CAA de NANTES
N° 21NT01145
4ème chambre
M. le Pdt. COUVERT-CASTERA, président
M. Jean-Yves GUEGUEN, rapporteur
M. PONS, rapporteur public
GUINEL-JOHNSON, avocats
Lecture du vendredi 29 octobre 2021
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2100372 du 22 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, M. B..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 janvier 2021 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 7 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et un formulaire de l'office français pour la protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient :
En ce qui concerne le jugement attaqué, que :
- le premier juge a commis une erreur de droit, en se fondant sur les dispositions de l'article 3 du règlement précité et non sur l'article 17 dudit règlement et alors qu'il n'a jamais invoqué le risque d'atteinte aux droits visés par l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 ;
En ce qui concerne l'arrêté de transfert, que :
- il n'a pas été signé par une autorité compétente, la signataire de la décision attaquée n'étant pas affectée au Pôle régional Dublin et l'arrêté de délégation de signature ne visant pas expressément l'arrêté de nomination de l'agent ayant reçu délégation ;
- il n'est pas suffisamment motivé, faute notamment d'indiquer le fondement de l'acceptation de la prise ou de la reprise en charge de sa demande d'asile ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; il aurait dû recevoir l'information nécessaire dès sa demande de protection internationale ; les brochures et le guide remis n'existent pas en langue soussou ; il n'est pas établi que l'entretien individuel ait été mené par une personne qualifiée et dans des conditions garantissant la confidentialité ; il n'est pas établi qu'il ait été informé de son droit de solliciter un examen de santé gratuit, ceci en méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; seul un résumé de l'entretien a été communiqué et cette communication au requérant et à son conseil a été tardive ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard de sa vulnérabilité et de son état de santé ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence, que :
- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité la décision portant assignation à résidence ;
- la décision d'assignation à résidence n'a pas été signée par une autorité compétente ;
- elle n'est pas suffisamment motivée, notamment en ce qui concerne la proportionnalité de la mesure prise ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et les obligations qui lui sont faites sont disproportionnées ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'obligation de présentation à heure fixe qui lui est faite et la nécessité de se présenter " avec ses effets personnels " ne sont pas prévues par le texte applicable ; le préfet, dans l'exercice de son pouvoir de police, a porté une atteinte à sa liberté individuelle qui excède ce qui est nécessaire par rapport aux buts poursuivis par la mesure d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, né le 10 octobre 1991, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2020, où il a sollicité le 17 novembre suivant la reconnaissance du statut de réfugié. Après consultation du fichier Eurodac à partir du relevé de ses empreintes digitales, il est apparu qu'il avait auparavant sollicité l'asile auprès de deux pays, en Italie le 24 novembre 2016 et en Belgique le 14 novembre 2017. Les autorités italiennes et belges ont été saisies le 19 novembre 2020 par le préfet de Maine-et-Loire d'une demande de reprise en charge, acceptée par les autorités belges par un accord explicite du 1er décembre 2020, cependant que les autorités italiennes opposaient un refus à cette demande sur le fondement de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013. Par arrêté du 7 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé le transfert de l'intéressé aux autorités belges et, par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 22 janvier 2021, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en analysant sa situation au regard des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 et non de celles de l'article 17 du même règlement qu'il invoquait. Si le premier juge, qui a écarté de manière motivée le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 a, de manière superfétatoire, relevé que les pièces du dossier n'établissaient pas l'existence en Belgique de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, alors que ce moyen, qui se rapporte à la violation de l'article 3.2 de ce règlement, n'était pas soulevé par le requérant, cette critique du jugement attaqué procède d'une contestation de son bien-fondé et est inopérante pour en contester la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de transfert :
3. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour (...) assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 4 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".
4. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".
5. L'arrêté du 7 janvier 2021 portant transfert aux autorités belges de M. B... a été signé, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme C..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'arrêté du 2 décembre 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 4 décembre suivant, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme C... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin constitué au sein des services de la préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose davantage que cet arrêté vise l'acte de nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés contestés doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
7. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
8. Les autorités françaises ont saisi les autorités belges d'une demande de transfert de M. B... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'arrêté contesté vise notamment ce règlement et mentionne d'une part que la consultation du fichier Eurodac a révélé que le requérant avait sollicité l'asile en premier lieu auprès des autorités italiennes le 24 novembre 2016 et en second lieu auprès des autorités belges le 14 novembre 2017 et, d'autre part, que ces dernières autorités ont donné un accord explicite en date du 1er décembre 2020 à sa reprise en charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 17 novembre 2020, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un interprète en langue soussou, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Par suite, et alors même que les informations en cause n'ont pas été délivrées dès la venue du requérant dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile et lors de sa prise de rendez-vous au guichet unique des demandeurs d'asile, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
13. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. B... qu'il a bénéficié le 17 novembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue soussou, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète agréé. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, avec le concours de cet interprète, et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, notamment au regard des mentions pré-remplies figurant dans ce document qu'il a signé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien aurait été conduit, d'une part, par une personne qui ne serait pas qualifiée, sachant que l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel et, d'autre part, sans que les règles de confidentialité imparties aient été respectées. Les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, citées au point précédent, imposent par ailleurs seulement la communication du résumé du compte rendu de l'entretien, sans mention d'éléments différents de ceux qui figurent sur le résumé présent au dossier. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil du requérant en temps utile. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier (...) Lors de l'entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. (...) ". Ces dispositions, propres à l'entretien conduit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert contesté. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.
15. En sixième lieu, il ressort de la motivation même de la décision attaquée que la situation de M. B... a fait l'objet d'un examen particulier par le préfet de Maine-et-Loire, notamment quant aux conséquences de son transfert en Belgique au regard de son état de santé et de sa situation personnelle et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doit être écarté.
16. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
17. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a, le 17 novembre 2020, déclaré avoir été soigné en Belgique pendant plusieurs mois pour des douleurs thoraciques. S'il justifie avoir obtenu un rendez-vous le 29 décembre 2020 en vue d'un dépistage au centre de lutte antituberculeuse du centre hospitalier universitaire de Nantes, il ne soutient ni même n'allègue que ce dépistage aurait été positif. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... présenterait une situation de vulnérabilité exceptionnelle, notamment au regard de son état de santé, justifiant l'examen par la France de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités belges, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 17 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 7 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
19. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 3 à 5, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision d'assignation attaquée doit être écarté.
20. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 3 à 18, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert aux autorités belges, doit être écarté.
21. En troisième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. B... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent, en particulier sur la fréquence hebdomadaire de l'obligation de présentation de l'intéressé aux services de la police aux frontières. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
22. En dernier lieu, d'une part, l'article L. 561-2, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". L'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
23. D'autre part, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même.
24. Il résulte des dispositions citées au point 22 que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision portant assignation à résidence de M. B..., d'une part, d'une interdiction de sortir sans autorisation du département de la Loire-Atlantique, et d'autre part, de l'obligation pour l'intéressé de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin et à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes. Par ailleurs, il n'est pas démontré que cette interdiction de sortir et cette obligation présenteraient pour l'intéressé un caractère disproportionné. Enfin, aucun principe, ni aucune disposition ne s'oppose à ce que le préfet, par application notamment des dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixe une plage horaire de présentation de l'intéressé aux services de police. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur d'appréciation qui entacheraient à cet égard la décision d'assignation à résidence en litige doivent être écartés.
25. Les mesures contraignantes prises par le préfet sur le fondement des dispositions précitées, à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, qui limitent l'exercice de sa liberté d'aller et venir, doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent, à savoir s'assurer du respect de l'interdiction faite à l'étranger de sortir du périmètre dans lequel il est assigné à résidence. L'obligation faite à M. B... de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin, à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de Nantes, " muni de ses effets personnels ", excède dans cette dernière mesure ce qui est nécessaire et adapté à la nature et à l'objet de cette présentation hebdomadaire, dont l'objectif est uniquement de s'assurer qu'il n'a pas quitté le périmètre dans lequel il est assigné. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, en lui imposant, par l'arrêté attaqué, de se munir de ses effets personnels lorsqu'il se présente une fois par semaine au services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes, a pris une mesure qui n'est ni nécessaire ni adaptée à l'objectif poursuivi par la mesure d'assignation à résidence, et à demander l'annulation de cette prescription, qui est divisible de la mesure d'assignation elle-même.
26. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence, en tant que cet arrêté lui fait obligation de se présenter " muni de ses effets personnels " au commissariat de police de Nantes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
27. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités belges et annule partiellement l'arrêté portant assignation à résidence en tant qu'il fixe certaines modalités de contrôle, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais du litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 7 janvier 2021 assignant M. B... à résidence est annulé en tant qu'il lui fait obligation de se munir de ses effets personnels pour se présenter hebdomadairement au commissariat de police de Nantes.
Article 2 : Le jugement n° 2100372 du 22 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Guinel-Johnson et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Guéguen, premier conseiller,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2021.
Le rapporteur,
J.-Y. GUEGUENLe président,
O. COUVERT-CASTÉRA
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT01145
N° 21NT01145
4ème chambre
M. le Pdt. COUVERT-CASTERA, président
M. Jean-Yves GUEGUEN, rapporteur
M. PONS, rapporteur public
GUINEL-JOHNSON, avocats
Lecture du vendredi 29 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2100372 du 22 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, M. B..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 janvier 2021 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 7 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et un formulaire de l'office français pour la protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient :
En ce qui concerne le jugement attaqué, que :
- le premier juge a commis une erreur de droit, en se fondant sur les dispositions de l'article 3 du règlement précité et non sur l'article 17 dudit règlement et alors qu'il n'a jamais invoqué le risque d'atteinte aux droits visés par l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 ;
En ce qui concerne l'arrêté de transfert, que :
- il n'a pas été signé par une autorité compétente, la signataire de la décision attaquée n'étant pas affectée au Pôle régional Dublin et l'arrêté de délégation de signature ne visant pas expressément l'arrêté de nomination de l'agent ayant reçu délégation ;
- il n'est pas suffisamment motivé, faute notamment d'indiquer le fondement de l'acceptation de la prise ou de la reprise en charge de sa demande d'asile ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; il aurait dû recevoir l'information nécessaire dès sa demande de protection internationale ; les brochures et le guide remis n'existent pas en langue soussou ; il n'est pas établi que l'entretien individuel ait été mené par une personne qualifiée et dans des conditions garantissant la confidentialité ; il n'est pas établi qu'il ait été informé de son droit de solliciter un examen de santé gratuit, ceci en méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; seul un résumé de l'entretien a été communiqué et cette communication au requérant et à son conseil a été tardive ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard de sa vulnérabilité et de son état de santé ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence, que :
- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité la décision portant assignation à résidence ;
- la décision d'assignation à résidence n'a pas été signée par une autorité compétente ;
- elle n'est pas suffisamment motivée, notamment en ce qui concerne la proportionnalité de la mesure prise ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et les obligations qui lui sont faites sont disproportionnées ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'obligation de présentation à heure fixe qui lui est faite et la nécessité de se présenter " avec ses effets personnels " ne sont pas prévues par le texte applicable ; le préfet, dans l'exercice de son pouvoir de police, a porté une atteinte à sa liberté individuelle qui excède ce qui est nécessaire par rapport aux buts poursuivis par la mesure d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, né le 10 octobre 1991, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2020, où il a sollicité le 17 novembre suivant la reconnaissance du statut de réfugié. Après consultation du fichier Eurodac à partir du relevé de ses empreintes digitales, il est apparu qu'il avait auparavant sollicité l'asile auprès de deux pays, en Italie le 24 novembre 2016 et en Belgique le 14 novembre 2017. Les autorités italiennes et belges ont été saisies le 19 novembre 2020 par le préfet de Maine-et-Loire d'une demande de reprise en charge, acceptée par les autorités belges par un accord explicite du 1er décembre 2020, cependant que les autorités italiennes opposaient un refus à cette demande sur le fondement de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013. Par arrêté du 7 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé le transfert de l'intéressé aux autorités belges et, par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 22 janvier 2021, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en analysant sa situation au regard des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 et non de celles de l'article 17 du même règlement qu'il invoquait. Si le premier juge, qui a écarté de manière motivée le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 a, de manière superfétatoire, relevé que les pièces du dossier n'établissaient pas l'existence en Belgique de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, alors que ce moyen, qui se rapporte à la violation de l'article 3.2 de ce règlement, n'était pas soulevé par le requérant, cette critique du jugement attaqué procède d'une contestation de son bien-fondé et est inopérante pour en contester la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de transfert :
3. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour (...) assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 4 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".
4. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".
5. L'arrêté du 7 janvier 2021 portant transfert aux autorités belges de M. B... a été signé, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme C..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'arrêté du 2 décembre 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 4 décembre suivant, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme C... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin constitué au sein des services de la préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose davantage que cet arrêté vise l'acte de nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés contestés doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
7. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
8. Les autorités françaises ont saisi les autorités belges d'une demande de transfert de M. B... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'arrêté contesté vise notamment ce règlement et mentionne d'une part que la consultation du fichier Eurodac a révélé que le requérant avait sollicité l'asile en premier lieu auprès des autorités italiennes le 24 novembre 2016 et en second lieu auprès des autorités belges le 14 novembre 2017 et, d'autre part, que ces dernières autorités ont donné un accord explicite en date du 1er décembre 2020 à sa reprise en charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 17 novembre 2020, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un interprète en langue soussou, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Par suite, et alors même que les informations en cause n'ont pas été délivrées dès la venue du requérant dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile et lors de sa prise de rendez-vous au guichet unique des demandeurs d'asile, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
13. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. B... qu'il a bénéficié le 17 novembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue soussou, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète agréé. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, avec le concours de cet interprète, et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, notamment au regard des mentions pré-remplies figurant dans ce document qu'il a signé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien aurait été conduit, d'une part, par une personne qui ne serait pas qualifiée, sachant que l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel et, d'autre part, sans que les règles de confidentialité imparties aient été respectées. Les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, citées au point précédent, imposent par ailleurs seulement la communication du résumé du compte rendu de l'entretien, sans mention d'éléments différents de ceux qui figurent sur le résumé présent au dossier. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil du requérant en temps utile. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier (...) Lors de l'entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. (...) ". Ces dispositions, propres à l'entretien conduit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert contesté. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.
15. En sixième lieu, il ressort de la motivation même de la décision attaquée que la situation de M. B... a fait l'objet d'un examen particulier par le préfet de Maine-et-Loire, notamment quant aux conséquences de son transfert en Belgique au regard de son état de santé et de sa situation personnelle et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doit être écarté.
16. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
17. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a, le 17 novembre 2020, déclaré avoir été soigné en Belgique pendant plusieurs mois pour des douleurs thoraciques. S'il justifie avoir obtenu un rendez-vous le 29 décembre 2020 en vue d'un dépistage au centre de lutte antituberculeuse du centre hospitalier universitaire de Nantes, il ne soutient ni même n'allègue que ce dépistage aurait été positif. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... présenterait une situation de vulnérabilité exceptionnelle, notamment au regard de son état de santé, justifiant l'examen par la France de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités belges, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 17 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 7 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
19. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 3 à 5, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision d'assignation attaquée doit être écarté.
20. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 3 à 18, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert aux autorités belges, doit être écarté.
21. En troisième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. B... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent, en particulier sur la fréquence hebdomadaire de l'obligation de présentation de l'intéressé aux services de la police aux frontières. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
22. En dernier lieu, d'une part, l'article L. 561-2, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". L'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
23. D'autre part, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même.
24. Il résulte des dispositions citées au point 22 que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision portant assignation à résidence de M. B..., d'une part, d'une interdiction de sortir sans autorisation du département de la Loire-Atlantique, et d'autre part, de l'obligation pour l'intéressé de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin et à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes. Par ailleurs, il n'est pas démontré que cette interdiction de sortir et cette obligation présenteraient pour l'intéressé un caractère disproportionné. Enfin, aucun principe, ni aucune disposition ne s'oppose à ce que le préfet, par application notamment des dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixe une plage horaire de présentation de l'intéressé aux services de police. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur d'appréciation qui entacheraient à cet égard la décision d'assignation à résidence en litige doivent être écartés.
25. Les mesures contraignantes prises par le préfet sur le fondement des dispositions précitées, à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, qui limitent l'exercice de sa liberté d'aller et venir, doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent, à savoir s'assurer du respect de l'interdiction faite à l'étranger de sortir du périmètre dans lequel il est assigné à résidence. L'obligation faite à M. B... de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin, à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de Nantes, " muni de ses effets personnels ", excède dans cette dernière mesure ce qui est nécessaire et adapté à la nature et à l'objet de cette présentation hebdomadaire, dont l'objectif est uniquement de s'assurer qu'il n'a pas quitté le périmètre dans lequel il est assigné. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, en lui imposant, par l'arrêté attaqué, de se munir de ses effets personnels lorsqu'il se présente une fois par semaine au services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes, a pris une mesure qui n'est ni nécessaire ni adaptée à l'objectif poursuivi par la mesure d'assignation à résidence, et à demander l'annulation de cette prescription, qui est divisible de la mesure d'assignation elle-même.
26. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence, en tant que cet arrêté lui fait obligation de se présenter " muni de ses effets personnels " au commissariat de police de Nantes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
27. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités belges et annule partiellement l'arrêté portant assignation à résidence en tant qu'il fixe certaines modalités de contrôle, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais du litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 7 janvier 2021 assignant M. B... à résidence est annulé en tant qu'il lui fait obligation de se munir de ses effets personnels pour se présenter hebdomadairement au commissariat de police de Nantes.
Article 2 : Le jugement n° 2100372 du 22 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Guinel-Johnson et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Guéguen, premier conseiller,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2021.
Le rapporteur,
J.-Y. GUEGUENLe président,
O. COUVERT-CASTÉRA
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT01145