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Ariane Web: Conseil d'État 416727, lecture du 12 mai 2022

Analyse n° 416727
12 mai 2022
Conseil d'État

N° 416727
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 12 mai 2022



15-05-11-01 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Fiscalité- Taxe sur la valeur ajoutée-

Base d'imposition - Régime de la TVA sur la marge - 1) Opérations immobilières y étant soumises en application de la loi (art. 35, 257 et 268 du CGI) - 2) Interprétation de la disposition transposée par la loi (art. 392 de la directive du 28 novembre 2006) - Conséquences - a) Incompatibilité partielle de la loi avec le droit de l'Union - Existence - b) Moyen tiré de cette incompatibilité à l'appui d'une demande de restitution d'un montant de taxe ayant été calculé sur la marge - Inopérance - 3) Réalisation de travaux de viabilisation entre l'achat et la revente d'un terrain - Circonstance sans incidence par elle-même.




1) Il résulte de la combinaison des 1° et 3° du I de l'article 35, du 6° de l'article 257 et de l'article 268 du code général des impôts (CGI) que les opérations qui portent sur des terrains à bâtir et sont réalisées par des marchands de biens ou des lotisseurs sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge en application du 6° de l'article 257 pour autant qu'elles ne relèvent pas du 7° du même article. Ces opérations entrent dans le champ d'application du 7° de cet article si elles ont eu lieu, à la date de la cession, en vue de la production ou de la livraison d'immeubles, à l'exception des cessions à des personnes physiques de terrains en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation. 2) Par son arrêt du 30 septembre 2021 (C-299/20) par lequel elle s'est prononcée sur les questions que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux lui avait soumises, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il permet d'appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de ces cas, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la TVA, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée. a) Il en résulte que la combinaison des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI est incompatible avec l'article 392 de la directive 2006/112/CE en tant qu'il soumet au régime de la TVA sur la marge les cessions de terrains à bâtir réalisées par des revendeurs assujettis, au profit des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation, lorsque l'acquisition initiale du terrain à bâtir par le revendeur n'a pas été soumise à la TVA, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée, et que le prix auquel le revendeur a acquis ces biens n'incorpore pas un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. b) Toutefois, il résulte de la combinaison du a du paragraphe 1 de l'article 2 et du k du paragraphe 1 de l'article 135 de la directive 2006/112/CE que toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit, en principe, être soumise à la TVA. Le régime de taxation sur la marge, prévu à l'article 392 de cette directive, constitue une dérogation au régime de droit commun de l'article 73 de la même directive en vertu duquel la TVA est calculée sur la totalité du prix de vente. Dès lors que la combinaison des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI n'est incompatible avec la directive 2006/112/CE qu'en tant qu'elle soumet les opérations décrites au point précédent à une TVA calculée sur la marge et non à la TVA calculée sur le prix total, un contribuable ne peut utilement invoquer une telle incompatibilité pour demander la restitution de la TVA qu'il a acquittée, calculée sur la seule marge. 3) La CJUE a également dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité. Il en résulte que la circonstance qu'un contribuable a procédé, dans le cadre de son activité de lotisseur, à des travaux de viabilisation des terrains préalablement à leur revente à des particuliers est par elle-même sans incidence sur l'application du régime de la TVA sur la marge prévue par la combinaison du 6° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI aux opérations de cession de terrains à bâtir qui entrent dans le champ de la taxe.





19-06-02-08-01 : Contributions et taxes- Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées- Taxe sur la valeur ajoutée- Liquidation de la taxe- Base d'imposition-

Régime de la TVA sur la marge - 1) Opérations immobilières y étant soumises en application de la loi (art. 35, 257 et 268 du CGI) - 2) Interprétation de la disposition transposée par la loi (art. 392 de la directive du 28 novembre 2006) - Conséquences - a) Incompatibilité partielle de la loi avec le droit de l'Union - Existence - b) Moyen tiré de cette incompatibilité à l'appui d'une demande de restitution d'un montant de taxe ayant été calculé sur la marge - Inopérance - 3) Réalisation de travaux de viabilisation entre l'achat et la revente d'un terrain - Circonstance sans incidence par elle-même.




1) Il résulte de la combinaison des 1° et 3° du I de l'article 35, du 6° de l'article 257 et de l'article 268 du code général des impôts (CGI) que les opérations qui portent sur des terrains à bâtir et sont réalisées par des marchands de biens ou des lotisseurs sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge en application du 6° de l'article 257 pour autant qu'elles ne relèvent pas du 7° du même article. Ces opérations entrent dans le champ d'application du 7° de cet article si elles ont eu lieu, à la date de la cession, en vue de la production ou de la livraison d'immeubles, à l'exception des cessions à des personnes physiques de terrains en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation. 2) Par son arrêt du 30 septembre 2021 (C-299/20) par lequel elle s'est prononcée sur les questions que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux lui avait soumises, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il permet d'appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de ces cas, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la TVA, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée. a) Il en résulte que la combinaison des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI est incompatible avec l'article 392 de la directive 2006/112/CE en tant qu'il soumet au régime de la TVA sur la marge les cessions de terrains à bâtir réalisées par des revendeurs assujettis, au profit des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation, lorsque l'acquisition initiale du terrain à bâtir par le revendeur n'a pas été soumise à la TVA, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée, et que le prix auquel le revendeur a acquis ces biens n'incorpore pas un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. b) Toutefois, il résulte de la combinaison du a du paragraphe 1 de l'article 2 et du k du paragraphe 1 de l'article 135 de la directive 2006/112/CE que toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit, en principe, être soumise à la TVA. Le régime de taxation sur la marge, prévu à l'article 392 de cette directive, constitue une dérogation au régime de droit commun de l'article 73 de la même directive en vertu duquel la TVA est calculée sur la totalité du prix de vente. Dès lors que la combinaison des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI n'est incompatible avec la directive 2006/112/CE qu'en tant qu'elle soumet les opérations décrites au point précédent à une TVA calculée sur la marge et non à la TVA calculée sur le prix total, un contribuable ne peut utilement invoquer une telle incompatibilité pour demander la restitution de la TVA qu'il a acquittée, calculée sur la seule marge. 3) La CJUE a également dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité. Il en résulte que la circonstance qu'un contribuable a procédé, dans le cadre de son activité de lotisseur, à des travaux de viabilisation des terrains préalablement à leur revente à des particuliers est par elle-même sans incidence sur l'application du régime de la TVA sur la marge prévue par la combinaison du 6° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI aux opérations de cession de terrains à bâtir qui entrent dans le champ de la taxe.


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