Conseil d'État
N° 395009
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 11 décembre 2015
49-06-01 : Police- Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police- État d'urgence-
Régime des assignations à résidence (art. 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) - 1) Motif susceptible de justifier une assignation à résidence - a) Motif devant être tiré du péril imminent ou de la calamité publique - Absence - b) Appréciation de la menace pour la sécurité et l'ordre publics devant tenir compte du péril imminent ou de la calamité publique - Existence - 2) Contrôle exercé par le juge de l'excès de pouvoir - Contrôle normal (1) - 3) Appréciation portée par le juge du référé-liberté sur une telle mesure.
1) a) L'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, de par sa lettre même, n'établit pas de lien entre la nature du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à ce que soit déclaré l'état d'urgence et la nature de la menace pour la sécurité et l'ordre publics susceptible de justifier une mesure d'assignation à résidence. b) Le ministre de l'intérieur, tant que l'état d'urgence demeure en vigueur, peut décider l'assignation à résidence de toute personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence, dès lors que des raisons sérieuses donnent à penser que le comportement de cette personne constitue, compte tenu du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, une menace pour la sécurité et l'ordre publics. 2) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs justifiant le prononcé d'une assignation à résidence. 3) Il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le comportement de l'intéressé, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, ou dans la détermination des modalités de l'assignation à résidence.
54-035-03-03-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Urgence-
Présomption - Existence - Référé-liberté dirigé contre une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement de l'art. 6 de la loi du 3 avril 1955 (2).
Eu égard à son objet et à ses effets, notamment aux restrictions apportées à la liberté d'aller et venir, une décision prononçant l'assignation à résidence d'une personne, prise par l'autorité administrative en application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, porte, en principe et par elle même, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde.
54-035-03-04 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Pouvoirs et devoirs du juge-
1) Hypothèse où le juge des référés est saisi d'une QPC (3) - a) Obligation d'examiner la QPC, sauf rejet pour certains motifs - b) Office du juge des référés en cas de transmission de la QPC au Conseil d'Etat ou de renvoi au Conseil constitutionnel - 2) Office du juge du référé-liberté saisi d'une mesure d'assignation à résidence prononcée sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 (art. 6).
1) Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 23-5 et 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative (CJA) qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code. a) Le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel. b) Même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère. 2) Lorsqu'il est saisi d'une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le comportement de l'intéressé, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, ou dans la détermination des modalités de l'assignation à résidence. S'il estime que les conditions définies à l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont réunies, le juge des référés peut prendre toute mesure qu'il juge appropriée pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle il a été porté atteinte.
54-07-02-03 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Contrôle du juge de l'excès de pouvoir- Appréciations soumises à un contrôle normal-
Etat d'urgence (loi du 3 avril 1985) - Assignation à résidence (art. 6).
Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs justifiant le prononcé d'une assignation à résidence sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.
54-10 : Procédure- Question prioritaire de constitutionnalité-
Question prioritaire de constitutionnalité posée devant le juge du référé-liberté (art. L. 521-2 du CJA) (1) - 1) Obligation d'examiner la QPC, sauf rejet pour certains motifs - 2) Office du juge des référés en cas de transmission de la QPC au Conseil d'Etat ou de renvoi au Conseil constitutionnel.
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 23-5 et 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative (CJA) qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code. 1) Le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel. 2) Même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère.
(1)Ab. jur., sur ce point, CE, 25 juillet 1985, Mme , n° 68151, p. 226. (2)Cf. décision du même jour, M. Luc , n° 394990, à publier au Recueil. Comp., s'agissant de l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une OQTF, CE, juge des référés, 7 juin 2011, M. , n° 349817, T. p. 1080. (3)Cf. CE, juge des référés, 16 juin 2010, Mme , n° 340250, p. 205. Rappr., s'agissant du référé-suspension, CE, juge des référés, 21 octobre 2010, Conférence nationale des présidents des unions régionales des médecins libéraux, n° 343527, p. 392.
N° 395009
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 11 décembre 2015
49-06-01 : Police- Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police- État d'urgence-
Régime des assignations à résidence (art. 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) - 1) Motif susceptible de justifier une assignation à résidence - a) Motif devant être tiré du péril imminent ou de la calamité publique - Absence - b) Appréciation de la menace pour la sécurité et l'ordre publics devant tenir compte du péril imminent ou de la calamité publique - Existence - 2) Contrôle exercé par le juge de l'excès de pouvoir - Contrôle normal (1) - 3) Appréciation portée par le juge du référé-liberté sur une telle mesure.
1) a) L'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, de par sa lettre même, n'établit pas de lien entre la nature du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à ce que soit déclaré l'état d'urgence et la nature de la menace pour la sécurité et l'ordre publics susceptible de justifier une mesure d'assignation à résidence. b) Le ministre de l'intérieur, tant que l'état d'urgence demeure en vigueur, peut décider l'assignation à résidence de toute personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence, dès lors que des raisons sérieuses donnent à penser que le comportement de cette personne constitue, compte tenu du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, une menace pour la sécurité et l'ordre publics. 2) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs justifiant le prononcé d'une assignation à résidence. 3) Il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le comportement de l'intéressé, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, ou dans la détermination des modalités de l'assignation à résidence.
54-035-03-03-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Urgence-
Présomption - Existence - Référé-liberté dirigé contre une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement de l'art. 6 de la loi du 3 avril 1955 (2).
Eu égard à son objet et à ses effets, notamment aux restrictions apportées à la liberté d'aller et venir, une décision prononçant l'assignation à résidence d'une personne, prise par l'autorité administrative en application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, porte, en principe et par elle même, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde.
54-035-03-04 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Pouvoirs et devoirs du juge-
1) Hypothèse où le juge des référés est saisi d'une QPC (3) - a) Obligation d'examiner la QPC, sauf rejet pour certains motifs - b) Office du juge des référés en cas de transmission de la QPC au Conseil d'Etat ou de renvoi au Conseil constitutionnel - 2) Office du juge du référé-liberté saisi d'une mesure d'assignation à résidence prononcée sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 (art. 6).
1) Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 23-5 et 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative (CJA) qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code. a) Le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel. b) Même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère. 2) Lorsqu'il est saisi d'une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le comportement de l'intéressé, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, ou dans la détermination des modalités de l'assignation à résidence. S'il estime que les conditions définies à l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont réunies, le juge des référés peut prendre toute mesure qu'il juge appropriée pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle il a été porté atteinte.
54-07-02-03 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Contrôle du juge de l'excès de pouvoir- Appréciations soumises à un contrôle normal-
Etat d'urgence (loi du 3 avril 1985) - Assignation à résidence (art. 6).
Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs justifiant le prononcé d'une assignation à résidence sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.
54-10 : Procédure- Question prioritaire de constitutionnalité-
Question prioritaire de constitutionnalité posée devant le juge du référé-liberté (art. L. 521-2 du CJA) (1) - 1) Obligation d'examiner la QPC, sauf rejet pour certains motifs - 2) Office du juge des référés en cas de transmission de la QPC au Conseil d'Etat ou de renvoi au Conseil constitutionnel.
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 23-5 et 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative (CJA) qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code. 1) Le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel. 2) Même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère.
(1)Ab. jur., sur ce point, CE, 25 juillet 1985, Mme , n° 68151, p. 226. (2)Cf. décision du même jour, M. Luc , n° 394990, à publier au Recueil. Comp., s'agissant de l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une OQTF, CE, juge des référés, 7 juin 2011, M. , n° 349817, T. p. 1080. (3)Cf. CE, juge des référés, 16 juin 2010, Mme , n° 340250, p. 205. Rappr., s'agissant du référé-suspension, CE, juge des référés, 21 octobre 2010, Conférence nationale des présidents des unions régionales des médecins libéraux, n° 343527, p. 392.