protection individuelle. En second lieu, plusieurs rapports et avis du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), ainsi que des observations formulées par les corps d'inspection de la police et de la gendarmerie nationale corroborent ces constats. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne produit pas en défense d'élément de nature à contredire l'ampleur de ces cas de défaut de port apparent de l'identifiant individuel et se borne à indiquer qu'il procède régulièrement à des rappels à la réglementation. Il en résulte que cette méconnaissance très fréquente d'une obligation simple à satisfaire caractérise une carence de l'autorité administrative à faire assurer son respect par ses agents. Dans ces conditions, et quels que soient les autres moyens dont dispose l'administration pour identifier des agents qui feraient l'objet de plaintes ou de poursuites, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le ministre de l'intérieur n'a pas pris les mesures propres à assurer l'effectivité du respect par les membres des forces de sécurité intérieure de l'exigence de port effectif et apparent de l'identifiant individuel prévue par l'article R. 434-15 du CSI. Annulation du refus que le ministre de l'intérieur a opposé à la demande des requérantes en tant qu'il porte sur la prise de toutes mesures utiles aux fins de rendre effectif le respect de cette exigence. b) Injonction faite au ministre de prendre toutes mesures utiles aux fins d'assurer le respect par les agents de police et de gendarmerie, y compris lorsque l'emplacement habituel de leur matricule est recouvert par des équipements de protection individuelle, de l'obligation de port apparent du numéro d'identification, lorsque ceux-ci y sont soumis. 3) a) Le numéro identifiant dont le port est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus est composé de sept chiffres. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice technique de la direction de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur produite en défense, que, pour mettre en oeuvre ces dispositions, l'administration a fait le choix d'inscrire ce matricule en caractères de 7,6 mm de haut sur une bande détachable, apposée sur l'épaule ou sur la poitrine des agents, de 50 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des policiers, et de 45 mm de long sur 12 mm de large s'agissant des gendarmes. Caractéristiques techniques de l'identifiant individuel ne garantissant pas, au regard notamment de leur dimension réduite, une lisibilité suffisante de celui-ci dans l'ensemble des contextes opérationnels où son port visible est prescrit par les dispositions mentionnées ci-dessus, notamment lorsque les agents interviennent dans des contextes de rassemblements ou d'attroupements. Annulation de la décision attaquée en tant qu'elle refuse de modifier les modalités de l'identification individuelle pour en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels. b) Injonction faite au ministre de modifier les caractéristiques de l'identifiant individuel, et en particulier ses dimensions, afin d'en assurer une lisibilité suffisante pour le public dans l'ensemble des contextes opérationnels.


(1) Rappr., s'agissant de demandes analogues présentées au juge de l'excès de pouvoir, assorties de conclusions à fin d'injonction, CE, 8 février 2017, M. et autres, n° 397151, p. 35 ; CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254, p. 229 ; CE, 28 décembre 2018, Association La Cimade, n° 410347, T. p. 561 ; CE, 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe et autre, n° 427301, p. 201 ; CE, 9 juin 2022, M. et autres, n° 455754, p. 167 ; s'agissant d'une action de groupe, CE, Assemblée, décision du même jour, Amnesty international et autres, n° 454836, à publier au Recueil. (2) Cf., en précisant, pour ce qui concerne la légalité du refus de prendre une mesure déterminée, CE, 27 novembre 2019, Droits d'urgence et autres, n° 433520, T. pp. 547-884. (3) Rappr., s'agissant de la faculté pour l'administration d'exécuter une injonction du juge des référés en justifiant de l'adoption de mesures au moins équivalentes, CE, 27 mars 2023, Section française de l'observatoire international des prisons, n° 452354, à publier au Recueil.