Base de jurisprudence


Analyse n° 441918
31 mars 2021
Conseil d'État

N° 441918
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 31 mars 2021



19-04-01-02-03 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur le revenu- Détermination du revenu imposable-

Report d'imposition (II de l'art. 92 B du CGI) - Abattements pour durée de détention (art. 150-0 D du CGI, issu de l'art. 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014) - 1) Application aux plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 - a) Hors du champ de la directive "fusions" - Absence (1) - b) Dans le champ de la directive "fusions" - Existence - 2) Compatibilité de cette différence de traitement avec les articles 1P1 et 14 de la convention EDH (2) - a) Objectif d'intérêt public légitime - Existence, tenant au respect du droit de l'UE - b) Proportionnalité - Existence.




Le II de l'article 92 B et le I ter de l'article 160 du code général des impôts (CGI) ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit, s'agissant d'un report optionnel, aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition. 1) a) L'article 150-0 D du CGI, dans sa version issue de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, s'applique aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013. Il en résulte que l'abattement pour durée de détention qu'il prévoit ne peut s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 du même code. b) Par un arrêt n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 8 de la directive 2009/133/CE dite "fusions" du 19 octobre 2009, qui reprend l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, il requiert que soit appliqué, à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu. Il en résulte que lorsqu'elles sont afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de la directive "fusions", les plus-values placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 du CGI sont susceptibles de faire l'objet, en cas d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans les conditions énoncées au point précédent. 2) Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel (1P1) à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 14 de cette convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Il résulte de ce qui précède une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention à la plus-value d'une opération d'échange de titres placée en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne (UE) ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'UE. a) Si le législateur avait initialement exclu du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D l'ensemble des plus-values afférentes à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160, la soumission à des règles d'assiette plus favorables des plus-values relatives à des opérations mettant en cause des sociétés d'Etats-membres différents trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, de la directive "fusions", telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt précité n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, qui impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres. Le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations au demeurant comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. b) Par ailleurs, si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'UE, prévoit de garantir par des modalités différentes, selon que sont en cause des opérations purement internes ou des opérations entrant dans le champ de la directive "fusions", la neutralité fiscale des opérations d'échange de titres en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable, et ne méconnaît pas la combinaison de l'article 14 de la convention CEDH et de l'article 1P1.





19-04-02-08-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Plusvalues des particuliers- Plusvalues mobilières-

Report d'imposition (II de l'art. 92 B du CGI) - Abattements pour durée de détention (art. 150-0 D du CGI, issu de l'art. 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014) - 1) Application aux plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 - a) Hors du champ de la directive "fusions" - Absence (1) - b) Dans le champ de la directive "fusions" - Existence - 2) Compatibilité de cette différence de traitement avec les articles 1P1 et 14 de la convention EDH (2) - a) Objectif d'intérêt public légitime - Existence, tenant au respect du droit de l'UE - b) Proportionnalité - Existence.




Le II de l'article 92 B et le I ter de l'article 160 du code général des impôts (CGI) ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit, s'agissant d'un report optionnel, aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition. 1) a) L'article 150-0 D du CGI, dans sa version issue de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, s'applique aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013. Il en résulte que l'abattement pour durée de détention qu'il prévoit ne peut s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 du même code. b) Par un arrêt n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 8 de la directive 2009/133/CE dite "fusions" du 19 octobre 2009, qui reprend l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, il requiert que soit appliqué, à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu. Il en résulte que lorsqu'elles sont afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de la directive "fusions", les plus-values placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 du CGI sont susceptibles de faire l'objet, en cas d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans les conditions énoncées au point précédent. 2) Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel (1P1) à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 14 de cette convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Il résulte de ce qui précède une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention à la plus-value d'une opération d'échange de titres placée en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne (UE) ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'UE. a) Si le législateur avait initialement exclu du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D l'ensemble des plus-values afférentes à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160, la soumission à des règles d'assiette plus favorables des plus-values relatives à des opérations mettant en cause des sociétés d'Etats-membres différents trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, de la directive "fusions", telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt précité n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, qui impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres. Le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations au demeurant comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. b) Par ailleurs, si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'UE, prévoit de garantir par des modalités différentes, selon que sont en cause des opérations purement internes ou des opérations entrant dans le champ de la directive "fusions", la neutralité fiscale des opérations d'échange de titres en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable, et ne méconnaît pas la combinaison de l'article 14 de la convention CEDH et de l'article 1P1.





26-055-01-14 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Interdiction des discriminations (art- )-

Report d'imposition sur les plus-values mobilières (II de l'art. 92 B du CGI) - Distinction entre les plus-values hors du champ ou dans le champ de la directive "fusions" - Compatibilité de cette différence de traitement avec les articles 1P1 et 14 de la convention EDH (2) - a) Objectif d'intérêt public légitime - Existence, tenant au respect du droit de l'UE - b) Proportionnalité - Existence.




Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel (1P1) à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 14 de cette convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Il existe une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention à la plus-value d'une opération d'échange de titres placée en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne (UE) ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'UE. 1) Si le législateur avait initialement exclu du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts (CGI) l'ensemble des plus-values afférentes à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160, la soumission à des règles d'assiette plus favorables des plus-values relatives à des opérations mettant en cause des sociétés d'Etats-membres différents trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, de la directive 2009/133/CE dite "fusions" du 19 octobre 2009, telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt précité n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, qui impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres. Le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations au demeurant comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. 2) Par ailleurs, si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'UE, prévoit de garantir par des modalités différentes, selon que sont en cause des opérations purement internes ou des opérations entrant dans le champ de la directive "fusions", la neutralité fiscale des opérations d'échange de titres en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable, et ne méconnaît pas la combinaison de l'article 14 de la convention CEDH et de l'article 1P1.





26-055-02-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par les protocoles- Droit au respect de ses biens (art- er du premier protocole additionnel)-

Report d'imposition sur les plus-values mobilières (II de l'art. 92 B du CGI) - Distinction entre les plus-values hors du champ ou dans le champ de la directive "fusions" - Compatibilité de cette différence de traitement avec les articles 1P1 et 14 de la convention EDH (2) - 1) Objectif d'intérêt public légitime - Existence, tenant au respect du droit de l'UE - 2) Proportionnalité - Existence.




Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel (1P1) à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 14 de cette convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Il existe une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention à la plus-value d'une opération d'échange de titres placée en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne (UE) ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'UE. 1) Si le législateur avait initialement exclu du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts (CGI) l'ensemble des plus-values afférentes à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160, la soumission à des règles d'assiette plus favorables des plus-values relatives à des opérations mettant en cause des sociétés d'Etats-membres différents trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, de la directive 2009/133/CE dite "fusions" du 19 octobre 2009, telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt précité n°s C-662/18 et C-672/18 du 18 septembre 2019, qui impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres. Le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations au demeurant comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. 2) Par ailleurs, si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'UE, prévoit de garantir par des modalités différentes, selon que sont en cause des opérations purement internes ou des opérations entrant dans le champ de la directive "fusions", la neutralité fiscale des opérations d'échange de titres en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable, et ne méconnaît pas la combinaison de l'article 14 de la convention CEDH et de l'article 1P1.


(1) Cf., s'agissant des règles de calcul de l'impôt, CE, 10 avril 2002, M. de , n° 226886, p. 125. Rappr. Cons. const., 22 avril 2016, n° 2016-538 QPC. (2) Rappr., s'agissant de la conformité de la même distinction au principe d'égalité devant la loi, Cons. const., 3 avril 2020, n° 2019-832/833 QPC ; s'agissant de la portée de la combinaison des articles 8 et 14 de la convention EDH, Cour EDH, 11 décembre 2018, n° 65550/13, Belli et Arquier-Martinez c. Suisse, pt. 90.