Conseil d'État
N° 401395
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 3 mars 2017
60-04-01 : Responsabilité de la puissance publique- Réparation- Préjudice-
Préjudices résultant des fautes commises par la personne publique en sa qualité d'employeur - 1) Principe - Obligation pour l'intéressé de justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés - 2) Exception - Indemnisation des carences de l'Etat dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs des DCN à l'amiante - Préjudice d'anxiété (1) devant être regardé comme établi pour les ouvriers d'Etat ayant exercé dans la construction navale et ayant été intégrés dans le dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité.
1) Le requérant qui recherche la responsabilité de la personne publique doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents. La circonstance qu'il bénéficie d'un dispositif de cessation anticipée d'activité à raison des conditions de travail dans sa profession ou son métier et des risques susceptibles d'en découler sur la santé, ou de tout autre dispositif fondé sur un même motif, ne dispense pas l'intéressé, qui recherche la responsabilité de la personne publique à raison des fautes commises en sa qualité d'employeur, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés. 2) Toutefois, les travailleurs des directions des constructions navales (DCN) ayant été exposés à l'amiante ont bénéficié d'un dispositif spécifique de cessation anticipée d'activité sur la base de la prise en compte de leur situation personnelle pendant leur période d'activité. Les dispositions législatives et réglementaires relatives à cette allocation spécifique de cessation anticipée d'activité visent à tenir compte, pour les personnes qui remplissent à titre individuel des conditions de temps, de lieu et d'activité limitativement définies, du risque élevé de baisse d'espérance de vie du fait de leur exposition effective à l'amiante. Par conséquent, dès lors qu'un ouvrier d'Etat ayant exercé dans la construction navale a été intégré dans ce dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, compte tenu d'éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d'activité, il peut être regardé comme justifiant l'existence de préjudices tenant à l'anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition aux poussières d'amiante. Ainsi, la décision de reconnaissance du droit à cette allocation vaut reconnaissance pour l'intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral.
(1) Cf., sur le caractère indemnisable du préjudice d'anxiété, CE, 9 novembre 2016, Mme , n° 393108, p. 496.
N° 401395
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 3 mars 2017
60-04-01 : Responsabilité de la puissance publique- Réparation- Préjudice-
Préjudices résultant des fautes commises par la personne publique en sa qualité d'employeur - 1) Principe - Obligation pour l'intéressé de justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés - 2) Exception - Indemnisation des carences de l'Etat dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs des DCN à l'amiante - Préjudice d'anxiété (1) devant être regardé comme établi pour les ouvriers d'Etat ayant exercé dans la construction navale et ayant été intégrés dans le dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité.
1) Le requérant qui recherche la responsabilité de la personne publique doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents. La circonstance qu'il bénéficie d'un dispositif de cessation anticipée d'activité à raison des conditions de travail dans sa profession ou son métier et des risques susceptibles d'en découler sur la santé, ou de tout autre dispositif fondé sur un même motif, ne dispense pas l'intéressé, qui recherche la responsabilité de la personne publique à raison des fautes commises en sa qualité d'employeur, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés. 2) Toutefois, les travailleurs des directions des constructions navales (DCN) ayant été exposés à l'amiante ont bénéficié d'un dispositif spécifique de cessation anticipée d'activité sur la base de la prise en compte de leur situation personnelle pendant leur période d'activité. Les dispositions législatives et réglementaires relatives à cette allocation spécifique de cessation anticipée d'activité visent à tenir compte, pour les personnes qui remplissent à titre individuel des conditions de temps, de lieu et d'activité limitativement définies, du risque élevé de baisse d'espérance de vie du fait de leur exposition effective à l'amiante. Par conséquent, dès lors qu'un ouvrier d'Etat ayant exercé dans la construction navale a été intégré dans ce dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, compte tenu d'éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d'activité, il peut être regardé comme justifiant l'existence de préjudices tenant à l'anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition aux poussières d'amiante. Ainsi, la décision de reconnaissance du droit à cette allocation vaut reconnaissance pour l'intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral.
(1) Cf., sur le caractère indemnisable du préjudice d'anxiété, CE, 9 novembre 2016, Mme , n° 393108, p. 496.