Conseil d'État
N° 320196
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 16 avril 2010
26 : Droits civils et individuels-
Protection des données à caractère personnel (loi du 6 janvier 1978) - Dispense de publication de l'acte portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel (art. 26) - 1) - Contestation devant le juge de l'excès de pouvoir - Communication de l'acte interdite aux parties - Communication obligatoire au juge, dès lors qu'elle est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen (1) - Conclusions tendant, après que cette communication a été accomplie, à la soumission au contradictoire de certains éléments de l'acte - Conclusions ne pouvant qu'être rejetées - 2) Légalité de la dispense de publication de l'acte portant création du fichier dénommé "CRISTINA" - a) Au regard de la loi de 1978 - Existence - Traitement intéressant la sûreté de l'Etat - Données pertinentes au regard des finalités poursuivies - b) Au regard du droit à la protection de la vie privée et familiale (art. 8 de la conv. EDH) - Existence - Dispense prévue par la loi - Application aux seuls traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique - Existence de garanties procédurales - Effectivité du contrôle du juge administratif sur l'acte dispensé de publication (2).
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. 1) Par une décision du 31 juillet 2009, le Conseil d'Etat a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production du décret portant création du traitement automatisé, sans que communication des pièces produites par le ministre en réponse à cette demande soit faite aux requérants. Par cette décision, le Conseil d'Etat a entièrement statué sur les modalités de conciliation entre les nécessités résultant du droit au recours et la protection des intérêts que les dispositions législatives de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 visent à protéger. Si les requérants soutiennent que certains éléments que comporte le décret pourraient, sans dommage pour les intérêts ainsi protégés, être rendus publics et versés au contradictoire, il ne pourrait en tout état de cause être satisfait à une telle demande sans méconnaître les dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, par lequel le législateur s'est borné à prévoir une dispense totale de publication de l'acte autorisant certains traitements automatisés de données, sans réserver la possibilité d'une occultation partielle de certains de ses éléments. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se substituer aux autorités que le législateur a investies du pouvoir d'apprécier la nécessité d'une dispense de publication, mais seulement de se prononcer sur la légalité de cette dispense et ses conséquences sur l'opposabilité du texte qui en fait l'objet. Les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat soumette au débat contradictoire certaines des dispositions du décret portant création du traitement automatisé de données ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. 2) a) Il résulte des termes mêmes des dispositions combinées du I et du III de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 que le pouvoir réglementaire est autorisé à dispenser de publication certains des traitements qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, dès lors, notamment, que les données enregistrées, afin qu'elles puissent être regardées comme pertinentes au sens de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité. Il résulte du supplément d'instruction auquel il a été procédé en application de la décision du Conseil d'Etat du 31 juillet 2009, et de l'examen auquel s'est livré le Conseil d'Etat du décret portant création du traitement automatisé que celui-ci, d'une part, doit être regardé comme intéressant la sûreté de l'Etat et, d'autre part, comporte des données pertinentes au regard des finalités poursuivies. Dès lors, la dispense de publication de ce décret ne méconnaît ni l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, ni l'article 6 de cette loi. b) Cette dispense de publication a été prévue par la loi et réservée aux seuls fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. L'existence de traitements automatisés de données relatifs à la lutte contre l'espionnage et le terrorisme constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique. En application de la loi du 6 janvier 1978, la création et la mise en oeuvre de tels traitements sont assorties, en premier lieu, de garanties procédurales précisément définies (publication de la décision décidant de ne pas publier les dispositions litigieuses, permettant ainsi l'exercice d'un recours ; avis préalables obligatoires de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dont le sens est publié au Journal officiel de la République française ; avis préalable des formations administratives du Conseil d'Etat ; exercice du droit d'accès aux données enregistrées dans de tels traitements conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978). Elles sont également assorties, en second lieu, de la garantie que constitue le pouvoir conféré au juge administratif, saisi d'un litige portant sur la légalité d'un décret non publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, d'obtenir, dans le cadre de l'instruction du litige, communication de ce décret et, en tant que de besoin, des documents préparatoires correspondants, sans que communication des pièces produites en réponse à cette demande soit faite aux requérants, afin d'apprécier la légalité des dispositions non publiées au regard, notamment, des exigences de la loi du 6 janvier 1978. Enfin, il résulte en l'espèce de l'examen auquel le Conseil d'Etat s'est livré, après communication du décret attaqué, que, compte tenu notamment de la finalité du traitement automatisé litigieux, de la nature des données enregistrées qui sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, des conditions de leur collecte et des restrictions d'accès instituées, que le traitement automatisé dénommé "CRISTINA" ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de protection de la sécurité publique en vue desquels a été pris le décret. Elles ne méconnaissent par ailleurs aucune des garanties rappelées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) par le décret dispensant ce traitement de publication doit être écarté.
26-055-01-08-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit au respect de la vie privée et familiale (art- )- Violation-
Absence - Dispense de publication de l'acte portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA" - Dispense prévue par la loi (art. 26 de la loi du 6 janvier 1978) - Application aux seuls traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique - Existence de garanties procédurales - Effectivité du contrôle du juge administratif sur l'acte dispensé de publication (2).
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. La dispense de publication a été prévue par la loi et réservée aux seuls fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. L'existence de traitements automatisés de données relatifs à la lutte contre l'espionnage et le terrorisme constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique. En application de la loi du 6 janvier 1978, la création et la mise en oeuvre de tels traitements sont assorties, en premier lieu, de garanties procédurales précisément définies (publication de la décision décidant de ne pas publier les dispositions litigieuses, permettant ainsi l'exercice d'un recours ; avis préalables obligatoires de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dont le sens est publié au Journal officiel de la République française ; avis préalable des formations administratives du Conseil d'Etat ; exercice du droit d'accès aux données enregistrées dans de tels traitements conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978). Elles sont également assorties, en second lieu, de la garantie que constitue le pouvoir conféré au juge administratif, saisi d'un litige portant sur la légalité d'un décret non publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, d'obtenir, dans le cadre de l'instruction du litige, communication de ce décret et, en tant que de besoin, des documents préparatoires correspondants, sans que communication des pièces produites en réponse à cette demande soit faite aux requérants, afin d'apprécier la légalité des dispositions non publiées au regard, notamment, des exigences de la loi du 6 janvier 1978. En l'espèce, il résulte de l'examen auquel le Conseil d'Etat s'est livré, après communication du décret attaqué, que, compte tenu notamment de la finalité du traitement automatisé litigieux, de la nature des données enregistrées qui sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, des conditions de leur collecte et des restrictions d'accès instituées, que le traitement automatisé dénommé "CRISTINA" ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de protection de la sécurité publique en vue desquels a été pris le décret. Elles ne méconnaissent par ailleurs aucune des garanties rappelées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le décret dispensant ce traitement de publication doit être écarté.
54-04-03-01 : Procédure- Instruction- Caractère contradictoire de la procédure- Communication des mémoires et pièces-
Acte réglementaire non publié (art. 26 de la loi du 6 janvier 1978) - Contestation devant le juge de l'excès de pouvoir - Communication de l'acte interdite aux parties - Communication obligatoire au juge, dès lors qu'elle est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen (1) - Conclusions tendant, après que cette communication a été accomplie, à la soumission au contradictoire de certains éléments de l'acte - Conclusions ne pouvant qu'être rejetées.
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. Par une décision du 31 juillet 2009, le Conseil d'Etat a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production du décret portant création du traitement automatisé, sans que communication des pièces produites par le ministre en réponse à cette demande soit faite aux requérants. Par cette décision, le Conseil d'Etat a entièrement statué sur les modalités de conciliation entre les nécessités résultant du droit au recours et la protection des intérêts que les dispositions législatives de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 visent à protéger. Si les requérants soutiennent que certains éléments que comporte le décret pourraient, sans dommage pour les intérêts ainsi protégés, être rendus publics et versés au contradictoire, il ne pourrait en tout état de cause être satisfait à une telle demande sans méconnaître les dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, par lequel le législateur s'est borné à prévoir une dispense totale de publication de l'acte autorisant certains traitements automatisés de données, sans réserver la possibilité d'une occultation partielle de certains de ses éléments. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se substituer aux autorités que le législateur a investies du pouvoir d'apprécier la nécessité d'une dispense de publication, mais seulement de se prononcer sur la légalité de cette dispense et ses conséquences sur l'opposabilité du texte qui en fait l'objet. Les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat soumette au débat contradictoire certaines des dispositions du décret portant création du traitement automatisé de données ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
(1) Cf. 31 juillet 2009, Association Aides et autres, n° 320196, à publier au Recueil. (2) Rappr. Cour EDH, 26 mars 1987, Leander c/ Suède, n° 9248/81, A116 ; Cour EDH, 16 juin 2006, Segerstedt-Wiberg c/ Suède, n° 623332/00, Rec. 2006-VII.
N° 320196
Publié au recueil Lebon
Lecture du vendredi 16 avril 2010
26 : Droits civils et individuels-
Protection des données à caractère personnel (loi du 6 janvier 1978) - Dispense de publication de l'acte portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel (art. 26) - 1) - Contestation devant le juge de l'excès de pouvoir - Communication de l'acte interdite aux parties - Communication obligatoire au juge, dès lors qu'elle est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen (1) - Conclusions tendant, après que cette communication a été accomplie, à la soumission au contradictoire de certains éléments de l'acte - Conclusions ne pouvant qu'être rejetées - 2) Légalité de la dispense de publication de l'acte portant création du fichier dénommé "CRISTINA" - a) Au regard de la loi de 1978 - Existence - Traitement intéressant la sûreté de l'Etat - Données pertinentes au regard des finalités poursuivies - b) Au regard du droit à la protection de la vie privée et familiale (art. 8 de la conv. EDH) - Existence - Dispense prévue par la loi - Application aux seuls traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique - Existence de garanties procédurales - Effectivité du contrôle du juge administratif sur l'acte dispensé de publication (2).
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. 1) Par une décision du 31 juillet 2009, le Conseil d'Etat a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production du décret portant création du traitement automatisé, sans que communication des pièces produites par le ministre en réponse à cette demande soit faite aux requérants. Par cette décision, le Conseil d'Etat a entièrement statué sur les modalités de conciliation entre les nécessités résultant du droit au recours et la protection des intérêts que les dispositions législatives de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 visent à protéger. Si les requérants soutiennent que certains éléments que comporte le décret pourraient, sans dommage pour les intérêts ainsi protégés, être rendus publics et versés au contradictoire, il ne pourrait en tout état de cause être satisfait à une telle demande sans méconnaître les dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, par lequel le législateur s'est borné à prévoir une dispense totale de publication de l'acte autorisant certains traitements automatisés de données, sans réserver la possibilité d'une occultation partielle de certains de ses éléments. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se substituer aux autorités que le législateur a investies du pouvoir d'apprécier la nécessité d'une dispense de publication, mais seulement de se prononcer sur la légalité de cette dispense et ses conséquences sur l'opposabilité du texte qui en fait l'objet. Les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat soumette au débat contradictoire certaines des dispositions du décret portant création du traitement automatisé de données ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. 2) a) Il résulte des termes mêmes des dispositions combinées du I et du III de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 que le pouvoir réglementaire est autorisé à dispenser de publication certains des traitements qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, dès lors, notamment, que les données enregistrées, afin qu'elles puissent être regardées comme pertinentes au sens de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité. Il résulte du supplément d'instruction auquel il a été procédé en application de la décision du Conseil d'Etat du 31 juillet 2009, et de l'examen auquel s'est livré le Conseil d'Etat du décret portant création du traitement automatisé que celui-ci, d'une part, doit être regardé comme intéressant la sûreté de l'Etat et, d'autre part, comporte des données pertinentes au regard des finalités poursuivies. Dès lors, la dispense de publication de ce décret ne méconnaît ni l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, ni l'article 6 de cette loi. b) Cette dispense de publication a été prévue par la loi et réservée aux seuls fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. L'existence de traitements automatisés de données relatifs à la lutte contre l'espionnage et le terrorisme constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique. En application de la loi du 6 janvier 1978, la création et la mise en oeuvre de tels traitements sont assorties, en premier lieu, de garanties procédurales précisément définies (publication de la décision décidant de ne pas publier les dispositions litigieuses, permettant ainsi l'exercice d'un recours ; avis préalables obligatoires de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dont le sens est publié au Journal officiel de la République française ; avis préalable des formations administratives du Conseil d'Etat ; exercice du droit d'accès aux données enregistrées dans de tels traitements conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978). Elles sont également assorties, en second lieu, de la garantie que constitue le pouvoir conféré au juge administratif, saisi d'un litige portant sur la légalité d'un décret non publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, d'obtenir, dans le cadre de l'instruction du litige, communication de ce décret et, en tant que de besoin, des documents préparatoires correspondants, sans que communication des pièces produites en réponse à cette demande soit faite aux requérants, afin d'apprécier la légalité des dispositions non publiées au regard, notamment, des exigences de la loi du 6 janvier 1978. Enfin, il résulte en l'espèce de l'examen auquel le Conseil d'Etat s'est livré, après communication du décret attaqué, que, compte tenu notamment de la finalité du traitement automatisé litigieux, de la nature des données enregistrées qui sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, des conditions de leur collecte et des restrictions d'accès instituées, que le traitement automatisé dénommé "CRISTINA" ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de protection de la sécurité publique en vue desquels a été pris le décret. Elles ne méconnaissent par ailleurs aucune des garanties rappelées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) par le décret dispensant ce traitement de publication doit être écarté.
26-055-01-08-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit au respect de la vie privée et familiale (art- )- Violation-
Absence - Dispense de publication de l'acte portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA" - Dispense prévue par la loi (art. 26 de la loi du 6 janvier 1978) - Application aux seuls traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique - Existence de garanties procédurales - Effectivité du contrôle du juge administratif sur l'acte dispensé de publication (2).
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. La dispense de publication a été prévue par la loi et réservée aux seuls fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. L'existence de traitements automatisés de données relatifs à la lutte contre l'espionnage et le terrorisme constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique. En application de la loi du 6 janvier 1978, la création et la mise en oeuvre de tels traitements sont assorties, en premier lieu, de garanties procédurales précisément définies (publication de la décision décidant de ne pas publier les dispositions litigieuses, permettant ainsi l'exercice d'un recours ; avis préalables obligatoires de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dont le sens est publié au Journal officiel de la République française ; avis préalable des formations administratives du Conseil d'Etat ; exercice du droit d'accès aux données enregistrées dans de tels traitements conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978). Elles sont également assorties, en second lieu, de la garantie que constitue le pouvoir conféré au juge administratif, saisi d'un litige portant sur la légalité d'un décret non publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, d'obtenir, dans le cadre de l'instruction du litige, communication de ce décret et, en tant que de besoin, des documents préparatoires correspondants, sans que communication des pièces produites en réponse à cette demande soit faite aux requérants, afin d'apprécier la légalité des dispositions non publiées au regard, notamment, des exigences de la loi du 6 janvier 1978. En l'espèce, il résulte de l'examen auquel le Conseil d'Etat s'est livré, après communication du décret attaqué, que, compte tenu notamment de la finalité du traitement automatisé litigieux, de la nature des données enregistrées qui sont en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, des conditions de leur collecte et des restrictions d'accès instituées, que le traitement automatisé dénommé "CRISTINA" ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de protection de la sécurité publique en vue desquels a été pris le décret. Elles ne méconnaissent par ailleurs aucune des garanties rappelées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le décret dispensant ce traitement de publication doit être écarté.
54-04-03-01 : Procédure- Instruction- Caractère contradictoire de la procédure- Communication des mémoires et pièces-
Acte réglementaire non publié (art. 26 de la loi du 6 janvier 1978) - Contestation devant le juge de l'excès de pouvoir - Communication de l'acte interdite aux parties - Communication obligatoire au juge, dès lors qu'elle est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen (1) - Conclusions tendant, après que cette communication a été accomplie, à la soumission au contradictoire de certains éléments de l'acte - Conclusions ne pouvant qu'être rejetées.
Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "CRISTINA", destiné à faciliter l'exercice de ses missions par la direction centrale du renseignement intérieur. Second décret dispensant de publication, en application du III de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le décret portant création de ce fichier. Demande d'annulation de ces deux décrets. Par une décision du 31 juillet 2009, le Conseil d'Etat a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production du décret portant création du traitement automatisé, sans que communication des pièces produites par le ministre en réponse à cette demande soit faite aux requérants. Par cette décision, le Conseil d'Etat a entièrement statué sur les modalités de conciliation entre les nécessités résultant du droit au recours et la protection des intérêts que les dispositions législatives de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 visent à protéger. Si les requérants soutiennent que certains éléments que comporte le décret pourraient, sans dommage pour les intérêts ainsi protégés, être rendus publics et versés au contradictoire, il ne pourrait en tout état de cause être satisfait à une telle demande sans méconnaître les dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, par lequel le législateur s'est borné à prévoir une dispense totale de publication de l'acte autorisant certains traitements automatisés de données, sans réserver la possibilité d'une occultation partielle de certains de ses éléments. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se substituer aux autorités que le législateur a investies du pouvoir d'apprécier la nécessité d'une dispense de publication, mais seulement de se prononcer sur la légalité de cette dispense et ses conséquences sur l'opposabilité du texte qui en fait l'objet. Les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat soumette au débat contradictoire certaines des dispositions du décret portant création du traitement automatisé de données ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
(1) Cf. 31 juillet 2009, Association Aides et autres, n° 320196, à publier au Recueil. (2) Rappr. Cour EDH, 26 mars 1987, Leander c/ Suède, n° 9248/81, A116 ; Cour EDH, 16 juin 2006, Segerstedt-Wiberg c/ Suède, n° 623332/00, Rec. 2006-VII.