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Ariane Web: CAA de NANTES 22NT01552, lecture du 30 novembre 2023

Décision n° 22NT01552
30 novembre 2023
CAA de NANTES

N° 22NT01552

2ème chambre
Mme la Pdte. BUFFET, président
Mme Isabelle MONTES-DEROUET, rapporteur
M. BRECHOT, rapporteur public
ASSADOLLAHI, avocats


Lecture du jeudi 30 novembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 novembre 2020 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n° 2105180 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 mars 2021 de la commission de recours, a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 312-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas pour effet de dispenser un ressortissant étranger, qui sollicite la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur, de justifier de l'ensemble des conditions requises pour la délivrance d'un tel visa dès lors qu'elles ont pour objet d'instituer une dérogation au principe posé par l'article L. 311-1 du code, qui régit les conditions d'entrée sur le territoire et non les conditions de délivrance des visas ;
- en outre, M. A... n'a pas demandé un visa en qualité de conjoint d'un ressortissant étranger demeurant en France et sa conjointe, titulaire d'une carte de séjour temporaire et non d'une carte de résident, n'est pas autorisée à résider sur le territoire mais seulement à y séjourner ;
- la décision de la commission de recours n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;
- si les motifs opposés à la demande de visa devaient être regardés comme non fondés, une substitution de motif est sollicitée, tirée de ce que le demandeur de visa ne justifie pas de la nécessité de s'installer en France ;
- en tout état de cause, la présence du requérant en France ne paraît pas compatible avec ses obligations professionnelles.


Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Assadollahi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la commission de recours ne l'a pas informé du caractère incomplet de sa demande de visa, en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il justifie disposer de moyens de subsistance réguliers et suffisants ;
- aucun risque de détournement de l'objet de visa ne peut lui être opposé ;
- l'objet de son séjour en France est de rétablir une communauté de vie avec son épouse ;
- en lui opposant le nouveau motif tiré de ce qu'il ne justifierait pas de la nécessité pour lui de s'installer en France, le ministre méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.









Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant iranien né le 10 mai 1993, a présenté, le 26 octobre 2020, une demande de visa de long séjour en qualité de visiteur auprès de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran). Par une décision du 2 novembre 2020, cette autorité a refusé de délivrer à M. A... le visa sollicité. Par une décision du 17 mars 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par l'intéressé contre la décision de l'autorité consulaire. Par un jugement du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision de la commission de recours, a enjoint au ministre de délivrer à l'intéressé le visa sollicité dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ;/ 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ". Aux termes de l'article R. 211-29 du même code, alors en vigueur : " (...). / Le contrat d'assurance souscrit par l'étranger ou par l'hébergeant pour le compte de celui-ci doit couvrir, à hauteur d'un montant minimum fixé à 30 000 euros, l'ensemble des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, susceptibles d'être engagées pendant toute la durée du séjour en France ". Enfin, aux termes de l'article L. 212-2 du même code, alors en vigueur : " Les documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 211-1 ne sont pas exigés : / 1° D'un étranger venant rejoindre son conjoint régulièrement autorisé à résider en France (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code, alors en vigueur : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / Dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21. (...) ".

4. L'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
5. Pour refuser de délivrer à M. A... un visa de long séjour portant la mention visiteur, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur le fait que " Le dossier est incomplet " dès lors que l'intéressé " ne justifie pas disposer d'une assurance maladie couvrant l'ensemble de ses soins de santé durant toute la durée du séjour envisagé ", d'autre part, sur l'insuffisance de ses ressources " pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France " et, enfin, sur " le risque de détournement de l'objet du visa et de la procédure de regroupement familial à des fins migratoires ".

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du motif de la décision contestée relatif au caractère incomplet du dossier de la demande de visa :

6. Il résulte des dispositions des articles L. 211-1 et R. 211-29, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités au point 2, que, lorsqu'elle est saisie d'une demande de visa de long séjour, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur ce que le demandeur ne produit pas, à l'appui de sa demande, un contrat d'assurance couvrant l'ensemble des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, susceptibles d'être engagées pendant toute la durée de son séjour en France. Les dispositions du 1° de l'article L. 212-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles l'étranger venant rejoindre son conjoint régulièrement autorisé à résider en France est dispensé de présenter le document justifiant de cette prise en charge, ne sont pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, applicables à l'étranger, dont le conjoint étranger réside en France, qui demande la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur et non pas au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de visa, que M. A... a joint à sa demande de visa un contrat d'assurance de voyage pour la zone Schengen, souscrit le 24 octobre 2020, couvrant ses frais médicaux jusqu'à 60 000 euros. Toutefois, il ressort des stipulations de ce contrat que les garanties qu'il prévoit sont d'une durée de 182 jours, laquelle ne couvre donc pas la durée totale de son séjour en France. Par suite, la demande de visa présentée par M. A... n'était pas accompagnée du contrat d'assurance requis par les dispositions des articles L. 211-1 et R. 211-29, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Toutefois, il résulte des dispositions des articles D. 211-5 et D. 211-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que la saisine de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France constitue un recours administratif préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux et qu'ainsi la décision administrative que rend la commission se substitue à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires. L'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressés à l'administration ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du même code : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. ".

9. Il résulte de ces dispositions que les recours administratifs préalables obligatoires formés, sur le fondement de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France constituent des demandes au sens des dispositions de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, en l'absence de dispositions spéciales contraires, les dispositions de l'article L. 114-5 de ce code sont applicables à ces recours administratifs. La circonstance que les dispositions du chapitre 2 du titre Ier du quatrième livre du code des relations entre le public et l'administration, lequel chapitre porte sur les recours administratifs préalables obligatoires, ne renvoient pas à celles de l'article L. 114-5 ne saurait avoir pour effet, sous réserve de dispositions spéciales, d'écarter l'application à ces recours des garanties prévues par le livre Ier de ce code.

10. En application des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est tenue d'inviter les demandeurs à régulariser, soit les recours qui ne comporteraient pas les pièces et informations exigées, le cas échéant, par les textes relatifs au recours préalable obligatoire devant cette commission, soit ceux que la commission envisage de rejeter en se fondant sur l'incomplétude du dossier de la demande de visa alors que les autorités diplomatiques ou consulaires n'ont pas préalablement invité le demandeur de visa à compléter sa demande dans un délai déterminé.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 5, pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours s'est notamment fondée sur le caractère incomplet du dossier de demande de visa présenté par M. A... en ce qu'il ne justifiait pas d'une assurance maladie couvrant l'ensemble de ses soins de santé, pendant toute la durée de son séjour. En se fondant sur ce motif, sans avoir préalablement invité M. A... à compléter sa demande, alors pourtant que les autorités consulaires n'avaient pas elles-mêmes invité l'intéressé à produire ce document, la commission a, ainsi que le soutient l'intéressé devant la cour, méconnu les dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, le motif tiré de l'incomplétude du dossier de demande de visa ne peut justifier légalement le refus de visa qui a été opposé à M. A....



En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du motif de la décision contestée relatif à l'insuffisance des ressources de M. A... :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur, l'administration peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne justifie pas des moyens d'existence suffisants pour faire face aux dépenses liées à son séjour en France.

13. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de ce qu'il dispose de moyens d'existence suffisants et réguliers lui permettant de financer son séjour en France, M. A... a produit des attestations bancaires précisant qu'il est titulaire de deux comptes bancaires, dont le solde total s'élève à plus de 9 milliards de rials, soit environ 35 000 euros, et que ces comptes sont régulièrement alimentés par le versement de salaires que M. A..., qui exerce le métier d'architecte, perçoit en qualité de directeur de projet auprès de la société qui l'emploie. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est le PDG d'une société iranienne. Enfin, l'intéressé produit une attestation de sa mère s'engageant à lui verser la somme de 2 000 euros par mois afin de lui permettre d'assurer ses frais de séjour en France. Dans ces conditions, en estimant que M. A... ne justifiait pas de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du motif de la décision contestée relatif au risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires :

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui a présenté sa demande de visa le 26 octobre 2020, poursuivait un objet autre que celui d'être auprès de son épouse, laquelle séjourne en France sous couvert d'un visa de long séjour délivré le 15 septembre 2020 en qualité d'étudiante et valable jusqu'au 15 septembre 2021, durant les études de celle-ci, ainsi qu'il l'a mentionné dans sa demande de visa. Dans ces conditions, en se fondant sur le " risque de détournement de l'objet du visa et de la procédure de regroupement familial à des fins migratoires ", la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la demande de substitution de motifs présentée par le ministre de l'intérieur :

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14 qu'aucun des trois motifs retenus par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour refuser de délivrer à M. A... un visa de long séjour portant la mention visiteur n'est de nature à justifier légalement cette décision. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

16. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur invoque, devant la cour, dans son mémoire communiqué à M. A..., un autre motif tiré de ce que l'intéressé ne justifie pas de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et son épouse ont choisi d'être séparés pour permettre à cette dernière de suivre des études en France. Ainsi qu'il a été dit, à la date de la décision de refus litigieuse, celle-ci séjournait régulièrement en France sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour délivré, le 15 septembre 2020, en qualité d'étudiante et valable jusqu'au 15 septembre 2021. M. A... n'établit pas la nécessité dans laquelle il se trouvait de résider en France pour un séjour de plus de trois mois, alors qu'ainsi que le fait valoir le ministre, l'intéressé pouvait solliciter la délivrance d'un visa de court séjour lui permettant d'effectuer des séjours de 90 jours par période de 180 jours, soit six mois par an. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif, qui ne prive le demandeur d'aucune garantie procédurale, de nature à fonder légalement la décision de refus de visa en cause. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de substitution de motifs sollicitée.

17. Il appartient de ce fait à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration :

18. S'agissant d'une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les décisions que prend la commission de recours portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission de recours contestée est signée par " M. Daniel Labrosse ", " président de la commission de recours " et comporte la signature de ce dernier. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

19. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

20. Eu égard à ce qui a été dit au point 16 ci-dessus, la circonstance que la décision de refus contestée a pour effet de séparer M. A... de son épouse ne suffit pas à établir, en l'absence de toutes circonstances particulières, l'atteinte disproportionnée qui serait portée à son droit de mener une vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.



Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON


La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



N° 22NT0155