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Ariane Web: Conseil d'État 468360, lecture du 23 mars 2023

Analyse n° 468360
23 mars 2023
Conseil d'État

N° 468360
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 23 mars 2023



68 : Urbanisme et aménagement du territoire-

Mise en demeure prononcée par l'autorité compétente lorsque des « travaux » ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance de certaines dispositions du code de l'urbanisme ou d'une décision administrative (art. L. 481-1 du même code) - 1) Champ - a) Notion de « travaux » - Portée - Ensemble des opérations soumises à autorisation ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement - Inclusion - Changements de destination soumis à déclaration préalable (art. R. 421-17 du code de l'urbanisme) - b) Illustration - 2) Légalité - "Travaux" caractérisés par un changement de destination soumis à déclaration préalable, sous l'empire d'un PLU ne faisant pas référence aux destinations issues du décret du 28 décembre 2015 - Appréciation - a) Destinations au regard desquelles le juge doit former son appréciation - i) Existence du changement - Cinq destinations issues de ce décret (art. R. 151-27 du code de l'urbanisme) (1) - ii) Possibilité de délivrer une décision de non-opposition, le cas échéant - Destinations fixées par le PLU - b) Illustration - Cas de locaux, initialement utilisés par des commerces, désormais destinés à la réception et au stockage de marchandises en vue de leur livraison rapide par bicyclette.




Ville de Paris ayant, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, mis en demeure des sociétés exploitant des « dark stores » de restituer dans leur état d'origine des locaux qu'elles occupent au motif qu'elles auraient transformé leur destination et que ce changement de destination n'était pas régularisable par la délivrance d'une décision de non-opposition. L'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, introduit par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, permet à l'autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d'une astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l'urbanisme, ou les prescriptions résultant d'une décision administrative ont été méconnues, en vue d'obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le dépôt des demandes d'autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. 1) a) Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux « travaux », elles sont cependant applicables à l'ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire. b) Juge des référés ayant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA), fait droit aux demandes des sociétés requérantes tendant à la suspension des décisions de la Ville de Paris. En jugeant que le moyen tiré d'une méconnaissance du champ d'application de l'article L. 481-1 constituait un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, au motif qu'il ressortait des pièces du dossier que le changement de destination en cause n'avait pas impliqué de travaux alors qu'un tel changement de destination était, à tout le moins, soumis à déclaration préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. 2) a) Dans l'hypothèse où le PLU demeure régi par l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, lorsque le juge administratif est saisi de la question de savoir si l'autorité compétente était en droit d'exiger une déclaration préalable en raison d'un changement de destination, il doit, i) dans un premier temps, apprécier l'existence de ce changement au regard des cinq destinations identifiées à l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme. ii) Ce n'est que dans un second temps qu'il doit examiner, le cas échéant et dans le cas où un changement de destination est constaté, si la destination des locaux permet, au regard des règles sur les destinations fixées par le PLU en cause, de délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable et ainsi de régulariser, si cela est nécessaire, la situation des sociétés. b) Les locaux occupés par les sociétés en cause, qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus, pour l'application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, tels que précisés par l'arrêté du ministre du logement et de l'habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu, des locaux « destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle » et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. L'occupation de ces locaux par les sociétés en cause pour y exercer les activités en cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, à déclaration préalable. Dès lors, la Ville de Paris était en droit d'exiger des sociétés requérantes le dépôt d'une déclaration préalable. Pour apprécier si, comme le soutient la Ville de Paris, une telle déclaration préalable devait nécessairement donner lieu à opposition de la ville, si bien que la situation des sociétés requérantes était insusceptible d'être régularisée, il convient de se référer aux dispositions de son PLU relatives aux destinations. Le PLU de la Ville de Paris se réfère encore aux anciennes destinations de l'ancien article R. 123-9. Au titre des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », il identifie notamment la possibilité de prévoir des espaces de logistique urbaine. Il définit, par ailleurs, les entrepôts comme les locaux d'entreposage et de reconditionnement de produits ou de matériaux, en précisant que sont assimilés à cette destination tous les locaux d'entreposage liés à une activité industrielle, commerciale ou artisanale, lorsque leur taille représente plus de 1/3 de la surface de plancher totale, et, de façon plus générale, tous les locaux recevant de la marchandise ou des matériaux non destinés à la vente aux particuliers dans lesdits locaux. En outre, le 1° de l'article UG 2.2.2 de ce PLU prévoit que : « (?) La transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée est interdite ». L'occupation des locaux en cause ne correspond pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du PLU de Paris, pourrait les faire entrer dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », mais a pour objet de permettre l'entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination « Entrepôt », telle que définie par le même PLU. Dès lors, l'article UG 2.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue pouvait être opposé au changement de destination opéré.





68-03-05 : Urbanisme et aménagement du territoire- Permis de construire- Contrôle des travaux-

Mise en demeure prononcée par l'autorité compétente lorsque des « travaux » ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance de certaines dispositions du code de l'urbanisme ou d'une décision administrative (art. L. 481-1 du même code) - Champ - 1) Notion de « travaux » - Portée - Ensemble des opérations soumises à autorisation ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement - Inclusion - Changements de destination soumis à déclaration préalable (art. R. 421-17 du code de l'urbanisme) - 2) Illustration.




Ville de Paris ayant, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, mis en demeure des sociétés exploitant des « dark stores » de restituer dans leur état d'origine des locaux qu'elles occupent au motif qu'elles auraient transformé leur destination et que ce changement de destination n'était pas régularisable par la délivrance d'une décision de non-opposition. L'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, introduit par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, permet à l'autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d'une astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l'urbanisme, ou les prescriptions résultant d'une décision administrative ont été méconnues, en vue d'obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le dépôt des demandes d'autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. 1) a) Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux « travaux », elles sont cependant applicables à l'ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire. 2) Juge des référés ayant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA), fait droit aux demandes des sociétés requérantes tendant à la suspension des décisions de la Ville de Paris. En jugeant que le moyen tiré d'une méconnaissance du champ d'application de l'article L. 481-1 constituait un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, au motif qu'il ressortait des pièces du dossier que le changement de destination en cause n'avait pas impliqué de travaux alors qu'un tel changement de destination était, à tout le moins, soumis à déclaration préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit.





68-04-045 : Urbanisme et aménagement du territoire- Autorisations d'utilisation des sols diverses- Régimes de déclaration préalable-

Mise en demeure prononcée par l'autorité compétente lorsque des « travaux » ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance de certaines dispositions du code de l'urbanisme ou d'une décision administrative (art. L. 481-1 du même code) - Légalité - Travaux caractérisés par un changement de destination soumis à déclaration préalable, sous l'empire d'un PLU ne faisant pas référence aux destinations issues du décret du 28 décembre 2015 - Appréciation - 1) Destinations au regard desquelles le juge doit former son appréciation - a) Existence du changement - Cinq destinations issues de ce décret (art. R. 151-27 du code de l'urbanisme) (1) - b) Possibilité de délivrer une décision de non-opposition, le cas échéant - Destinations fixées par le PLU - 2) Illustration - Cas de locaux, initialement utilisés par des commerces, désormais destinés à la réception et au stockage de marchandises en vue de leur livraison rapide par bicyclette.




1) a) Dans l'hypothèse où le PLU demeure régi par l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, lorsque le juge administratif est saisi de la question de savoir si l'autorité compétente était en droit d'exiger une déclaration préalable en raison d'un changement de destination, il doit, i) dans un premier temps, apprécier l'existence de ce changement au regard des cinq destinations identifiées à l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme. b) Ce n'est que dans un second temps qu'il doit examiner, le cas échéant et dans le cas où un changement de destination est constaté, si la destination des locaux permet, au regard des règles sur les destinations fixées par le PLU en cause, de délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable et ainsi de régulariser, si cela est nécessaire, la situation des sociétés. 2) Ville de Paris ayant, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, mis en demeure des sociétés exploitant des « dark stores » de restituer dans leur état d'origine des locaux qu'elles occupent au motif qu'elles auraient transformé leur destination et que ce changement de destination n'était pas régularisable par la délivrance d'une décision de non-opposition. Les locaux occupés par les sociétés en cause, qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus, pour l'application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, tels que précisés par l'arrêté du ministre du logement et de l'habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu, des locaux « destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle » et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. L'occupation de ces locaux par les sociétés en cause pour y exercer les activités en cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, à déclaration préalable. Dès lors, la Ville de Paris était en droit d'exiger des sociétés requérantes le dépôt d'une déclaration préalable. Pour apprécier si, comme le soutient la Ville de Paris, une telle déclaration préalable devait nécessairement donner lieu à opposition de la ville, si bien que la situation des sociétés requérantes était insusceptible d'être régularisée, il convient de se référer aux dispositions de son PLU relatives aux destinations. Le PLU de la Ville de Paris se réfère encore aux anciennes destinations de l'ancien article R. 123-9. Au titre des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », il identifie notamment la possibilité de prévoir des espaces de logistique urbaine. Il définit, par ailleurs, les entrepôts comme les locaux d'entreposage et de reconditionnement de produits ou de matériaux, en précisant que sont assimilés à cette destination tous les locaux d'entreposage liés à une activité industrielle, commerciale ou artisanale, lorsque leur taille représente plus de 1/3 de la surface de plancher totale, et, de façon plus générale, tous les locaux recevant de la marchandise ou des matériaux non destinés à la vente aux particuliers dans lesdits locaux. En outre, le 1° de l'article UG 2.2.2 de ce PLU prévoit que : « (?) La transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée est interdite ». L'occupation des locaux en cause ne correspond pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du PLU de Paris, pourrait les faire entrer dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », mais a pour objet de permettre l'entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination « Entrepôt », telle que définie par le même PLU. Dès lors, l'article UG 2.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue pouvait être opposé au changement de destination opéré.


(1) Cf., jugeant que les cas de changements de destination soumis à autorisation d'urbanisme s'apprécient au regard des destinations prévues aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme y compris pour les PLU antérieurs au décret du 28 décembre 2015, CE, 7 juillet 2022, Ville de Paris, n° 454789, T. pp. 541-978.

Voir aussi