CAA de NANTES
N° 20NT02993
6ème chambre
M. GASPON, président
Mme Valérie GELARD, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS, avocats
Lecture du mardi 7 décembre 2021
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 27 novembre 2017 par laquelle le président de la communauté de communes des pays de l'Aigle a prononcé son licenciement pour inaptitude physique ainsi que la décision du 18 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au président de la communauté de communes de le réintégrer et de lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de cette décision et du défaut d'adaptation de son poste de travail.
Par un jugement n° 1802201 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 septembre 2020 et 13 août 2021, M. B..., représenté par Me Soublin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 août 2020 ;
2°) d'annuler les décisions des 27 novembre 2017 et 18 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la communauté de communes de le réintégrer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner la communauté de communes du pays de l'Aigle à lui verser la somme de 41 569,21 euros à parfaire en réparation de ses préjudices ;
5°) de mettre à la charge de la communauté de communes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée, qui se contente de viser l'avis du comité médical sans indiquer les raisons objectives qui l'empêchent d'exercer d'autres fonctions au sein de la collectivité, est insuffisamment motivée ;
- le président de la communauté de communes s'est cru en situation de compétence liée ;
- il n'a pas été invité préalablement à cette décision à solliciter son reclassement ;
- il était apte à l'exercice de ses fonctions avec des horaires aménagés de sorte que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;
- l'administration n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement préalablement à son licenciement ; elle a ainsi méconnu le principe d'égalité de valeur constitutionnelle ;
- en le licenciant et en ne procédant pas à l'aménagement de son poste de travail la communauté de communes a méconnu son obligation de sécurité et commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- il est fondé à solliciter l'indemnisation de ses pertes de revenus à hauteur de 13 549,12 euros ;
- il a en outre subi un préjudice moral et physique ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; les troubles de toute nature qu'il a subis ne sauraient être évalués à moins de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2021, la communauté de communes des pays de l'Aigle, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que M. B... n'est pas recevable à rechercher pour la première fois en appel sa responsabilité à raison de la méconnaissance de son obligation de sécurité et, pour le surplus, que les moyens soulevés par l'intéressé, ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Cado, substituant Me Carrère, représentant la communauté de communes des pays de l'Aigle.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui a été victime d'un grave accident de la route en 1991, a été recruté en qualité d'agent d'entretien le 5 avril 2004 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société privée qui gérait le complexe aquatique Cap'Orne. Le 29 novembre 2013, son contrat de travail a été transféré à la communauté de communes des pays de l'Aigle qui a repris en régie la gestion de la piscine intercommunale. Le 30 mars 2017, sur la demande de M. B... qui avait été placé en congé de maladie ordinaire du 7 novembre 2016 au 3 septembre 2017, le président de la communauté de communes a sollicité l'avis du comité médical départemental sur son aptitude à l'exercice de ses fonctions. Une expertise a été diligentée par ce comité et le rapport a été remis le 26 juin 2017. Ce médecin a conclu à l'inaptitude définitive de l'intéressé à son poste d'agent d'entretien. Le comité médical qui s'est réuni le 6 juillet 2017 a suivi cet avis. M. B... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude physique, lequel a été prononcé par une décision du président de la communauté de communes des pays de l'Aigle en date du 27 novembre 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette décision ainsi que celle du 18 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Il a également présenté des conclusions indemnitaires. Il relève appel du jugement du 18 août 2020, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur l'illégalité fautive invoquée par M. B... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 42-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'à l'issue de l'entretien (...) et de la consultation de la commission consultative paritaire (...), l'autorité territoriale décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ". La décision du 27 novembre 2017 indique qu'il est procédé au licenciement de M. B... pour inaptitude physique en application du décret n° 88-145 du 15 février 1988, ainsi que la date de ce licenciement. Contrairement à ce que soutient le requérant, la communauté de communes des pays de l'Aigle n'avait pas à mentionner les raisons qui l'auraient empêché d'exercer d'autres fonctions au sein de ses services. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée manque en fait et ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la circonstance que la décision litigieuse prise le 27 novembre 2017 se réfère à " la décision du comité médical départemental " ne suffit pas établir que le président de la communauté de communes se serait cru en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Il précise en effet qu'après réexamen de son dossier et après un délai de réflexion, il a " décidé ", plusieurs mois après l'avis du comité médical rendu le 6 juillet 2017, de procéder au licenciement de M. B... pour inaptitude physique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence négative de l'auteur de la décision contestée ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988 : " Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour inaptitude physique définitive (...) elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. (...) Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. ". La communauté de communes des pays de l'Aigle s'est conformée à ces dispositions en indiquant à M. B..., dans sa décision du 27 novembre 2017, qu'il pouvait solliciter son reclassement. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, ni ces dispositions, ni aucun autre texte, n'imposaient à la collectivité d'inviter son agent contractuel à solliciter son reclassement avant l'envoi de la décision l'informant de son intention de le licencier.
5. En quatrième lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi, y compris relevant d'une catégorie inférieure, si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce que ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé ait été déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions, soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
6. Les dispositions précitées du 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988, qui ouvrent à l'agent reconnu inapte à son poste, dont le licenciement est envisagé à raison de ce motif, un délai correspondant à la moitié de la durée de son préavis pour solliciter son reclassement, permettent de concilier le principe général du droit au reclassement dont il doit bénéficier, rappelé au point 5, et celui de sécurité juridique. Elles doivent dès lors être regardées comme fixant un délai impératif, au-delà duquel l'employeur ne peut être tenu à une obligation de reclassement.
7. Il résulte de l'instruction que dans son rapport du 26 juin 2017, l'expert médical rhumatologue a constaté que M. B... conservait des séquelles au niveau lombaire et du membre inférieur gauche à la suite d'un grave accident survenu en 1991. Un taux d'incapacité partielle permanente de 35 % lui a d'ailleurs été alloué à ce titre. L'expert ajoute que la position debout lui occasionne des douleurs dans l'ensemble de la jambe gauche jusqu'à la hanche et dans la région lombaire. Il conclut à l'incapacité définitive de l'intéressé à occuper ses fonctions d'agent d'entretien. Lors de sa séance du 6 juillet 2017, le comité médical départemental a suivi les conclusions de l'expert et émis un avis favorable à l'inaptitude de l'intéressé à ses fonctions. M. B..., qui compte tenu de ces restrictions médicales ne pouvait plus exercer ses fonctions d'agent d'entretien, même sur un poste aménagé, soutient cependant qu'il aurait pu exercer d'autres fonctions au sein de la collectivité. L'intéressé, qui avait refusé au cours de l'année 2016 le seul poste disponible qui lui avait été proposé au sein du service scolaire, s'est en outre prévalu auprès de son employeur du certificat médical rédigé à sa demande, le 14 mars 2017, par son médecin traitant faisant état d'une " inaptitude totale concernant son activité professionnelle au sein de la communauté de communes du pays de l'Aigle ". De plus, alors qu'il en avait la possibilité, M. B... n'a sollicité son reclassement au sein de la collectivité qui l'employait que le 23 mai 2018, soit après l'expiration du délai de deux mois prévu au 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988, qui lui avait été rappelé dans la décision du 27 novembre 2017. Compte tenu de ces éléments, la communauté de communes a légitimement pu estimer que l'intéressé, qui au demeurant à la date du 23 mai 2018 ne faisait plus partie de ses effectifs, avait expressément manifesté sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que la collectivité aurait manqué à son obligation de reclassement et entaché sa décision d'une erreur de fait à raison de ce motif.
8. En cinquième lieu, aux termes du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988 : " A l'issue d'un congé de maladie,(...), lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents n'est pas possible. 1° Ce reclassement concerne les agents recrutés pour occuper un emploi permanent en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat (...) ". Contrairement à ce que soutient la communauté de communes des pays de l'Aigle, la circonstance que M. B... a été recruté par la société qui à l'époque était en charge de la gestion de la piscine intercommunale dans le cadre d'un contrat de travail de droit privé ne fait pas obstacle à son reclassement. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, l'intéressé n'a pas sollicité son reclassement dans le délai qui lui était imparti. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait atteinte au principe d'égalité de traitement.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7, que la décision du 27 novembre 2017 n'étant entachée d'aucune des illégalités fautives invoqués par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la communauté de communes sur ce fondement.
Sur les autres fautes invoquées par M. B... :
10. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". M. B... soutient qu'en ne procédant pas à l'aménagement de son poste de travail, la communauté de communes a méconnu son obligation de sécurité. Il conteste le mode d'organisation décidé en 2015 lui imposant de travailler l'après-midi et en début de soirée, et se prévaut des restrictions émises par le médecin de prévention. Il est toutefois constant que les fonctions d'agent d'entretien impliquaient de procéder au grand nettoyage de la piscine le matin et que M. B... ne pouvait pas davantage accomplir cette tâche compte tenu de son état de santé. En outre, la fiche d'aptitude médicale établie le 14 octobre 2013 confirme que les restrictions concernant ses horaires de travail et le port de charge lourde avaient été formulées avant la réorganisation de ce service. De plus, les fiches d'aptitude médicale des 18 novembre et 20 décembre 2013 ne font état que d'un " rythme régulier de travail conseillé ". Enfin, la collectivité indique qu'elle aurait été dans l'obligation de recruter un agent supplémentaire si M. B... n'avait pas travaillé en début de soirée et qu'une partie des travaux d'entretien doit être effectuée en dehors des horaires d'ouverture au public de l'équipement, alors que dans son avis du 11 mars 2016, le pôle santé au travail du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Orne indiquait que les tâches confiées à M. B... convenaient à son état de santé. Enfin, il résulte de l'instruction que le 19 janvier 2016, la communauté de communes des pays de l'Aigle a proposé à M. B... de se rapprocher du service des ressources humaines pour envisager son reclassement et que celui-ci a refusé un poste proposé dans un autre service. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que son employeur aurait commis une faute en refusant d'aménager ses horaires de travail. Il n'est pas davantage fondé à rechercher la responsabilité de celui-ci à raison d'une méconnaissance de son obligation de sécurité.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes des pays de l'Aigle, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes des pays de l'Aigle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la communauté de communes des pays de l'Aigle de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes des pays de l'Aigle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté de communes des pays de l'Aigle.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°
N° 20NT02993
6ème chambre
M. GASPON, président
Mme Valérie GELARD, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS, avocats
Lecture du mardi 7 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 27 novembre 2017 par laquelle le président de la communauté de communes des pays de l'Aigle a prononcé son licenciement pour inaptitude physique ainsi que la décision du 18 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au président de la communauté de communes de le réintégrer et de lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de cette décision et du défaut d'adaptation de son poste de travail.
Par un jugement n° 1802201 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 septembre 2020 et 13 août 2021, M. B..., représenté par Me Soublin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 août 2020 ;
2°) d'annuler les décisions des 27 novembre 2017 et 18 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la communauté de communes de le réintégrer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner la communauté de communes du pays de l'Aigle à lui verser la somme de 41 569,21 euros à parfaire en réparation de ses préjudices ;
5°) de mettre à la charge de la communauté de communes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée, qui se contente de viser l'avis du comité médical sans indiquer les raisons objectives qui l'empêchent d'exercer d'autres fonctions au sein de la collectivité, est insuffisamment motivée ;
- le président de la communauté de communes s'est cru en situation de compétence liée ;
- il n'a pas été invité préalablement à cette décision à solliciter son reclassement ;
- il était apte à l'exercice de ses fonctions avec des horaires aménagés de sorte que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;
- l'administration n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement préalablement à son licenciement ; elle a ainsi méconnu le principe d'égalité de valeur constitutionnelle ;
- en le licenciant et en ne procédant pas à l'aménagement de son poste de travail la communauté de communes a méconnu son obligation de sécurité et commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- il est fondé à solliciter l'indemnisation de ses pertes de revenus à hauteur de 13 549,12 euros ;
- il a en outre subi un préjudice moral et physique ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; les troubles de toute nature qu'il a subis ne sauraient être évalués à moins de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2021, la communauté de communes des pays de l'Aigle, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que M. B... n'est pas recevable à rechercher pour la première fois en appel sa responsabilité à raison de la méconnaissance de son obligation de sécurité et, pour le surplus, que les moyens soulevés par l'intéressé, ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Cado, substituant Me Carrère, représentant la communauté de communes des pays de l'Aigle.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui a été victime d'un grave accident de la route en 1991, a été recruté en qualité d'agent d'entretien le 5 avril 2004 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société privée qui gérait le complexe aquatique Cap'Orne. Le 29 novembre 2013, son contrat de travail a été transféré à la communauté de communes des pays de l'Aigle qui a repris en régie la gestion de la piscine intercommunale. Le 30 mars 2017, sur la demande de M. B... qui avait été placé en congé de maladie ordinaire du 7 novembre 2016 au 3 septembre 2017, le président de la communauté de communes a sollicité l'avis du comité médical départemental sur son aptitude à l'exercice de ses fonctions. Une expertise a été diligentée par ce comité et le rapport a été remis le 26 juin 2017. Ce médecin a conclu à l'inaptitude définitive de l'intéressé à son poste d'agent d'entretien. Le comité médical qui s'est réuni le 6 juillet 2017 a suivi cet avis. M. B... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude physique, lequel a été prononcé par une décision du président de la communauté de communes des pays de l'Aigle en date du 27 novembre 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette décision ainsi que celle du 18 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Il a également présenté des conclusions indemnitaires. Il relève appel du jugement du 18 août 2020, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur l'illégalité fautive invoquée par M. B... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 42-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'à l'issue de l'entretien (...) et de la consultation de la commission consultative paritaire (...), l'autorité territoriale décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ". La décision du 27 novembre 2017 indique qu'il est procédé au licenciement de M. B... pour inaptitude physique en application du décret n° 88-145 du 15 février 1988, ainsi que la date de ce licenciement. Contrairement à ce que soutient le requérant, la communauté de communes des pays de l'Aigle n'avait pas à mentionner les raisons qui l'auraient empêché d'exercer d'autres fonctions au sein de ses services. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée manque en fait et ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la circonstance que la décision litigieuse prise le 27 novembre 2017 se réfère à " la décision du comité médical départemental " ne suffit pas établir que le président de la communauté de communes se serait cru en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Il précise en effet qu'après réexamen de son dossier et après un délai de réflexion, il a " décidé ", plusieurs mois après l'avis du comité médical rendu le 6 juillet 2017, de procéder au licenciement de M. B... pour inaptitude physique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence négative de l'auteur de la décision contestée ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988 : " Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour inaptitude physique définitive (...) elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. (...) Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. ". La communauté de communes des pays de l'Aigle s'est conformée à ces dispositions en indiquant à M. B..., dans sa décision du 27 novembre 2017, qu'il pouvait solliciter son reclassement. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, ni ces dispositions, ni aucun autre texte, n'imposaient à la collectivité d'inviter son agent contractuel à solliciter son reclassement avant l'envoi de la décision l'informant de son intention de le licencier.
5. En quatrième lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi, y compris relevant d'une catégorie inférieure, si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce que ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé ait été déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions, soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
6. Les dispositions précitées du 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988, qui ouvrent à l'agent reconnu inapte à son poste, dont le licenciement est envisagé à raison de ce motif, un délai correspondant à la moitié de la durée de son préavis pour solliciter son reclassement, permettent de concilier le principe général du droit au reclassement dont il doit bénéficier, rappelé au point 5, et celui de sécurité juridique. Elles doivent dès lors être regardées comme fixant un délai impératif, au-delà duquel l'employeur ne peut être tenu à une obligation de reclassement.
7. Il résulte de l'instruction que dans son rapport du 26 juin 2017, l'expert médical rhumatologue a constaté que M. B... conservait des séquelles au niveau lombaire et du membre inférieur gauche à la suite d'un grave accident survenu en 1991. Un taux d'incapacité partielle permanente de 35 % lui a d'ailleurs été alloué à ce titre. L'expert ajoute que la position debout lui occasionne des douleurs dans l'ensemble de la jambe gauche jusqu'à la hanche et dans la région lombaire. Il conclut à l'incapacité définitive de l'intéressé à occuper ses fonctions d'agent d'entretien. Lors de sa séance du 6 juillet 2017, le comité médical départemental a suivi les conclusions de l'expert et émis un avis favorable à l'inaptitude de l'intéressé à ses fonctions. M. B..., qui compte tenu de ces restrictions médicales ne pouvait plus exercer ses fonctions d'agent d'entretien, même sur un poste aménagé, soutient cependant qu'il aurait pu exercer d'autres fonctions au sein de la collectivité. L'intéressé, qui avait refusé au cours de l'année 2016 le seul poste disponible qui lui avait été proposé au sein du service scolaire, s'est en outre prévalu auprès de son employeur du certificat médical rédigé à sa demande, le 14 mars 2017, par son médecin traitant faisant état d'une " inaptitude totale concernant son activité professionnelle au sein de la communauté de communes du pays de l'Aigle ". De plus, alors qu'il en avait la possibilité, M. B... n'a sollicité son reclassement au sein de la collectivité qui l'employait que le 23 mai 2018, soit après l'expiration du délai de deux mois prévu au 2° du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988, qui lui avait été rappelé dans la décision du 27 novembre 2017. Compte tenu de ces éléments, la communauté de communes a légitimement pu estimer que l'intéressé, qui au demeurant à la date du 23 mai 2018 ne faisait plus partie de ses effectifs, avait expressément manifesté sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que la collectivité aurait manqué à son obligation de reclassement et entaché sa décision d'une erreur de fait à raison de ce motif.
8. En cinquième lieu, aux termes du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988 : " A l'issue d'un congé de maladie,(...), lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents n'est pas possible. 1° Ce reclassement concerne les agents recrutés pour occuper un emploi permanent en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat (...) ". Contrairement à ce que soutient la communauté de communes des pays de l'Aigle, la circonstance que M. B... a été recruté par la société qui à l'époque était en charge de la gestion de la piscine intercommunale dans le cadre d'un contrat de travail de droit privé ne fait pas obstacle à son reclassement. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, l'intéressé n'a pas sollicité son reclassement dans le délai qui lui était imparti. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait atteinte au principe d'égalité de traitement.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7, que la décision du 27 novembre 2017 n'étant entachée d'aucune des illégalités fautives invoqués par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la communauté de communes sur ce fondement.
Sur les autres fautes invoquées par M. B... :
10. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". M. B... soutient qu'en ne procédant pas à l'aménagement de son poste de travail, la communauté de communes a méconnu son obligation de sécurité. Il conteste le mode d'organisation décidé en 2015 lui imposant de travailler l'après-midi et en début de soirée, et se prévaut des restrictions émises par le médecin de prévention. Il est toutefois constant que les fonctions d'agent d'entretien impliquaient de procéder au grand nettoyage de la piscine le matin et que M. B... ne pouvait pas davantage accomplir cette tâche compte tenu de son état de santé. En outre, la fiche d'aptitude médicale établie le 14 octobre 2013 confirme que les restrictions concernant ses horaires de travail et le port de charge lourde avaient été formulées avant la réorganisation de ce service. De plus, les fiches d'aptitude médicale des 18 novembre et 20 décembre 2013 ne font état que d'un " rythme régulier de travail conseillé ". Enfin, la collectivité indique qu'elle aurait été dans l'obligation de recruter un agent supplémentaire si M. B... n'avait pas travaillé en début de soirée et qu'une partie des travaux d'entretien doit être effectuée en dehors des horaires d'ouverture au public de l'équipement, alors que dans son avis du 11 mars 2016, le pôle santé au travail du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Orne indiquait que les tâches confiées à M. B... convenaient à son état de santé. Enfin, il résulte de l'instruction que le 19 janvier 2016, la communauté de communes des pays de l'Aigle a proposé à M. B... de se rapprocher du service des ressources humaines pour envisager son reclassement et que celui-ci a refusé un poste proposé dans un autre service. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que son employeur aurait commis une faute en refusant d'aménager ses horaires de travail. Il n'est pas davantage fondé à rechercher la responsabilité de celui-ci à raison d'une méconnaissance de son obligation de sécurité.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes des pays de l'Aigle, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes des pays de l'Aigle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la communauté de communes des pays de l'Aigle de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes des pays de l'Aigle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté de communes des pays de l'Aigle.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°