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Ariane Web: CAA de LYON 23LY01035, lecture du 18 juillet 2024

Décision n° 23LY01035
18 juillet 2024
CAA de LYON

N° 23LY01035

4ème chambre
M. ARBARETAZ, président
Mme Sophie CORVELLEC, rapporteure
M. SAVOURE, rapporteur public
CENTAURE AVOCATS, avocats


Lecture du jeudi 18 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Voyages 2000 a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 22 juillet 2020 et du 20 octobre 2020 par lesquelles le président du conseil départemental de l'Yonne lui a opposé la prescription de certaines créances nées du contrat référencé " DSP-03-2006 " et des marchés référencés " A8060ED " et " PF10048ED " ;

2°) de condamner le département de l'Yonne à lui verser les sommes de 297 255,12 euros et de 51 600 euros assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par jugement n° 2003512 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande d'annulation et a rejeté le surplus de la demande de la société Voyages 2000.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mars 2023 et le 11 janvier 2024, la SARL Voyages 2000, représentée par Me Rothdiener, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département de l'Yonne à lui verser les sommes de 297 255,12 euros et de 51 600 euros, assorties des intérêts au taux légal, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Yonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- ses conclusions sont recevables, l'article 37 du CCAG FCS et l'article VIII - 2 de la convention de délégation de service public n'étant pas opposables à la contestation d'une décision opposant une prescription quadriennale, une réclamation ayant été présentée conformément à l'article 37 du CCAG FCS et le département ayant renoncé à lui opposer l'article VIII - 2 de la convention de délégation de service public ;
- le transfert de la compétence " transport " à la région Bourgogne-Franche-Comté intervenu en 2017 n'a pas eu pour effet de transférer à celle-ci les créances dont elle se prévaut, les contrats dont elles sont issues ayant été entièrement exécutés à la date de ce transfert ;
- ces créances ne sont pas prescrites ;
- le département de l'Yonne a reconnu l'existence de ces créances ;
- les décisions du 22 juillet 2020 et du 20 octobre 2020 sont illégales, à défaut d'être suffisamment motivées ;
- les décisions du 22 juillet 2020 et du 20 octobre 2020 sont illégales, la prescription quadriennale n'étant pas opposable à ses créances, à défaut d'avoir couru et compte tenu des multiples interruptions intervenues.

Par mémoires enregistrés le 29 novembre 2023 et le 26 janvier 2024, le département de l'Yonne, représenté par Me Béjot et Me Ferré (SELARL Centaure Avocats), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Voyages 2000 la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il expose que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- les demandes de première instance étaient irrecevables, à défaut, s'agissant des créances issues des marchés publics, d'avoir été précédées d'un mémoire en réclamation conforme à l'article 37 du CCAG FCS ou d'une conciliation conformément à l'article VIII - 2 de la convention de délégation de service public ;
- la demande tendant à l'annulation d'une mesure d'exécution d'un marché public ou d'une décision prise sur une réclamation destinée à lier le contentieux est irrecevable ;
- les créances en cause sont prescrites.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;
- et les observations de Me Baller, pour le département de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Alors en charge des transports interurbains, le département de l'Yonne a confié à la SARL Voyages 2000, d'une part, l'exploitation de lignes de transport scolaire, par un premier marché référencé A8060ED s'achevant le 9 juillet 2015 relatif au circuit 426 et par un second marché référencé PF10048ED s'achevant le 28 juillet 2015 portant sur les circuits 341, 564 et 44, et, d'autre part, l'exploitation de lignes régulières, dans le cadre d'un contrat de délégation de service public, référencé DSP-03-2006 et s'achevant le 31 août 2014. Compte tenu de difficultés de paiement rencontrées dans l'exécution de ces contrats, la SARL Voyages 2000 a transmis au département un projet de protocole transactionnel, par courrier du 1er octobre 2019. Par courrier du 22 juillet 2020, le président du conseil départemental a opposé la prescription quadriennale à certaines des créances dont elle se prévalait et admis une créance de 12 713,96 euros. Par courrier du 26 août 2020, la SARL Voyages 2000 a contesté la prescription de ses créances et demandé le versement de 297 255,12 euros au titre de la délégation de service public et de 51 600 euros au titre des deux marchés publics. Après un nouvel échange de courriers datés du 20 octobre 2020 et du 13 novembre 2020, les parties ont échoué à s'accorder sur ces créances. La SARL Voyages 2000 a alors demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 22 juillet 2020 et du 20 octobre 2020 lui opposant la prescription de certaines de ses créances et de condamner le département de l'Yonne à lui verser les sommes de 297 255,12 euros et de 51 600 euros. Le tribunal a fait droit à cette demande d'annulation mais a rejeté les conclusions pécuniaires, par un jugement du 16 mars 2023. La SARL Voyages 2000 relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette sa demande pécuniaire.
Sur la demande pécuniaire de la SARL Voyages 2000 :

2. Aux termes de l'article L. 3111-1 du code des transports, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2017 issue de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " (...) les services non urbains, réguliers (...), sont organisés par la région (...) Ils sont assurés (...) par la région ou par les entreprises publiques ou privées qui ont passé avec elle une convention à durée déterminée ". Aux termes de l'article L. 3111-7 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 1er septembre 2017 issue de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 : " Les transports scolaires sont des services réguliers publics. La région a la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces transports (...) ". Aux termes du VI de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 : " La région bénéficiaire du transfert de compétences prévu au présent article succède au département dans l'ensemble de ses droits et obligations à l'égard des tiers ".

3. Compte tenu de leur portée générale, il résulte des dispositions du VI de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 qu'à compter du 1er janvier 2017, ou du 1er septembre 2017 s'agissant des lignes de transport scolaire, la région a été substituée au département dans l'exercice de l'ensemble des compétences relatives aux transports non urbains réguliers. Cette substitution s'étend dès lors aux droits et aux obligations nés de contrats conclus par un département antérieurement au transfert de ces compétences qui, bien qu'arrivés à échéance à la date du transfert, donneraient lieu pour leur règlement à une action engagée devant le juge administratif. Les créances dont se prévaut la société Voyages 2000 ont, en conséquence, été transférées sur le chef de la région Bourgogne-Franche-Comté, sans que l'intéressée puisse utilement se prévaloir des stipulations de la convention de transfert conclue entre le département de l'Yonne et la région, à laquelle elle n'est pas partie. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les conclusions de la société SARL Voyages 2000 sont mal dirigées et elle n'est pas fondée à demander la condamnation du département de l'Yonne.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cette demande en première instance, que la société Voyages 2000 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Yonne.
Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Yonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Voyages 2000. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le département de l'Yonne, en application de ces mêmes dispositions.


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Voyages 2000 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Yonne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Voyages 2000 et au département de l'Yonne.



Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.










Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,