CAA de NANTES
N° 20NT01262
6ème chambre
M. COIFFET, président
Mme Fanny MALINGUE, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
CABINET BENOIT, avocats
Lecture du vendredi 23 octobre 2020
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Savigny-en-Veron (Indre-et-Loire) rejetant sa demande de versement d'une somme de 103 620,40 euros, ainsi que la condamnation de la commune à lui verser cette même somme en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de travail survenu le 8 septembre 2015.
Par une ordonnance n° 1903531 du 11 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une tentative de médiation conformément aux dispositions du décret n° 2018-101 du 16 février 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, Mme A..., représentée par Me Le Borgne, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer le dossier de l'affaire au tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, en cas d'évocation, de condamner la commune à lui verser une somme de 103 620,40 euros en réparation du préjudice subi du fait des accidents de travail intervenus en 2014 et en 2015 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Savigny-En-Veron le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que les conditions fixées par le décret du 16 février 2018 n'étaient pas remplies et que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif ne pouvait pas faire usage des pouvoirs conférés par le 4° de l'article R.222-1 du code de justice administrative ;
- en déclarant sa demande irrecevable pour ce motif, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a commis une erreur de droit dans la mesure où sa demande d'indemnisation visant à la réparation d'un préjudice résultant d'un accident de service ne figure pas au nombre des litiges mentionnés à l'article 1er du décret du 16 février 2018 et qu'il n'y avait donc aucunement lieu pour elle de procéder à une médiation préalable ;
- elle est en droit obtenir l'indemnisation des souffrances physiques ou morales, des préjudices esthétiques ou d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence consécutives aux accidents de service qu'elle a subis même en l'absence de faute de son administration ;
- elle est en droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice grâce à une indemnisation complémentaire de celle procurée par la pension d'invalidité ;
- les accidents de travail qu'elle a subis ont pour origine un refus de son administration de mettre en oeuvre les préconisations du médecin de prévention en ce qui concerne les adaptations de son poste de travail ;
- à tout le moins, il y a lieu d'engager la responsabilité sans faute de la commune ;
- il y a lieu de l'indemniser des préjudices en résultant à hauteur de 10 000 euros au titre des souffrances physiques et morales, de 5 000 euros en ce qui concerne le préjudice d'agrément, de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et de 78 620,40 euros au titre des pertes de gains professionnels.
Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2020, la commune de Savigny-en-Véron, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
à titre principal, que :
- c'est à bon droit que le président de la première chambre du tribunal administratif a rejeté la demande comme irrecevable ;
- elle n'a commis aucune faute et le lien de causalité n'est pas établi ;
à titre subsidiaire, que :
- l'évaluation des souffrances physiques et morales endurées doit être rapportée à de plus justes proportions ;
- le préjudice d'agrément n'est pas établi ;
- les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985;
- le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 ;
- l'arrêté du 2 mars 2018 du ministre de la justice portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjoint technique territorial recruté par la commune de Savigny-en-Veron (Indre-et-Loire), a exercé, depuis le 1er janvier 2013, des fonctions auprès du service de restauration scolaire et a également été employée à l'entretien des bâtiments communaux. Elle a été victime en juin 2014 d'un accident de service ayant entrainé un arrêt de travail de 9 mois. Après avoir repris ses fonctions en septembre 2015, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail pour " tendinopathie de l'épaule gauche et impotence douloureuse ", sa situation évoluant ensuite défavorablement avec la survenue une tendinite à l'épaule droite. Par deux arrêtés du 19 février 2016, le maire de Savigny-en-Véron a reconnu le caractère professionnel de la pathologie de l'intéressée et la nature d'accident de service de l'arrêt de travail intervenu en septembre 2015. Par la suite, Mme A... a été, par un arrêté du 14 septembre 2018, admise à la retraite pour invalidité. Par lettre du 4 juin 2019 dont le maire a accusé réception le 7 juin 2016, Mme A... a fait valoir qu'elle était en droit d'obtenir la réparation intégrale du préjudice subi du fait des accidents mentionnés plus haut, tant en raison d'une faute commise par l'administration pour n'avoir pas suivi les prescriptions du médecin de prévention en ce qui concerne l'aménagement de son poste de travail que, en tout état, de la responsabilité sans faute encourue par la commune à cette occasion. La requérante sollicitait en conséquence à titre d'indemnité, le versement d'une somme de 103 620,40 euros correspondant à la réparation des préjudices subis du fait de la douleur physique, de la souffrance morale, du préjudice d'agrément, des troubles dans les conditions d'existence et des pertes de revenus professionnels. Cette demande a été implicitement rejetée le 8 août 2019, ce qui a conduit Mme A... à saisir le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de condamnation de la commune par une requête enregistrée le 7 octobre 2019. Cependant, par ordonnance en date du 11 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable faute de saisine préalable d'un médiateur et a transmis le dossier de la requête de l'intéressée au centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale d'Indre-et-Loire. Mme A... relève appel de cette ordonnance.
2. L'article 1er du décret du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux dispose que : " I - A titre expérimental, sont, à peine d'irrecevabilité, précédés d'une médiation les recours contentieux formés par les agents publics civils mentionnés au II à l'encontre des décisions administratives suivantes : (...) 7° Décisions administratives individuelles défavorables concernant l'aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d'exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les articles 1ers des décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés. / II.- Les agents publics civils concernés par l'expérimentation prévue au I sont : (...) 3° Les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux situés dans un nombre limité de circonscriptions départementales, choisies en raison de la diversité des situations qu'elles présentent et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des collectivités territoriales, et ayant conclu au plus tard le 31 décembre avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents. / III. - La médiation préalable obligatoire prévue au I est assurée : (...) 3° Pour les agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, par le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent, proposant la mission de médiation préalable obligatoire au titre de la mission de conseil juridique prévue au premier alinéa de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984. ". L'article 6 de ce même décret dispose que : " Lorsqu'un tribunal administratif est saisi dans le délai de recours contentieux d'une requête dirigée contre une décision entrant dans le champ des articles 1er et 2 et qui n'a pas été précédée d'un recours préalable à la médiation, son président ou le magistrat qu'il délègue rejette cette requête par ordonnance et transmet le dossier au médiateur compétent (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 2 mars 2018 visé ci-dessus a inclus le département d'Indre-et-Loire dans la liste des circonscriptions départementales faisant l'objet de la mesure d'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litige de la fonction publique territoriale.
3. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du I de l'article 1er du décret du 16 février 2018 que les recours contentieux formés par les agents publics concernés par l'expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire qui doivent être précédés, à peine d'irrecevabilité, d'une médiation, sont ceux qui sont formés à l'encontre des décisions énumérées par ces dispositions, c'est-à-dire les recours qui tendent à l'annulation ou à la réformation de ces décisions et non ceux qui tendent à la condamnation d'une collectivité publique au paiement d'indemnités en réparation de préjudices.
4. Il résulte de l'instruction que Mme A... a saisi, après qu'elle a été admise à la retraite pour invalidité, le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de condamnation de la commune de Savigny-en-Véron en raison tant de la faute qu'aurait commise cette dernière dans la survenue des accidents de service dont elle a été victime qu'en raison, en tout état de cause, de la responsabilité sans faute encourue par cette commune du fait de ces accidents. Plus précisément, s'agissant du premier motif de mise en jeu de la responsabilité de la commune de Savigny-en-Véron, la requérante soutient que cette commune a commis une faute en raison de son refus de mettre en oeuvre les préconisations du médecin de prévention s'agissant de l'aménagement du poste de travail qu'elle occupait avant sa mise à la retraite.
5. Mme A... n'a ainsi aucunement contesté une décision de la commune de Savigny-en-Véron refusant l'aménagement de son poste de travail mais clairement recherché, après qu'elle a quitté son service en raison de son départ en retraite, la responsabilité de cette commune pour n'avoir pas suivi les recommandations du médecin de prévention. Dès lors, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le litige dont a été saisi le tribunal administratif d'Orléans, qui est un litige de nature indemnitaire, ne figurait pas au nombre des recours contentieux formés contre une décision défavorable concernant l'aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d'exercer leurs fonctions.
6. Au surplus, Mme A... avait également demandé que soit mise en jeu la responsabilité sans faute de l'administration sans faire alors référence à une décision individuelle défavorable de l'administration concernant l'aménagement de ses conditions de travail.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Par suite, il y a lieu d'annuler comme irrégulière l'ordonnance du 11 février 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans.
8. Comme le demande à titre principal Mme A..., il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il soit effectivement statué sur sa demande.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Savigny en Veron le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans en date du 11 février 2020 est annulée.
Article 2 : Mme A... est renvoyée devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Il est mis à la charge de la commune de Savigny-en-Véron le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Savigny-en-Veron.
Copie en sera adressée au médiateur du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. B...
Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT0126
N° 20NT01262
6ème chambre
M. COIFFET, président
Mme Fanny MALINGUE, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
CABINET BENOIT, avocats
Lecture du vendredi 23 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Savigny-en-Veron (Indre-et-Loire) rejetant sa demande de versement d'une somme de 103 620,40 euros, ainsi que la condamnation de la commune à lui verser cette même somme en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de travail survenu le 8 septembre 2015.
Par une ordonnance n° 1903531 du 11 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une tentative de médiation conformément aux dispositions du décret n° 2018-101 du 16 février 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, Mme A..., représentée par Me Le Borgne, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer le dossier de l'affaire au tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, en cas d'évocation, de condamner la commune à lui verser une somme de 103 620,40 euros en réparation du préjudice subi du fait des accidents de travail intervenus en 2014 et en 2015 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Savigny-En-Veron le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que les conditions fixées par le décret du 16 février 2018 n'étaient pas remplies et que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif ne pouvait pas faire usage des pouvoirs conférés par le 4° de l'article R.222-1 du code de justice administrative ;
- en déclarant sa demande irrecevable pour ce motif, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a commis une erreur de droit dans la mesure où sa demande d'indemnisation visant à la réparation d'un préjudice résultant d'un accident de service ne figure pas au nombre des litiges mentionnés à l'article 1er du décret du 16 février 2018 et qu'il n'y avait donc aucunement lieu pour elle de procéder à une médiation préalable ;
- elle est en droit obtenir l'indemnisation des souffrances physiques ou morales, des préjudices esthétiques ou d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence consécutives aux accidents de service qu'elle a subis même en l'absence de faute de son administration ;
- elle est en droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice grâce à une indemnisation complémentaire de celle procurée par la pension d'invalidité ;
- les accidents de travail qu'elle a subis ont pour origine un refus de son administration de mettre en oeuvre les préconisations du médecin de prévention en ce qui concerne les adaptations de son poste de travail ;
- à tout le moins, il y a lieu d'engager la responsabilité sans faute de la commune ;
- il y a lieu de l'indemniser des préjudices en résultant à hauteur de 10 000 euros au titre des souffrances physiques et morales, de 5 000 euros en ce qui concerne le préjudice d'agrément, de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et de 78 620,40 euros au titre des pertes de gains professionnels.
Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2020, la commune de Savigny-en-Véron, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
à titre principal, que :
- c'est à bon droit que le président de la première chambre du tribunal administratif a rejeté la demande comme irrecevable ;
- elle n'a commis aucune faute et le lien de causalité n'est pas établi ;
à titre subsidiaire, que :
- l'évaluation des souffrances physiques et morales endurées doit être rapportée à de plus justes proportions ;
- le préjudice d'agrément n'est pas établi ;
- les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985;
- le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 ;
- l'arrêté du 2 mars 2018 du ministre de la justice portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjoint technique territorial recruté par la commune de Savigny-en-Veron (Indre-et-Loire), a exercé, depuis le 1er janvier 2013, des fonctions auprès du service de restauration scolaire et a également été employée à l'entretien des bâtiments communaux. Elle a été victime en juin 2014 d'un accident de service ayant entrainé un arrêt de travail de 9 mois. Après avoir repris ses fonctions en septembre 2015, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail pour " tendinopathie de l'épaule gauche et impotence douloureuse ", sa situation évoluant ensuite défavorablement avec la survenue une tendinite à l'épaule droite. Par deux arrêtés du 19 février 2016, le maire de Savigny-en-Véron a reconnu le caractère professionnel de la pathologie de l'intéressée et la nature d'accident de service de l'arrêt de travail intervenu en septembre 2015. Par la suite, Mme A... a été, par un arrêté du 14 septembre 2018, admise à la retraite pour invalidité. Par lettre du 4 juin 2019 dont le maire a accusé réception le 7 juin 2016, Mme A... a fait valoir qu'elle était en droit d'obtenir la réparation intégrale du préjudice subi du fait des accidents mentionnés plus haut, tant en raison d'une faute commise par l'administration pour n'avoir pas suivi les prescriptions du médecin de prévention en ce qui concerne l'aménagement de son poste de travail que, en tout état, de la responsabilité sans faute encourue par la commune à cette occasion. La requérante sollicitait en conséquence à titre d'indemnité, le versement d'une somme de 103 620,40 euros correspondant à la réparation des préjudices subis du fait de la douleur physique, de la souffrance morale, du préjudice d'agrément, des troubles dans les conditions d'existence et des pertes de revenus professionnels. Cette demande a été implicitement rejetée le 8 août 2019, ce qui a conduit Mme A... à saisir le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de condamnation de la commune par une requête enregistrée le 7 octobre 2019. Cependant, par ordonnance en date du 11 février 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable faute de saisine préalable d'un médiateur et a transmis le dossier de la requête de l'intéressée au centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale d'Indre-et-Loire. Mme A... relève appel de cette ordonnance.
2. L'article 1er du décret du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux dispose que : " I - A titre expérimental, sont, à peine d'irrecevabilité, précédés d'une médiation les recours contentieux formés par les agents publics civils mentionnés au II à l'encontre des décisions administratives suivantes : (...) 7° Décisions administratives individuelles défavorables concernant l'aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d'exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les articles 1ers des décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés. / II.- Les agents publics civils concernés par l'expérimentation prévue au I sont : (...) 3° Les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux situés dans un nombre limité de circonscriptions départementales, choisies en raison de la diversité des situations qu'elles présentent et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des collectivités territoriales, et ayant conclu au plus tard le 31 décembre avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents. / III. - La médiation préalable obligatoire prévue au I est assurée : (...) 3° Pour les agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, par le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent, proposant la mission de médiation préalable obligatoire au titre de la mission de conseil juridique prévue au premier alinéa de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984. ". L'article 6 de ce même décret dispose que : " Lorsqu'un tribunal administratif est saisi dans le délai de recours contentieux d'une requête dirigée contre une décision entrant dans le champ des articles 1er et 2 et qui n'a pas été précédée d'un recours préalable à la médiation, son président ou le magistrat qu'il délègue rejette cette requête par ordonnance et transmet le dossier au médiateur compétent (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 2 mars 2018 visé ci-dessus a inclus le département d'Indre-et-Loire dans la liste des circonscriptions départementales faisant l'objet de la mesure d'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litige de la fonction publique territoriale.
3. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du I de l'article 1er du décret du 16 février 2018 que les recours contentieux formés par les agents publics concernés par l'expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire qui doivent être précédés, à peine d'irrecevabilité, d'une médiation, sont ceux qui sont formés à l'encontre des décisions énumérées par ces dispositions, c'est-à-dire les recours qui tendent à l'annulation ou à la réformation de ces décisions et non ceux qui tendent à la condamnation d'une collectivité publique au paiement d'indemnités en réparation de préjudices.
4. Il résulte de l'instruction que Mme A... a saisi, après qu'elle a été admise à la retraite pour invalidité, le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de condamnation de la commune de Savigny-en-Véron en raison tant de la faute qu'aurait commise cette dernière dans la survenue des accidents de service dont elle a été victime qu'en raison, en tout état de cause, de la responsabilité sans faute encourue par cette commune du fait de ces accidents. Plus précisément, s'agissant du premier motif de mise en jeu de la responsabilité de la commune de Savigny-en-Véron, la requérante soutient que cette commune a commis une faute en raison de son refus de mettre en oeuvre les préconisations du médecin de prévention s'agissant de l'aménagement du poste de travail qu'elle occupait avant sa mise à la retraite.
5. Mme A... n'a ainsi aucunement contesté une décision de la commune de Savigny-en-Véron refusant l'aménagement de son poste de travail mais clairement recherché, après qu'elle a quitté son service en raison de son départ en retraite, la responsabilité de cette commune pour n'avoir pas suivi les recommandations du médecin de prévention. Dès lors, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le litige dont a été saisi le tribunal administratif d'Orléans, qui est un litige de nature indemnitaire, ne figurait pas au nombre des recours contentieux formés contre une décision défavorable concernant l'aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d'exercer leurs fonctions.
6. Au surplus, Mme A... avait également demandé que soit mise en jeu la responsabilité sans faute de l'administration sans faire alors référence à une décision individuelle défavorable de l'administration concernant l'aménagement de ses conditions de travail.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Par suite, il y a lieu d'annuler comme irrégulière l'ordonnance du 11 février 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans.
8. Comme le demande à titre principal Mme A..., il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il soit effectivement statué sur sa demande.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Savigny en Veron le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans en date du 11 février 2020 est annulée.
Article 2 : Mme A... est renvoyée devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Il est mis à la charge de la commune de Savigny-en-Véron le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Savigny-en-Veron.
Copie en sera adressée au médiateur du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. B...
Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT0126