CAA de PARIS
N° 21PA02524
3ème chambre
Mme la Pdte. FOMBEUR, président
Mme Marianne JULLIARD, rapporteur
Mme PENA, rapporteur public
DS LEGAL, avocats
Lecture du mardi 18 octobre 2022
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Polyagro a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 36 321 270 francs CFP en réparation du préjudice subi à raison de l'irrégularité du rejet de ses offres présentées dans des procédures de sélection des importateurs exclusifs de farine panifiable en 2017 et 2018.
Par un jugement n° 2000375 du 23 février 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la Polynésie française à verser à la société Polyagro la somme de 1 618 110 francs CFP avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 5 et 22 avril 2022, la société Polyagro, représentée par Me Descombes, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté une partie de ses demandes indemnitaires ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner la Polynésie française à lui verser, en sus de la somme de 1 618 110 francs CFP accordée par le tribunal, la somme de 34 703 160 francs CFP, assortie des intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts ou, subsidiairement avant-dire droit, d'ordonner une expertise portant sur l'évaluation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2017 et au lot n° 2 de l'appel d'offres de 2018, à savoir son manque à gagner et ses pertes financières, dès lors que toute illégalité est fautive et doit donner lieu à réparation intégrale du préjudice qui en découle ;
- en ce qui concerne l'appel d'offres de 2017, jugé illégal du fait de l'incompétence du ministre chargé de l'économie pour fixer les dispositions réglementaires du cahier des clauses générales, l'appréciation des offres soumises par les candidats aurait été différente si des critères réguliers avaient été prévus au lieu des critères illégalement fixés par ce cahier, laissant une totale liberté de choix à la commission ;
- le défaut de motivation de la décision du 19 mars 2018 de rejet de son offre au regard de l'application de l'article 16 de l'arrêté n°252 CM du 23 février 2018 lui ouvre droit à indemnisation dès lors que, sur le plan technique, son offre était la meilleure et qu'il n'est pas établi que la même décision aurait été rendue après une exacte application de ce texte ;
- l'indemnisation de son manque à gagner s'élève au montant de la marge nette dont elle a été privée, soit, s'agissant du premier semestre 2017, 10 300 000 francs CFP au titre de la licence d'importation en sacs de 25 kilogrammes (lot n°1) et 10 100 000 francs CFP au titre de la licence d'importation en sacs de 50 kilogrammes (lot n°2) et, s'agissant du premier trimestre 2018, 10 700 000 francs CFP au titre de la licence d'importation de
25 kilogrammes ;
- la Cour pourrait ordonner une expertise avant-dire droit afin de comparer le préjudice démontré avec le bénéfice réalisé par ses concurrentes à l'occasion de l'exploitation des licences illégales ;
- elle a droit à une indemnisation au titre de ses frais de justice ;
- l'annulation partielle du jugement attaqué entraînera nécessairement l'annulation intégrale de la décision de rejet de sa réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par la Polynésie française à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense et d'appel incident enregistrés les 1er octobre 2021 et 20 mai 2022, la Polynésie française, en la personne de son président et représentée par
Me Neuffer, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Polyagro la somme de 1 618 110 francs CFP et à ce que soit mise à la charge de cette dernière la somme de 700 euros à lui verser au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- en ce qui concerne le lot n° 1 des quotas attribués au 1er semestre 2018, l'offre de la société Polyagro étant significativement plus chère que celle de la société Coutimex et la commission d'appel d'offres ayant la possibilité de proposer au président de la Polynésie française de déclarer l'appel d'offres infructueux en ce qui concerne ce lot, l'appelante n'apporte pas la preuve qu'elle avait une chance sérieuse de se voir attribuer ce lot ;
- la société n'établit pas la réalité de son préjudice et le lien de causalité directe avec les fautes commises ;
- le montant réclamé de 31 100 000 F CFP au titre de la perte de marge subie à raison des fautes commises n'est pas valablement établi par la société Polyagro, par les éléments comptables qu'elle produit, et n'est pas en lien direct avec la faute commise ; si la Cour faisait droit à la demande indemnitaire de l'appelante, elle ne devrait être que de 1 618 110 F CFP ;
- la demande subsidiaire d'expertise est dépourvue d'utilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 instituant une procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment relevant du numéro de nomenclature douanière 11.01.00.90, conditionnées en emballage de plus de deux kilogrammes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chaudhry Shouq, représentant la société Polyagro.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 7 février 2017, la Polynésie française a lancé un appel d'offres qui a fait l'objet d'un avis aux importateurs publié les 8 et 9 février 2017 pour l'attribution, en deux lots, de quotas d'importation de farine de froment panifiable pour le premier semestre 2017. Les sociétés Polyagro, Coutimex et Wing Chong ont présenté leurs offres. Par décisions des 23 et 24 février 2017, le ministre chargé de l'économie a, en sa qualité de président de la commission de répartition des contingents des produits de première nécessité, attribué aux sociétés Wing Chong et Coutimex des quotas d'importation de 3 300 tonnes chacune. Par deux jugements du 27 février 2018, confirmés par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions des 23 et 24 février 2017. Par arrêté du 23 février 2018, la Polynésie française a institué une nouvelle procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment et a publié, le 2 mars 2018, un avis aux importateurs pour deux lots de farine panifiable correspondant à des quotas d'importation de respectivement 3 000 et 3 600 tonnes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018. Les sociétés Polyagro, Coutimex et Wing Chong ont présenté leurs offres. Par arrêtés du 19 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances a attribué le lot n° 1 à la société Coutimex et le lot n° 2 à la société Wing Chong. Par deux jugements du 19 février 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 19 mars 2018 attribuant le lot n°1 à la société Coutimex et a rejeté la requête de la société Polyagro tendant à l'annulation de l'attribution du lot n° 2 à la société Wing Chong. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision du 19 mars 2018 rejetant les offres déposées par la société Polyagro en vue de l'attribution des deux lots. Cette dernière a présenté le 14 avril 2020 une réclamation préalable indemnitaire à la Polynésie française, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Elle a en conséquence demandé au tribunal administratif de la Polynésie française la condamnation de la Polynésie française à lui verser une somme de 36 321 270 francs CFP à titre de réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des illégalités entachant les deux procédures d'attribution des lots de farine panifiable de février 2017 et de mars 2018. Elle relève appel du jugement du 23 février 2021 en tant que, par ce jugement, le tribunal a limité le montant de son indemnisation à la somme de 1 618 110 francs CFP avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020. Par la voie de l'appel incident, la Polynésie française demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser cette somme à la société Polyagro et le rejet de la demande présentée par cette dernière devant le tribunal.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La décision implicite ou expresse par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable indemnitaire dont elle est saisie, qui a pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ne peut faire l'objet de conclusions distinctes tendant à son annulation. Il s'ensuit que les conclusions par lesquelles la société Polyagro demande à la Cour d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Polynésie française sur sa réclamation indemnitaire préalable ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2017 :
3. Lorsqu'un candidat à un appel d'offres demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier s'il était ou non dépourvu de toute chance d'être retenu dans le cadre de l'appel d'offres. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter l'appel d'offres. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner.
4. Par deux jugements du 27 février 2018, confirmés par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions des 23 et 24 février 2017 par lesquelles le ministre de l'économie de la Polynésie française a attribué des quotas d'importation aux sociétés Wing Chong et Coutimex et rejeté l'offre de la société Polyagro, au motif que ces décisions avaient été prises sur le fondement des dispositions réglementaires du cahier des clauses générales édictées par une autorité incompétente.
5. En premier lieu, il ressort du compte rendu de la réunion du 20 février 2017 que la commission de répartition des contingents des produits de première nécessité a retenu les offres des sociétés Wing Chong et Coutimex au motif qu'elles étaient les moins-disantes à la fois pour les sacs de 25 et de 50 kilogrammes de farine. Par suite, le préjudice dont se prévaut la société Polyagro résultant de son éviction ne peut être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait le cahier des clauses générales sur le fondement duquel ont été prises les décisions annulées par le juge administratif.
6. En second lieu, aux termes de l'article 9 du cahier des clauses générales de l'appel d'offres : " La commission choisit librement l'offre précise qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte non seulement du prix, mais également de la qualité, de la source d'approvisionnement, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française. Son choix peut aussi être guidé par le souci de ne pas placer dans une position de dépendance les professionnels ainsi que par toute autre considération relative à un intérêt de portée générale pour la Polynésie française ".
7. La société Polyagro, qui fait valoir que le cahier des clauses générales fixe irrégulièrement des critères en laissant une liberté totale de choix à la commission de répartition, doit être regardée comme se prévalant ainsi du principe de transparence des procédures d'appel d'offres, qui découle des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et est applicable à la procédure d'attribution de quotas d'importation de farine panifiable instaurée en Polynésie française. En vertu de ce principe, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution des quotas et sur les conditions de leur mise en oeuvre est nécessaire. Or il ressort des dispositions précitées du cahier des clauses générales qu'elles ne permettaient pas aux candidats de connaître les conditions de mise en oeuvre des critères énumérés dans l'appréciation des offres soumises à la commission. Par suite, de telles dispositions sont entachées d'irrégularité et la société Polyagro est fondée à demander réparation du préjudice résultant de son éviction en lien direct avec cette irrégularité. Il résulte de l'instruction que l'offre de cette société satisfaisait aux critères de l'appel d'offres et que la marge brute de la société restait modérée, de sorte qu'elle n'était pas dépourvue de toute chance d'être retenue. Il résulte toutefois de l'instruction que son offre était moins avantageuse que celle des sociétés Wing Chong et Coutimex, sans qu'elle fasse valoir d'autre caractéristique de cette offre de nature à la faire regarder comme supérieure à celles des concurrents retenus. Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant eu des chances sérieuses d'emporter l'appel d'offres en l'absence de cette irrégularité. Il y a lieu, en conséquence, de limiter l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction au remboursement des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre, soit à la somme non contestée en défense de 87 397 francs CFP.
En ce qui concerne les préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2018 :
8. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 instituant une procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment : " Les offres sont classées en fonction du prix, mais également des conditions d'entreposage, de la capacité de stockage, des moyens logistiques (transport, manutention), de la source d'approvisionnement et des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française. Ce classement peut aussi être guidé par le souci de ne pas placer dans une position de dépendance les professionnels ainsi que par toute autre considération relative à un intérêt de portée générale pour la Polynésie française ".
Quant au lot n° 2 :
9. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision du 19 mars 2018 par laquelle le vice-président, ministre de l'économie et des finances, a rejeté les offres de la société Polyagro relatives à l'importation et à la distribution au stade de gros de farine panifiable présentée en emballage de plus de 2 kilogrammes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018, au motif qu'elle était insuffisamment motivée. Si la société Polyagro soutient, s'agissant du lot n° 2, que son offre était la meilleure sur le plan technique, il n'en résulte pas qu'existerait un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'insuffisante motivation de la décision rejetant cette offre et les préjudices qu'elle invoque du fait de son éviction. Ainsi, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
Quant au lot n°1 :
10. Par jugement du 19 février 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le ministre de l'économie et des finances a attribué à la société Coutimex le lot n° 1 de l'appel d'offres de farine panifiable présentée en emballage de plus de 2 kilogrammes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018, aux motifs, d'une part, que l'offre de cette société était incomplète faute qu'y soit jointe l'annexe décrivant les moyens d'entreposage et les moyens logistiques prévus par les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du 23 février 2018 et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que l'attribution du lot n° 1 à la société Coutimex aurait résulté d'un examen des mérites comparatifs des offres au regard de l'ensemble des critères fixés par ces dispositions. Il résulte de l'instruction que le prix proposé par la société Polyagro pour le lot n° 1, de 59,93 francs CFP par kilogramme, était plus élevé de 12,2% que celui de la société Coutimex, de 53,411 francs CFP au kilogramme, et que l'offre de cette dernière société répondait aux exigences de qualité, de disponibilité et d'expérience de l'appel d'offres. En conséquence, eu égard, d'une part, à la faculté pour la commission d'appel d'offres de la farine de déclarer l'appel d'offres infructueux avant que soit lancé un nouvel appel d'offres dans des conditions régulières et, d'autre part, à l'écart de prix entre les deux offres qui lui étaient soumises, qui, selon la commission, générait une économie de près de 20 millions de francs CFP, la société Polyagro doit être regardée seulement comme n'étant pas dépourvue de toute chance de se voir attribuer le lot n° 1. Il y a lieu, en conséquence, de limiter l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction au remboursement des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre, soit à la somme non contestée en défense de
87 397 francs CFP.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Polyagro est seulement fondée à demander la somme de 174 794 francs CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts au 14 avril 2021 et au 14 avril 2022, en réparation de ses préjudices résultant du rejet de ses offres présentées dans les procédures de sélection des importateurs exclusifs de farine panifiable en 2017 et 2018.
En ce qui concerne les préjudices liés aux frais de procédure :
12. Si la société Polyagro demande l'indemnisation des frais qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits dans les différentes procédures qui l'ont opposée à la Polynésie française et qui s'élèvent selon elle à la somme de 5 221 270 francs CFP, il y lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 8 du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme que la Polynésie française a été condamnée à verser à la société Polyagro par le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française est ramenée à 174 794 francs CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts.
Article 2 : Le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Polyagro est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la Polynésie française présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Polyagro et la Polynésie française.
Copie en sera transmise au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Luben, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
M. A...La présidente,
P. FOMBEUR
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02524
N° 21PA02524
3ème chambre
Mme la Pdte. FOMBEUR, président
Mme Marianne JULLIARD, rapporteur
Mme PENA, rapporteur public
DS LEGAL, avocats
Lecture du mardi 18 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Polyagro a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 36 321 270 francs CFP en réparation du préjudice subi à raison de l'irrégularité du rejet de ses offres présentées dans des procédures de sélection des importateurs exclusifs de farine panifiable en 2017 et 2018.
Par un jugement n° 2000375 du 23 février 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la Polynésie française à verser à la société Polyagro la somme de 1 618 110 francs CFP avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 5 et 22 avril 2022, la société Polyagro, représentée par Me Descombes, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté une partie de ses demandes indemnitaires ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner la Polynésie française à lui verser, en sus de la somme de 1 618 110 francs CFP accordée par le tribunal, la somme de 34 703 160 francs CFP, assortie des intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts ou, subsidiairement avant-dire droit, d'ordonner une expertise portant sur l'évaluation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2017 et au lot n° 2 de l'appel d'offres de 2018, à savoir son manque à gagner et ses pertes financières, dès lors que toute illégalité est fautive et doit donner lieu à réparation intégrale du préjudice qui en découle ;
- en ce qui concerne l'appel d'offres de 2017, jugé illégal du fait de l'incompétence du ministre chargé de l'économie pour fixer les dispositions réglementaires du cahier des clauses générales, l'appréciation des offres soumises par les candidats aurait été différente si des critères réguliers avaient été prévus au lieu des critères illégalement fixés par ce cahier, laissant une totale liberté de choix à la commission ;
- le défaut de motivation de la décision du 19 mars 2018 de rejet de son offre au regard de l'application de l'article 16 de l'arrêté n°252 CM du 23 février 2018 lui ouvre droit à indemnisation dès lors que, sur le plan technique, son offre était la meilleure et qu'il n'est pas établi que la même décision aurait été rendue après une exacte application de ce texte ;
- l'indemnisation de son manque à gagner s'élève au montant de la marge nette dont elle a été privée, soit, s'agissant du premier semestre 2017, 10 300 000 francs CFP au titre de la licence d'importation en sacs de 25 kilogrammes (lot n°1) et 10 100 000 francs CFP au titre de la licence d'importation en sacs de 50 kilogrammes (lot n°2) et, s'agissant du premier trimestre 2018, 10 700 000 francs CFP au titre de la licence d'importation de
25 kilogrammes ;
- la Cour pourrait ordonner une expertise avant-dire droit afin de comparer le préjudice démontré avec le bénéfice réalisé par ses concurrentes à l'occasion de l'exploitation des licences illégales ;
- elle a droit à une indemnisation au titre de ses frais de justice ;
- l'annulation partielle du jugement attaqué entraînera nécessairement l'annulation intégrale de la décision de rejet de sa réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par la Polynésie française à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense et d'appel incident enregistrés les 1er octobre 2021 et 20 mai 2022, la Polynésie française, en la personne de son président et représentée par
Me Neuffer, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Polyagro la somme de 1 618 110 francs CFP et à ce que soit mise à la charge de cette dernière la somme de 700 euros à lui verser au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- en ce qui concerne le lot n° 1 des quotas attribués au 1er semestre 2018, l'offre de la société Polyagro étant significativement plus chère que celle de la société Coutimex et la commission d'appel d'offres ayant la possibilité de proposer au président de la Polynésie française de déclarer l'appel d'offres infructueux en ce qui concerne ce lot, l'appelante n'apporte pas la preuve qu'elle avait une chance sérieuse de se voir attribuer ce lot ;
- la société n'établit pas la réalité de son préjudice et le lien de causalité directe avec les fautes commises ;
- le montant réclamé de 31 100 000 F CFP au titre de la perte de marge subie à raison des fautes commises n'est pas valablement établi par la société Polyagro, par les éléments comptables qu'elle produit, et n'est pas en lien direct avec la faute commise ; si la Cour faisait droit à la demande indemnitaire de l'appelante, elle ne devrait être que de 1 618 110 F CFP ;
- la demande subsidiaire d'expertise est dépourvue d'utilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 instituant une procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment relevant du numéro de nomenclature douanière 11.01.00.90, conditionnées en emballage de plus de deux kilogrammes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chaudhry Shouq, représentant la société Polyagro.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 7 février 2017, la Polynésie française a lancé un appel d'offres qui a fait l'objet d'un avis aux importateurs publié les 8 et 9 février 2017 pour l'attribution, en deux lots, de quotas d'importation de farine de froment panifiable pour le premier semestre 2017. Les sociétés Polyagro, Coutimex et Wing Chong ont présenté leurs offres. Par décisions des 23 et 24 février 2017, le ministre chargé de l'économie a, en sa qualité de président de la commission de répartition des contingents des produits de première nécessité, attribué aux sociétés Wing Chong et Coutimex des quotas d'importation de 3 300 tonnes chacune. Par deux jugements du 27 février 2018, confirmés par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions des 23 et 24 février 2017. Par arrêté du 23 février 2018, la Polynésie française a institué une nouvelle procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment et a publié, le 2 mars 2018, un avis aux importateurs pour deux lots de farine panifiable correspondant à des quotas d'importation de respectivement 3 000 et 3 600 tonnes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018. Les sociétés Polyagro, Coutimex et Wing Chong ont présenté leurs offres. Par arrêtés du 19 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances a attribué le lot n° 1 à la société Coutimex et le lot n° 2 à la société Wing Chong. Par deux jugements du 19 février 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 19 mars 2018 attribuant le lot n°1 à la société Coutimex et a rejeté la requête de la société Polyagro tendant à l'annulation de l'attribution du lot n° 2 à la société Wing Chong. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision du 19 mars 2018 rejetant les offres déposées par la société Polyagro en vue de l'attribution des deux lots. Cette dernière a présenté le 14 avril 2020 une réclamation préalable indemnitaire à la Polynésie française, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Elle a en conséquence demandé au tribunal administratif de la Polynésie française la condamnation de la Polynésie française à lui verser une somme de 36 321 270 francs CFP à titre de réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des illégalités entachant les deux procédures d'attribution des lots de farine panifiable de février 2017 et de mars 2018. Elle relève appel du jugement du 23 février 2021 en tant que, par ce jugement, le tribunal a limité le montant de son indemnisation à la somme de 1 618 110 francs CFP avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020. Par la voie de l'appel incident, la Polynésie française demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser cette somme à la société Polyagro et le rejet de la demande présentée par cette dernière devant le tribunal.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La décision implicite ou expresse par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable indemnitaire dont elle est saisie, qui a pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ne peut faire l'objet de conclusions distinctes tendant à son annulation. Il s'ensuit que les conclusions par lesquelles la société Polyagro demande à la Cour d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Polynésie française sur sa réclamation indemnitaire préalable ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2017 :
3. Lorsqu'un candidat à un appel d'offres demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier s'il était ou non dépourvu de toute chance d'être retenu dans le cadre de l'appel d'offres. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter l'appel d'offres. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner.
4. Par deux jugements du 27 février 2018, confirmés par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions des 23 et 24 février 2017 par lesquelles le ministre de l'économie de la Polynésie française a attribué des quotas d'importation aux sociétés Wing Chong et Coutimex et rejeté l'offre de la société Polyagro, au motif que ces décisions avaient été prises sur le fondement des dispositions réglementaires du cahier des clauses générales édictées par une autorité incompétente.
5. En premier lieu, il ressort du compte rendu de la réunion du 20 février 2017 que la commission de répartition des contingents des produits de première nécessité a retenu les offres des sociétés Wing Chong et Coutimex au motif qu'elles étaient les moins-disantes à la fois pour les sacs de 25 et de 50 kilogrammes de farine. Par suite, le préjudice dont se prévaut la société Polyagro résultant de son éviction ne peut être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait le cahier des clauses générales sur le fondement duquel ont été prises les décisions annulées par le juge administratif.
6. En second lieu, aux termes de l'article 9 du cahier des clauses générales de l'appel d'offres : " La commission choisit librement l'offre précise qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte non seulement du prix, mais également de la qualité, de la source d'approvisionnement, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française. Son choix peut aussi être guidé par le souci de ne pas placer dans une position de dépendance les professionnels ainsi que par toute autre considération relative à un intérêt de portée générale pour la Polynésie française ".
7. La société Polyagro, qui fait valoir que le cahier des clauses générales fixe irrégulièrement des critères en laissant une liberté totale de choix à la commission de répartition, doit être regardée comme se prévalant ainsi du principe de transparence des procédures d'appel d'offres, qui découle des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et est applicable à la procédure d'attribution de quotas d'importation de farine panifiable instaurée en Polynésie française. En vertu de ce principe, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution des quotas et sur les conditions de leur mise en oeuvre est nécessaire. Or il ressort des dispositions précitées du cahier des clauses générales qu'elles ne permettaient pas aux candidats de connaître les conditions de mise en oeuvre des critères énumérés dans l'appréciation des offres soumises à la commission. Par suite, de telles dispositions sont entachées d'irrégularité et la société Polyagro est fondée à demander réparation du préjudice résultant de son éviction en lien direct avec cette irrégularité. Il résulte de l'instruction que l'offre de cette société satisfaisait aux critères de l'appel d'offres et que la marge brute de la société restait modérée, de sorte qu'elle n'était pas dépourvue de toute chance d'être retenue. Il résulte toutefois de l'instruction que son offre était moins avantageuse que celle des sociétés Wing Chong et Coutimex, sans qu'elle fasse valoir d'autre caractéristique de cette offre de nature à la faire regarder comme supérieure à celles des concurrents retenus. Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant eu des chances sérieuses d'emporter l'appel d'offres en l'absence de cette irrégularité. Il y a lieu, en conséquence, de limiter l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction au remboursement des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre, soit à la somme non contestée en défense de 87 397 francs CFP.
En ce qui concerne les préjudices causés par l'illégalité des décisions relatives à l'appel d'offres de 2018 :
8. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 instituant une procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment : " Les offres sont classées en fonction du prix, mais également des conditions d'entreposage, de la capacité de stockage, des moyens logistiques (transport, manutention), de la source d'approvisionnement et des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française. Ce classement peut aussi être guidé par le souci de ne pas placer dans une position de dépendance les professionnels ainsi que par toute autre considération relative à un intérêt de portée générale pour la Polynésie française ".
Quant au lot n° 2 :
9. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision du 19 mars 2018 par laquelle le vice-président, ministre de l'économie et des finances, a rejeté les offres de la société Polyagro relatives à l'importation et à la distribution au stade de gros de farine panifiable présentée en emballage de plus de 2 kilogrammes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018, au motif qu'elle était insuffisamment motivée. Si la société Polyagro soutient, s'agissant du lot n° 2, que son offre était la meilleure sur le plan technique, il n'en résulte pas qu'existerait un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'insuffisante motivation de la décision rejetant cette offre et les préjudices qu'elle invoque du fait de son éviction. Ainsi, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
Quant au lot n°1 :
10. Par jugement du 19 février 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le ministre de l'économie et des finances a attribué à la société Coutimex le lot n° 1 de l'appel d'offres de farine panifiable présentée en emballage de plus de 2 kilogrammes pour la période du 15 mai au 15 novembre 2018, aux motifs, d'une part, que l'offre de cette société était incomplète faute qu'y soit jointe l'annexe décrivant les moyens d'entreposage et les moyens logistiques prévus par les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du 23 février 2018 et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que l'attribution du lot n° 1 à la société Coutimex aurait résulté d'un examen des mérites comparatifs des offres au regard de l'ensemble des critères fixés par ces dispositions. Il résulte de l'instruction que le prix proposé par la société Polyagro pour le lot n° 1, de 59,93 francs CFP par kilogramme, était plus élevé de 12,2% que celui de la société Coutimex, de 53,411 francs CFP au kilogramme, et que l'offre de cette dernière société répondait aux exigences de qualité, de disponibilité et d'expérience de l'appel d'offres. En conséquence, eu égard, d'une part, à la faculté pour la commission d'appel d'offres de la farine de déclarer l'appel d'offres infructueux avant que soit lancé un nouvel appel d'offres dans des conditions régulières et, d'autre part, à l'écart de prix entre les deux offres qui lui étaient soumises, qui, selon la commission, générait une économie de près de 20 millions de francs CFP, la société Polyagro doit être regardée seulement comme n'étant pas dépourvue de toute chance de se voir attribuer le lot n° 1. Il y a lieu, en conséquence, de limiter l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction au remboursement des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre, soit à la somme non contestée en défense de
87 397 francs CFP.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Polyagro est seulement fondée à demander la somme de 174 794 francs CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts au 14 avril 2021 et au 14 avril 2022, en réparation de ses préjudices résultant du rejet de ses offres présentées dans les procédures de sélection des importateurs exclusifs de farine panifiable en 2017 et 2018.
En ce qui concerne les préjudices liés aux frais de procédure :
12. Si la société Polyagro demande l'indemnisation des frais qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits dans les différentes procédures qui l'ont opposée à la Polynésie française et qui s'élèvent selon elle à la somme de 5 221 270 francs CFP, il y lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 8 du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme que la Polynésie française a été condamnée à verser à la société Polyagro par le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française est ramenée à 174 794 francs CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts.
Article 2 : Le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Polyagro est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la Polynésie française présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Polyagro et la Polynésie française.
Copie en sera transmise au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Luben, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
M. A...La présidente,
P. FOMBEUR
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02524