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Ariane Web: Conseil d'État 322326, lecture du 11 avril 2012

Analyse n° 322326
11 avril 2012
Conseil d'État

N° 322326
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 11 avril 2012



01-01-02-01 : Actes législatifs et administratifs- Différentes catégories d'actes- Accords internationaux- Applicabilité-

Effet direct (hors droit de l'Union européenne) - 1) Notion - Stipulation n'ayant pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requérant l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers (1) - 2) Portée - Possibilité d'invoquer une stipulation dépourvue d'un tel effet - Absence, que ce soit à l'encontre d'une décision individuelle, d'un acte réglementaire ou, par voie d'exception, d'une loi (2) - 3) Application à l'espèce - 1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants - Existence (3).




1) Sous réserve des cas où est en cause un traité pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, une stipulation doit être reconnue d'effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elle n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers. L'absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les Etats parties comme sujets de l'obligation qu'elle définit. 2) Seules les stipulations reconnues d'effet direct d'un traité ou d'un accord régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution peuvent utilement être invoquées à l'appui d'une demande tendant, par voie d'action, à ce que soit annulé un acte administratif (individuel ou réglementaire) ou, par voie d'exception, à ce que soit écartée l'application d'une loi ou d'un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu'elles contiennent. 3) Le 1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants, régulièrement ratifiée, et publiée par le décret du 4 août 1954, publié au Journal officiel de la République française du 7 août 1954, est d'effet direct.





01-04-01 : Actes législatifs et administratifs- Validité des actes administratifs violation directe de la règle de droit- Traités et droit dérivé-

1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants - 1) Effet direct - Existence (3) - 2) Décret du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant - Existence d'une violation, en tant qu'il distingue entre ressortissants nationaux dispensés de toute condition de résidence d'une part et ressortissants étrangers soumis à une telle condition ou exclus du DALO d'autre part.




1) Le 1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants, régulièrement ratifiée, et publiée par le décret du 4 août 1954, publié au Journal officiel de la République française du 7 août 1954, qui interdisent de réserver aux travailleurs migrants un traitement moins favorable que celui appliqué aux ressortissants nationaux en matière, notamment, de droit au logement et d'accès aux procédures juridictionnelles permettant de faire valoir ce droit, est d'effet direct. 2) Le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant, qui précise la condition de permanence de la résidence en France posée au droit au logement opposable (DALO) par l'article 1er de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, n'est pas compatible avec ces stipulations en tant, d'une part, qu'il subordonne le droit au logement opposable de certains travailleurs migrants au sens de cette convention à une condition de résidence préalable de deux ans sur le territoire national qui ne s'applique pas aux ressortissants nationaux et, d'autre part, qu'il exclut de son champ d'application des titres de séjour susceptibles d'être attribués à des personnes pouvant avoir la qualité de travailleur migrant au sens de cette convention, tels que les travailleurs temporaires ou les salariés en mission.





01-04-03-01 : Actes législatifs et administratifs- Validité des actes administratifs violation directe de la règle de droit- Principes généraux du droit- Égalité devant la loi-

Principe d'égalité - 1) Atteinte justifiée à l'égalité - Contrôle de la disproportion manifeste - Méthode - Appréciation au regard des motifs susceptibles de justifier l'atteinte, qu'il s'agisse d'une différence de situation ou d'un motif d'intérêt général (5) - 2) Espèce - Distinction, pour la définition des conditions ouvrant le droit au logement, s'agissant des ressortissants étrangers, selon les titres de séjours détenus - Différence de situation sans rapport avec l'objet de la norme.




1) Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. 2) Si le pouvoir réglementaire pouvait, dans les limites de l'habilitation donnée par le législateur et sous réserve du respect des principes à valeur constitutionnelle ainsi que des engagements internationaux de la France, fixer, s'agissant des ressortissants étrangers, des conditions leur ouvrant un droit au logement opposable distinctes selon les titres de séjour détenus par eux, il ne pouvait légalement le faire que pour autant que les personnes résidant en France sous couvert de ces titres se trouvent dans une situation différente au regard de la condition de permanence du séjour sur le territoire national posée par l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation ou pour des motifs d'intérêt général en rapport avec cette même condition. Dès lors que la différence de traitement qui résulte du décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 entre les personnes détentrices d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ou « salarié en mission », ou d'une carte de séjour « compétences et talents », d'une part, et les personnes détentrices d'autres titres de séjour temporaires inclus dans le champ du décret, d'autre part, ne se justifie ni par un motif d'intérêt général, ni par une différence de situation au regard de la condition de permanence du séjour, elle méconnaît le principe d'égalité.





38-07-01 : Logement- Droit au logement- Droit au logement opposable-

Décret du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant - 1) Distinction entre ressortissants nationaux dispensés de toute condition de résidence d'une part et ressortissants étrangers soumis à une telle condition ou exclus du DALO d'autre part - Méconnaissance du 1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants - Existence - 2) Distinction, pour la définition des conditions ouvrant le droit au logement, s'agissant des ressortissants étrangers, selon les titres de séjours détenus - Méconnaissance du principe d'égalité - Existence.




L'article 1er de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable (DALO), codifié à l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation, subordonne ce droit à une condition de permanence de la résidence en France. Le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant précise cette condition. 1) Ce décret n'est pas compatible avec les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants, qui interdisent de réserver aux travailleurs migrants un traitement moins favorable que celui appliqué aux ressortissants nationaux en matière de droit au logement, en tant, d'une part, qu'il subordonne le droit au logement opposable de certains travailleurs migrants au sens de cette convention à une condition de résidence préalable de deux ans sur le territoire national qui ne s'applique pas aux ressortissants nationaux et, d'autre part, qu'il exclut de son champ d'application des titres de séjour susceptibles d'être attribués à des personnes pouvant avoir la qualité de travailleur migrant au sens de cette convention, tels que les travailleurs temporaires ou les salariés en mission. 2) Si le pouvoir réglementaire pouvait, dans les limites de l'habilitation donnée par le législateur et sous réserve du respect des principes à valeur constitutionnelle ainsi que des engagements internationaux de la France, fixer, s'agissant des ressortissants étrangers, des conditions leur ouvrant un droit au logement opposable distinctes selon les titres de séjour détenus par eux, il ne pouvait légalement le faire que pour autant que les personnes résidant en France sous couvert de ces titres se trouvent dans une situation différente au regard de la condition de permanence du séjour sur le territoire national posée par l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation ou pour des motifs d'intérêt général en rapport avec cette même condition. Dès lors que la différence de traitement qui résulte du décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 entre les personnes détentrices d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ou « salarié en mission », ou d'une carte de séjour « compétences et talents », d'une part, et les personnes détentrices d'autres titres de séjour temporaires inclus dans le champ du décret, d'autre part, ne se justifie ni par un motif d'intérêt général, ni par une différence de situation au regard de la condition de permanence du séjour, elle méconnaît le principe d'égalité.





52-045 : Pouvoirs publics et autorités indépendantes- Autorités administratives indépendantes-

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Participation au débat contentieux sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 - Statut - Simple observatrice (sol. impl.) (6).




La participation au débat contentieux de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, aux termes duquel son audition par les juridictions est, si elle le demande, de droit, ne lui confère pas la qualité d'intervenante au litige, mais celle de simple observatrice. Par suite, ses productions sont visées sans être analysées et il n'est pas répondu à ses moyens propres dans les motifs de la décision.


(1) S'agissant de la qualification stipulation par stipulation : Cf. CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar, n° 161364, p. 379. Rappr. Cass. Civ. 1ère, 18 mai 2005, n° 02-20613, Bull. 2005 I n° 212, p. 180. (2) Cf. CE, Section, 23 avril 1997, Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, n° 163043, p. 142. (3) Cf. CE, 7 juin 2006, Association AIDES et autres, n° 285576, p. 282 sur un autre point ; CE, 23 décembre 2010, Association AIDES, n° 335738, T. pp. 774-991 sur un autre point. (5) Comp., s'agissant de la rédaction antérieure du considérant de principe, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, p. 463. (6) Rappr., en plein contentieux, CE, 22 février 2012, Chambre régionale d'agriculture Provence-Alpes-Côte d'azur, n°s 343410 343438, à mentionner aux Tables. Comp. CE, Assemblée, 30 octobre 2009, Mme Perreux, n° 298348, p. 407.

Voir aussi