Conseil d'État
N° 421779
Publié au recueil Lebon
Lecture du lundi 13 mai 2019
26-055-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention-
Liberté d'expression (art. 10) - Absence d'atteinte disproportionnée - Mise en demeure adressée par le CSA à la société France Télévisions de respecter son cahier des charges à la suite de la diffusion d'un reportage centré sur une personne s'étant portée partie civile dans une procédure pénale quelques heures après l'audition devant la cour d'assises de cette personne et avant que le jury d'assises ne délibère.
Dans la soirée du 14 décembre 2017, la société France Télévisions a diffusé sur le service France 2, lors de l'émission "Envoyé spécial", un reportage intitulé "Celle qui accuse" évoquant, pour illustrer les difficultés rencontrées par une femme qui porte plainte contre un supérieur hiérarchique pour viol ou agression sexuelle, des faits dénoncés par deux employées de mairie, qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre le maire de la commune et qui étaient soumis, depuis le 12 décembre 2017, au jugement de la cour d'assises. Le reportage était centré sur l'une des deux personnes qui s'étaient portées partie civile. Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a estimé que "le crédit accordé à la partie civile, les déclarations des témoins interrogés et les commentaires hors champ concouraient à l'établissement d'un reportage déséquilibré, essentiellement centré sur les charges retenues contre l'accusé, traduisant un défaut de mesure dans l'évocation d'une procédure judiciaire criminelle en cours" et relevé en outre que la séquence avait été diffusée quelques heures seulement après l'audition devant la cour d'assises de la partie civile concernée et avant que le jury ne délibère. Le CSA a considéré, à raison de ces faits, que la société France Télévisions avait méconnu les dispositions précitées de l'article 35 de son cahier des charges et l'a mise en demeure de respecter ces dispositions à l'avenir dans les émissions du service France 2. Si la décision attaquée ne prononce pas une sanction mais procède seulement, en raison des faits qu'elle constate, à une mise en demeure destinée à rappeler à la société France Télévisions les obligations résultant de son cahier des charges et à rendre possible l'engagement d'une procédure de sanction en cas de réitération de faits de même nature, elle doit néanmoins être regardée, au sens des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), comme une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de la liberté qu'elles garantissent. Toutefois, une telle mesure, dont l'intervention est prévue à l'article 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 décembre 1986, a pour objet d'assurer la protection de la réputation et des droits d'autrui et de garantir l'impartialité de l'autorité judiciaire. En adressant à la société France Télévisions la mise en demeure de respecter à l'avenir les dispositions de l'article 35 de son cahier des charges après la diffusion du reportage en cause, le CSA n'a pas, eu égard au contenu du reportage litigieux et au moment où il a été diffusé, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH.
56-01 : Radio et télévision- Conseil supérieur de l'audiovisuel-
Mise en demeure de la société France Télévisions de respecter son cahier des charges - 1) Moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de la Conv. EDH - Moyen opérant - 2) Espèce - Diffusion d'un reportage centré sur une personne s'étant portée partie civile dans une procédure pénale quelques heures après l'audition devant la cour d'assises de cette personne et avant que le jury d'assise ne délibère - Atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH - Absence.
Dans la soirée du 14 décembre 2017, la société France Télévision a diffusé sur le service France 2, lors de l'émission "Envoyé spécial", un reportage intitulé "Celle qui accuse" évoquant, pour illustrer les difficultés rencontrées par une femme qui porte plainte contre un supérieur hiérarchique pour viol ou agression sexuelle, des faits dénoncés par deux employées de mairie, qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre le maire de la commune et qui étaient soumis, depuis le 12 décembre 2017, au jugement de la cour d'assises. Le reportage était centré sur l'une des deux personnes qui s'étaient portées partie civile. Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a estimé que "le crédit accordé à la partie civile, les déclarations des témoins interrogés et les commentaires hors champ concouraient à l'établissement d'un reportage déséquilibré, essentiellement centré sur les charges retenues contre l'accusé, traduisant un défaut de mesure dans l'évocation d'une procédure judiciaire criminelle en cours" et relevé en outre que la séquence avait été diffusée quelques heures seulement après l'audition devant la cour d'assises de la partie civile concernée et avant que le jury ne délibère. Le CSA a considéré, à raison de ces faits, que la société France Télévisions avait méconnu les dispositions précitées de l'article 35 de son cahier des charges et l'a mise en demeure de respecter ces dispositions à l'avenir dans les émissions du service France 2. 1) Si la décision attaquée ne prononce pas une sanction mais procède seulement, en raison des faits qu'elle constate, à une mise en demeure destinée à rappeler à la société France Télévisions les obligations résultant de son cahier des charges et à rendre possible l'engagement d'une procédure de sanction en cas de réitération de faits de même nature, elle doit néanmoins être regardée, au sens des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), comme une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de la liberté qu'elles garantissent. Toutefois, une telle mesure, dont l'intervention est prévue à l'article 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 décembre 1986, a pour objet d'assurer la protection de la réputation et des droits d'autrui et de garantir l'impartialité de l'autorité judiciaire. 2) En adressant à la société France Télévisions la mise en demeure de respecter à l'avenir les dispositions de l'article 35 de son cahier des charges après la diffusion du reportage en cause, le CSA n'a pas, eu égard au contenu du reportage litigieux et au moment où il a été diffusé, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH.
N° 421779
Publié au recueil Lebon
Lecture du lundi 13 mai 2019
26-055-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention-
Liberté d'expression (art. 10) - Absence d'atteinte disproportionnée - Mise en demeure adressée par le CSA à la société France Télévisions de respecter son cahier des charges à la suite de la diffusion d'un reportage centré sur une personne s'étant portée partie civile dans une procédure pénale quelques heures après l'audition devant la cour d'assises de cette personne et avant que le jury d'assises ne délibère.
Dans la soirée du 14 décembre 2017, la société France Télévisions a diffusé sur le service France 2, lors de l'émission "Envoyé spécial", un reportage intitulé "Celle qui accuse" évoquant, pour illustrer les difficultés rencontrées par une femme qui porte plainte contre un supérieur hiérarchique pour viol ou agression sexuelle, des faits dénoncés par deux employées de mairie, qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre le maire de la commune et qui étaient soumis, depuis le 12 décembre 2017, au jugement de la cour d'assises. Le reportage était centré sur l'une des deux personnes qui s'étaient portées partie civile. Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a estimé que "le crédit accordé à la partie civile, les déclarations des témoins interrogés et les commentaires hors champ concouraient à l'établissement d'un reportage déséquilibré, essentiellement centré sur les charges retenues contre l'accusé, traduisant un défaut de mesure dans l'évocation d'une procédure judiciaire criminelle en cours" et relevé en outre que la séquence avait été diffusée quelques heures seulement après l'audition devant la cour d'assises de la partie civile concernée et avant que le jury ne délibère. Le CSA a considéré, à raison de ces faits, que la société France Télévisions avait méconnu les dispositions précitées de l'article 35 de son cahier des charges et l'a mise en demeure de respecter ces dispositions à l'avenir dans les émissions du service France 2. Si la décision attaquée ne prononce pas une sanction mais procède seulement, en raison des faits qu'elle constate, à une mise en demeure destinée à rappeler à la société France Télévisions les obligations résultant de son cahier des charges et à rendre possible l'engagement d'une procédure de sanction en cas de réitération de faits de même nature, elle doit néanmoins être regardée, au sens des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), comme une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de la liberté qu'elles garantissent. Toutefois, une telle mesure, dont l'intervention est prévue à l'article 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 décembre 1986, a pour objet d'assurer la protection de la réputation et des droits d'autrui et de garantir l'impartialité de l'autorité judiciaire. En adressant à la société France Télévisions la mise en demeure de respecter à l'avenir les dispositions de l'article 35 de son cahier des charges après la diffusion du reportage en cause, le CSA n'a pas, eu égard au contenu du reportage litigieux et au moment où il a été diffusé, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH.
56-01 : Radio et télévision- Conseil supérieur de l'audiovisuel-
Mise en demeure de la société France Télévisions de respecter son cahier des charges - 1) Moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de la Conv. EDH - Moyen opérant - 2) Espèce - Diffusion d'un reportage centré sur une personne s'étant portée partie civile dans une procédure pénale quelques heures après l'audition devant la cour d'assises de cette personne et avant que le jury d'assise ne délibère - Atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH - Absence.
Dans la soirée du 14 décembre 2017, la société France Télévision a diffusé sur le service France 2, lors de l'émission "Envoyé spécial", un reportage intitulé "Celle qui accuse" évoquant, pour illustrer les difficultés rencontrées par une femme qui porte plainte contre un supérieur hiérarchique pour viol ou agression sexuelle, des faits dénoncés par deux employées de mairie, qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre le maire de la commune et qui étaient soumis, depuis le 12 décembre 2017, au jugement de la cour d'assises. Le reportage était centré sur l'une des deux personnes qui s'étaient portées partie civile. Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a estimé que "le crédit accordé à la partie civile, les déclarations des témoins interrogés et les commentaires hors champ concouraient à l'établissement d'un reportage déséquilibré, essentiellement centré sur les charges retenues contre l'accusé, traduisant un défaut de mesure dans l'évocation d'une procédure judiciaire criminelle en cours" et relevé en outre que la séquence avait été diffusée quelques heures seulement après l'audition devant la cour d'assises de la partie civile concernée et avant que le jury ne délibère. Le CSA a considéré, à raison de ces faits, que la société France Télévisions avait méconnu les dispositions précitées de l'article 35 de son cahier des charges et l'a mise en demeure de respecter ces dispositions à l'avenir dans les émissions du service France 2. 1) Si la décision attaquée ne prononce pas une sanction mais procède seulement, en raison des faits qu'elle constate, à une mise en demeure destinée à rappeler à la société France Télévisions les obligations résultant de son cahier des charges et à rendre possible l'engagement d'une procédure de sanction en cas de réitération de faits de même nature, elle doit néanmoins être regardée, au sens des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), comme une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de la liberté qu'elles garantissent. Toutefois, une telle mesure, dont l'intervention est prévue à l'article 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 décembre 1986, a pour objet d'assurer la protection de la réputation et des droits d'autrui et de garantir l'impartialité de l'autorité judiciaire. 2) En adressant à la société France Télévisions la mise en demeure de respecter à l'avenir les dispositions de l'article 35 de son cahier des charges après la diffusion du reportage en cause, le CSA n'a pas, eu égard au contenu du reportage litigieux et au moment où il a été diffusé, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Conv. EDH.