CAA de NANTES
N° 20NT00539
1ère chambre
Mme la Pdte. PERROT, président
M. Harold BRASNU, rapporteur
Mme CHOLLET, rapporteur public
SCP BONDIGUEL & ASSOCIES, avocats
Lecture du vendredi 11 mars 2022
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Kerjean a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2011.
Par un jugement n° 1801016 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février 2020 et 16 septembre 2020 la SARL Kerjean, représentée par Me Bondiguel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- elle entre dans le champ d'application du a) ter de l'article 279 du code général des impôts ; c'est donc à tort que le service a remis en cause l'application du taux de 5,5% pour la location des emplacements pour mobil-homes.
Par des mémoires enregistrés les 5 août 2020 et 23 juillet 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Kerjean ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Brasnu,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Simon, pour la SARL Kerjean.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Kerjean est propriétaire du camping " Le Bois Soleil ", situé sur le territoire de la commune de Pont-l'Abbé (Finistère), qui comporte 100 emplacements destinés à accueillir des résidences mobiles de loisirs (mobil-homes). A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % prévu au a ter de l'article 279 du code général des impôts, que la société avait appliqué sur les revenus tirés de la location des emplacements et sur les droits d'entrée perçus dans le cadre de la signature de contrats de bail emphytéotique. Après rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 122 194 euros en droits et 2 797 euros en intérêts de retard. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
3. L'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé.
4. La SARL Kerjean fait valoir que l'administration a, tant dans la réponse de l'interlocuteur départemental que dans la décision de rejet de sa réclamation, mentionné le fait que certains mobil-home étaient occupés à titre de résidence principale, sans indiquer l'origine de ce renseignement. Il résulte toutefois de l'instruction que ce renseignement, au demeurant nécessairement connu du contribuable, n'était pas utile et n'a pas été utilisé par le service pour asseoir sa position et établir les rappels de taxe en litige. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales pour ce motif ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) a ter Les locations d'emplacements sur les terrains de camping classés, à condition que soit délivrée à tout client une note d'un modèle agréé par l'administration indiquant les dates de séjour et le montant de la somme due ; (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions, eu égard à leur objet et lues à la lumière des travaux parlementaires de la loi de finances du 30 décembre 1974 dont elles sont issues, que le bénéfice du taux réduit de 5,5% est réservé aux seuls exploitants des terrains de camping aménagés qui délivrent à leurs clients au moment de leur départ une note comportant l'indication de la période de location et du montant de la somme due, ce qui vise les exploitants qui proposent à la location des emplacements pour un séjour de courte durée à vocation touristique et ne peut s'étendre aux personnes qui donnent en location, de manière pérenne, l'emplacement à des tiers, qui y installent leur propre résidence mobile de loisir et qui en assurent eux-mêmes l'exploitation, soit à leur profit, soit au profit de locataires saisonniers.
7. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la SARL Kerjean louait, au cours de la période litigieuse, des emplacements soit par le biais de baux emphytéotiques d'une durée de 99 ans, consentis en échange du versement d'un droit d'entrée compris entre 25 800 euros à 32 800 euros hors taxes selon la superficie de l'emplacement loué, soit par le biais de contrats de location d'une durée d'un an, renouvelables tacitement et consentis moyennant le versement d'une redevance trimestrielle de 600 euros. Les titulaires de ces baux emphytéotiques pouvaient céder ou louer le droit qu'ils possédaient ainsi sur l'emplacement loué. Les locataires des deux catégories pouvaient également louer leur mobil-home à des tiers pour des séjours d'une durée inférieure à un mois, en assurant eux-mêmes la gestion de cette location de type saisonnier.
8. Il résulte des conditions de location exposées au point 7, qui ne peuvent être regardées comme constituant des contrats de courte durée à vocation touristique, que, si la société Kerjean restait l'exploitant du camping pour les parties communes, les équipements collectifs et le cas échéant les emplacements loués à titre touristique, elle n'était plus l'exploitant, au sens des dispositions de l'article 209 a ter du code général des impôts, pour les emplacements occupés par des mobil-homes et loués à l'année ou par bail emphytéotiques, les seuls exploitants étant alors les locataires de l'emplacement, également propriétaires des mobil-homes. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a remis en cause l'application du taux de 5,5% aux revenus tirés par la SARL Kerjean de la location des emplacements concernés et aux droits d'entrée perçus par celle-ci dans le cadre de la signature de contrats de bail emphytéotique.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Kerjean n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Kerjean est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Kerjean et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
-Mme Picquet, premier conseiller,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur
H. BrasnuLa présidente
I. PerrotLa greffière
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 20NT00539
N° 20NT00539
1ère chambre
Mme la Pdte. PERROT, président
M. Harold BRASNU, rapporteur
Mme CHOLLET, rapporteur public
SCP BONDIGUEL & ASSOCIES, avocats
Lecture du vendredi 11 mars 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Kerjean a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2011.
Par un jugement n° 1801016 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février 2020 et 16 septembre 2020 la SARL Kerjean, représentée par Me Bondiguel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- elle entre dans le champ d'application du a) ter de l'article 279 du code général des impôts ; c'est donc à tort que le service a remis en cause l'application du taux de 5,5% pour la location des emplacements pour mobil-homes.
Par des mémoires enregistrés les 5 août 2020 et 23 juillet 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Kerjean ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Brasnu,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Simon, pour la SARL Kerjean.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Kerjean est propriétaire du camping " Le Bois Soleil ", situé sur le territoire de la commune de Pont-l'Abbé (Finistère), qui comporte 100 emplacements destinés à accueillir des résidences mobiles de loisirs (mobil-homes). A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % prévu au a ter de l'article 279 du code général des impôts, que la société avait appliqué sur les revenus tirés de la location des emplacements et sur les droits d'entrée perçus dans le cadre de la signature de contrats de bail emphytéotique. Après rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 122 194 euros en droits et 2 797 euros en intérêts de retard. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
3. L'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé.
4. La SARL Kerjean fait valoir que l'administration a, tant dans la réponse de l'interlocuteur départemental que dans la décision de rejet de sa réclamation, mentionné le fait que certains mobil-home étaient occupés à titre de résidence principale, sans indiquer l'origine de ce renseignement. Il résulte toutefois de l'instruction que ce renseignement, au demeurant nécessairement connu du contribuable, n'était pas utile et n'a pas été utilisé par le service pour asseoir sa position et établir les rappels de taxe en litige. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales pour ce motif ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) a ter Les locations d'emplacements sur les terrains de camping classés, à condition que soit délivrée à tout client une note d'un modèle agréé par l'administration indiquant les dates de séjour et le montant de la somme due ; (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions, eu égard à leur objet et lues à la lumière des travaux parlementaires de la loi de finances du 30 décembre 1974 dont elles sont issues, que le bénéfice du taux réduit de 5,5% est réservé aux seuls exploitants des terrains de camping aménagés qui délivrent à leurs clients au moment de leur départ une note comportant l'indication de la période de location et du montant de la somme due, ce qui vise les exploitants qui proposent à la location des emplacements pour un séjour de courte durée à vocation touristique et ne peut s'étendre aux personnes qui donnent en location, de manière pérenne, l'emplacement à des tiers, qui y installent leur propre résidence mobile de loisir et qui en assurent eux-mêmes l'exploitation, soit à leur profit, soit au profit de locataires saisonniers.
7. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la SARL Kerjean louait, au cours de la période litigieuse, des emplacements soit par le biais de baux emphytéotiques d'une durée de 99 ans, consentis en échange du versement d'un droit d'entrée compris entre 25 800 euros à 32 800 euros hors taxes selon la superficie de l'emplacement loué, soit par le biais de contrats de location d'une durée d'un an, renouvelables tacitement et consentis moyennant le versement d'une redevance trimestrielle de 600 euros. Les titulaires de ces baux emphytéotiques pouvaient céder ou louer le droit qu'ils possédaient ainsi sur l'emplacement loué. Les locataires des deux catégories pouvaient également louer leur mobil-home à des tiers pour des séjours d'une durée inférieure à un mois, en assurant eux-mêmes la gestion de cette location de type saisonnier.
8. Il résulte des conditions de location exposées au point 7, qui ne peuvent être regardées comme constituant des contrats de courte durée à vocation touristique, que, si la société Kerjean restait l'exploitant du camping pour les parties communes, les équipements collectifs et le cas échéant les emplacements loués à titre touristique, elle n'était plus l'exploitant, au sens des dispositions de l'article 209 a ter du code général des impôts, pour les emplacements occupés par des mobil-homes et loués à l'année ou par bail emphytéotiques, les seuls exploitants étant alors les locataires de l'emplacement, également propriétaires des mobil-homes. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a remis en cause l'application du taux de 5,5% aux revenus tirés par la SARL Kerjean de la location des emplacements concernés et aux droits d'entrée perçus par celle-ci dans le cadre de la signature de contrats de bail emphytéotique.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Kerjean n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Kerjean est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Kerjean et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
-Mme Picquet, premier conseiller,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur
H. BrasnuLa présidente
I. PerrotLa greffière
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 20NT00539