CAA de NANTES
N° 18NT03367
6ème chambre
M. LENOIR, président
M. Olivier COIFFET, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
CABINET PAUL-ALBERT VAILLANT, avocats
Lecture du vendredi 17 juillet 2020
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Greenbank Services Limited a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 8 novembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne lui a infligé plusieurs amendes d'un montant total de 35 500 euros en application de l'article L. 1264-3 du code du travail, et, d'autre part, à titre subsidiaire, de ramener le montant des amendes infligées au montant total de 10 000 euros, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1701333 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a ramené à la somme de 35 000 euros le montant total des amendes infligées à la société Greenbank Services Limited, réformé en conséquence la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne et rejeté le surplus de la demande de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018 et un mémoire enregistré le 9 février 2020, la société Greenbank Services Limited, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il retient une amende qui excède globalement le plafond de 10 000 euros au titre de la prestation de CGL pour GHL réalisée pour la saison touristique 2015 en France ;
3°) à titre très subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il retient une amende qui excède le montant de 11 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les détachements des salariés à l'origine des décisions de sanction litigieuses ont débuté antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n°2015-364 du 30 mars 2015, lequel comporte des dispositions pénales qui ne pouvaient, en conséquence, trouver à s'appliquer ; le dispositif issu de l'article L. 1264-3 du code du travail issu de la loi du 10 juillet 2014, qui n'était pas encore entré en vigueur, ne trouvait pas à s'appliquer pour les manquements constatés en février 2015 ; c'est le décret du 30 mars 2015 qui prévoit en effet les conditions dans lesquelles il peut être prononcé une sanction administrative ; il ne pouvait être fait une application anticipée de la loi ; les sanctions administratives qui relèvent du code du travail et sont assimilées aux peines prononcées par les juridictions répressives présentent un caractère pénal ;
- les sanctions prononcées pour des salariés détachés antérieurement à l'entrée en vigueur du décret doivent ainsi être considérées comme dépourvues de base légale ; soit pour les cinq salariés concernés, la somme de 7 500 euros ; s'agissant ensuite des sanctions concernant deux salariés prononcées dans le mois suivant l'entrée en vigueur du décret dès lors que le Conseil d'Etat a prévu que ce décret devait prévoir des mesures transitoires, les obligations pesant sur les opérateurs économiques devant être différées d'un mois pour les opérateurs nationaux - voire de deux mois en sus de ce délai s'agissant d'un opérateur agissant à l'étranger ; pour huit salariés qui ont été détachés dans le délai de deux mois suivant l'application aux opérateurs nationaux du décret du 30 mars 2015, les sanctions ne peuvent s'appliquer ;
- le plafond de 10 000 euros résultant de la loi du 10 juillet 2014 devait être appliqué car il devait s'apprécier par " opération de détachement ", c'est-à-dire à chaque déclaration matérielle de détachement ; or ce plafond doit être apprécié au niveau de " la prestation " d'un opérateur étranger sur le territoire français, seule notion auquel se réfère l'article L. 262-2-1 du code du travail alors applicable ; en outre, dans une affaire jugé le même jour n° 1652-16-5, le tribunal a appliqué une méthode différente.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 5 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête et présente des conclusions d'appel incident en tant que le tribunal a réduit de 35 500 euros à 35 000 euros le montant total de l'amende infligée.
Elle soutient que l'administration est fondée à appliquer un plafond de 10 000 euros par amendes litigieuses.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 ;
- le décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Greenbank Services Limited et de Mme A... représentant la ministre du travail.
Considérant ce qui suit
1. La société Greenbank Services Limited assure des prestations d'accueil dans des campings français et, dans le cadre de cette activité, détache temporairement des salariés pendant la période estivale pour l'accueil des touristes, l'entretien des mobiles homes, la garde et l'animation des enfants des vacanciers. Le 11 août 2015, les services de l'inspection du travail d'Ille-et-Vilaine ont réalisé un contrôle sur le camping du domaine des Ormes situé sur la commune d'Epiniac (Ille-et-Vilaine). Par une décision du 8 novembre 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a décidé de prononcer, en raison de la violation, par la société requérante, des dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail, d'une part, une amende d'un montant de 1 500 euros en raison de l'absence de toute déclaration d'un travailleur détaché, et, d'autre part, dix amendes d'un montant unitaire de 1 500 euros au titre de dix déclarations tardives de détachement, déclarations tardives concernant au total vingt-trois salariés détachés. Cette décision indiquait toutefois que, compte tenu du nombre total de salariés concernés, soit vingt-quatre, le montant total des vingt-quatre amendes prononcées s'élevait à " 35 500 euros ".
2. La société Greenbank Services Limited a, le 18 mars 2017, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 29 juin 2018, les premiers juges ont ramené à la somme de 35 000 euros le montant total des amendes infligées à la société Greenbank Services Limited, réformé en conséquence la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne et rejeté le surplus de la demande de la société. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance du régime d'emploi de travailleurs détachés en France, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.
4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1262-1 du code du travail : " Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement est réalisé : 1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ; 2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ; 3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire ".
5. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 1262-2-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur résultant de la loi du 10 juillet 2014 : " I. - L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II. - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation. ". L'article L. 1264-1 du même code dispose que : " La méconnaissance par l'employeur qui détache un ou plusieurs salariés d'une des obligations mentionnées à l'article L. 1262-2-1 est passible d'une amende administrative, dans les conditions prévues à l'article L. 1264-3 ".
6. Aux termes, enfin, de l'article L. 1264-3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur à la date de la commission des manquements : " L'amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l'autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5. Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 euros par salarié détaché et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 10 000 euros. Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. Le délai de prescription de l'action de l'administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis. L'amende est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 1262-5 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat détermine : 1° Les conditions et modalités d'application des dispositions relevant des matières énumérées à l'article L. 1262-4 ; / 2° Les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers ; / 3° Les dispenses de formalités dont ils bénéficient ; / 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 ; / 5° Les modalités selon lesquelles sont satisfaites les obligations prévues à l'article L. 1262-4-1 ; / 6° Les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 1264-3 ; / 7° Les conditions d'application de l'article L. 1263-7, notamment la nature des documents devant être traduits en langue française et leurs modalités de conservation sur le territoire national. ".
7. En premier lieu, la société Greenbank Services Limited, qui ne conteste pas avoir manqué aux obligations déclaratives prévues par l'article L. 1262-2-1 du code du travail, soutient cependant que le dispositif répressif issu de la loi du 10 juillet 2014 décrit au point 6 ne pouvait trouver à s'appliquer pour des manquements - concernant cinq salariés - qui ont été constatés en février 2015 dès lors que c'est le décret postérieur du 30 mars 2015, entré selon elle en vigueur le 1er juillet 2015, qui a prévu les conditions dans lesquelles il peut être prononcé une sanction administrative. Elle avance ensuite que, pour huit salariés qui ont été détachés, dans le délai de deux mois suivant l'application aux opérateurs nationaux du décret du 30 mars 2015, les sanctions ne peuvent s'appliquer.
8. Toutefois, il ressort des mentions de la décision contestée du 8 novembre 2016 que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne s'est fondé, pour prononcer les amendes administratives litigieuses, sur les articles L. 1262-2-1, L. 1264-1 à 3 et R. 8115-1 à 5 du code du travail. En l'occurrence, cependant, ces articles, qui sont issus de la loi du 10 juillet 2014 entrée en vigueur le 12 juillet suivant, ont énoncé sans ambiguïté que le manquement des employeurs et donneurs d'ordre à l'obligation déclarative préalable de salariés détachés était sanctionné, après constatation de ce manquement, d'une amende administrative dont les montants maximum ont été précisément fixés par l'article L. 1264-3 du code du travail. Il est constant que les manquements reprochés à la société requérante ont été constatés postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi du 10 juillet 2014. Si les articles R. 8115-1 à 5 du code du travail, visés par la décision contestée, issus du décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, ont précisé les modalités de la procédure, notamment contradictoire, conduisant au prononcé des sanctions administratives, ils n'ont, en revanche, porté ni sur le principe ni sur le montant de l'amende administrative prévue par la loi. Dans ces conditions, la circonstance, que le décret du 30 mars 2015 soit intervenu postérieurement à la constatation d'un manquement concernant cinq salariés détachés est sans incidence sur la légalité des amendes prononcées à la suite de ce manquement.
9. D'autre part, et pour les mêmes motifs, la société Greenbank Services Limited ne saurait utilement invoquer la circonstance que le décret du 30 mars 2015 a été ultérieurement annulé en tant qu'il n'a pas différé d'un mois son entrée en vigueur dans la mesure où, si cette annulation a été prononcée aux motifs que ce décret rendait applicables des obligations nouvelles pour les employeurs, ces obligations sont, comme mentionné au point 8, étrangères au principe et au montant de l'amende administrative expressément prévue par la loi. Enfin, et en tout état de cause, si, en matière d'édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre s'appliquent immédiatement, alors même qu'ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir que seuls les manquements pour des détachements effectués à compter du 1er juillet 2015 étaient susceptibles d'être sanctionnés par l'amende administrative prévue par l'article L. 1264-3 du code du travail.
10. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a pu, par la décision contestée du 8 novembre 2016, légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 1262-2-1 du code du travail pour infliger à la société requérante les amendes contestées. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale des amendes en question ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, la société Greenbank Services Limited soutient que l'administration a commis une erreur de droit au regard du plafond de 10 000 euros institué par l'article L. 1264-3 du code du travail, ce plafond devant s'appliquer en cas d'irrégularité constatée lors de l'exécution d'une même prestation de service, et ce quel que soit le nombre de salariés concernés.
12. Il ressort des motifs et du dispositif de la décision contestée du 8 novembre 2016 que, pour infliger une amende d'un montant total de 35 500 euros à la société Greenbank Services Limited, l'administration a d'abord rappelé qu'un salarié détaché n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable et que dix déclarations de détachement - concernant vingt-trois salariés - lui étaient parvenues postérieurement au détachement des salariés concernés. Elle a ensuite estimé que chaque déclaration tardive, qu'elle concerne un ou plusieurs salariés, constituait un manquement aux dispositions de l'article L.1262-2-1 du code du travail, passible d'une sanction administrative d'un montant d'au plus 2 000 euros. Enfin, après avoir énoncé au 1er paragraphe de son dispositif qu'une amende de 1 500 euros et dix amendes de 1 500 euros étaient prononcées, elle a retenu au 2ème paragraphe de ce dispositif que " l'amende prononcée devait être multipliée par le nombre de salariés concernés, à savoir vingt-quatre amendes d'un montant de 1 500 euros représentant un montant total de 35 500 euros ".
13. L'administration a, cependant, en fixant ainsi le montant total des amendes dues par la requérante, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail, lesquelles impliquaient de déterminer, tout d'abord, en fonction des critères énoncés par cet article, le montant de l'amende applicable à chaque infraction, dans la limite, s'agissant de la première amende prononcée dans un délai d'un an, de 2 000 euros par salarié détaché, ensuite, de multiplier ce montant par le nombre de salariés détachés concernés par ces infractions et, enfin, de ramener, le cas échéant, ce montant total au plafond de 10 000 euros fixé par cet article, plafond applicable aux amendes infligées à une société réalisant, comme en l'espèce, une même opération de détachement de salariés pour l'exécution d'une même prestation de service, indépendamment du nombre des salariés concernés.
14. La société Greenbank Services Limited est, par conséquent, fondée à soutenir que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a, en lui infligeant, par la décision contestée du 8 novembre 2016, une amende d'un montant total supérieur à 10 000 euros, méconnu les dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, dès lors, d'une part que la sanction prononcée le 8 novembre 2016, n'est pas illégale dans son principe, et, d'autre part, que la société requérante ne se prévaut d'aucune circonstance particulière justifiant une réduction de l'amende à un montant inférieur, de ramener le montant total des amendes prononcées à son encontre à une somme de 10 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Greenbank Services Limited est seulement fondée à demander que le montant total de l'amende qui lui a été infligée par la décision du 8 novembre 2016 soit réduit de 35 500 euros à 10 000 euros et à ce que le jugement du tribunal administratif de Rennes soit réformé dans cette mesure.
16. Enfin, et compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la ministre.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le montant total de l'amende infligée à la société Green Bank Services Limited par la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne est ramené à 10 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : l'Etat versera à la société Green Bank Services Limited la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions d'appel incident présentées par la ministre sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Green Bank Services Limited et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
O. COIFFETLe président
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT03367
N° 18NT03367
6ème chambre
M. LENOIR, président
M. Olivier COIFFET, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
CABINET PAUL-ALBERT VAILLANT, avocats
Lecture du vendredi 17 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Greenbank Services Limited a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 8 novembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne lui a infligé plusieurs amendes d'un montant total de 35 500 euros en application de l'article L. 1264-3 du code du travail, et, d'autre part, à titre subsidiaire, de ramener le montant des amendes infligées au montant total de 10 000 euros, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1701333 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a ramené à la somme de 35 000 euros le montant total des amendes infligées à la société Greenbank Services Limited, réformé en conséquence la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne et rejeté le surplus de la demande de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018 et un mémoire enregistré le 9 février 2020, la société Greenbank Services Limited, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il retient une amende qui excède globalement le plafond de 10 000 euros au titre de la prestation de CGL pour GHL réalisée pour la saison touristique 2015 en France ;
3°) à titre très subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2018 en tant qu'il retient une amende qui excède le montant de 11 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les détachements des salariés à l'origine des décisions de sanction litigieuses ont débuté antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n°2015-364 du 30 mars 2015, lequel comporte des dispositions pénales qui ne pouvaient, en conséquence, trouver à s'appliquer ; le dispositif issu de l'article L. 1264-3 du code du travail issu de la loi du 10 juillet 2014, qui n'était pas encore entré en vigueur, ne trouvait pas à s'appliquer pour les manquements constatés en février 2015 ; c'est le décret du 30 mars 2015 qui prévoit en effet les conditions dans lesquelles il peut être prononcé une sanction administrative ; il ne pouvait être fait une application anticipée de la loi ; les sanctions administratives qui relèvent du code du travail et sont assimilées aux peines prononcées par les juridictions répressives présentent un caractère pénal ;
- les sanctions prononcées pour des salariés détachés antérieurement à l'entrée en vigueur du décret doivent ainsi être considérées comme dépourvues de base légale ; soit pour les cinq salariés concernés, la somme de 7 500 euros ; s'agissant ensuite des sanctions concernant deux salariés prononcées dans le mois suivant l'entrée en vigueur du décret dès lors que le Conseil d'Etat a prévu que ce décret devait prévoir des mesures transitoires, les obligations pesant sur les opérateurs économiques devant être différées d'un mois pour les opérateurs nationaux - voire de deux mois en sus de ce délai s'agissant d'un opérateur agissant à l'étranger ; pour huit salariés qui ont été détachés dans le délai de deux mois suivant l'application aux opérateurs nationaux du décret du 30 mars 2015, les sanctions ne peuvent s'appliquer ;
- le plafond de 10 000 euros résultant de la loi du 10 juillet 2014 devait être appliqué car il devait s'apprécier par " opération de détachement ", c'est-à-dire à chaque déclaration matérielle de détachement ; or ce plafond doit être apprécié au niveau de " la prestation " d'un opérateur étranger sur le territoire français, seule notion auquel se réfère l'article L. 262-2-1 du code du travail alors applicable ; en outre, dans une affaire jugé le même jour n° 1652-16-5, le tribunal a appliqué une méthode différente.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 5 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête et présente des conclusions d'appel incident en tant que le tribunal a réduit de 35 500 euros à 35 000 euros le montant total de l'amende infligée.
Elle soutient que l'administration est fondée à appliquer un plafond de 10 000 euros par amendes litigieuses.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 ;
- le décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Greenbank Services Limited et de Mme A... représentant la ministre du travail.
Considérant ce qui suit
1. La société Greenbank Services Limited assure des prestations d'accueil dans des campings français et, dans le cadre de cette activité, détache temporairement des salariés pendant la période estivale pour l'accueil des touristes, l'entretien des mobiles homes, la garde et l'animation des enfants des vacanciers. Le 11 août 2015, les services de l'inspection du travail d'Ille-et-Vilaine ont réalisé un contrôle sur le camping du domaine des Ormes situé sur la commune d'Epiniac (Ille-et-Vilaine). Par une décision du 8 novembre 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a décidé de prononcer, en raison de la violation, par la société requérante, des dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail, d'une part, une amende d'un montant de 1 500 euros en raison de l'absence de toute déclaration d'un travailleur détaché, et, d'autre part, dix amendes d'un montant unitaire de 1 500 euros au titre de dix déclarations tardives de détachement, déclarations tardives concernant au total vingt-trois salariés détachés. Cette décision indiquait toutefois que, compte tenu du nombre total de salariés concernés, soit vingt-quatre, le montant total des vingt-quatre amendes prononcées s'élevait à " 35 500 euros ".
2. La société Greenbank Services Limited a, le 18 mars 2017, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 29 juin 2018, les premiers juges ont ramené à la somme de 35 000 euros le montant total des amendes infligées à la société Greenbank Services Limited, réformé en conséquence la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne et rejeté le surplus de la demande de la société. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance du régime d'emploi de travailleurs détachés en France, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.
4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1262-1 du code du travail : " Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement est réalisé : 1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ; 2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ; 3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire ".
5. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 1262-2-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur résultant de la loi du 10 juillet 2014 : " I. - L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II. - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation. ". L'article L. 1264-1 du même code dispose que : " La méconnaissance par l'employeur qui détache un ou plusieurs salariés d'une des obligations mentionnées à l'article L. 1262-2-1 est passible d'une amende administrative, dans les conditions prévues à l'article L. 1264-3 ".
6. Aux termes, enfin, de l'article L. 1264-3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur à la date de la commission des manquements : " L'amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l'autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5. Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 euros par salarié détaché et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 10 000 euros. Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. Le délai de prescription de l'action de l'administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis. L'amende est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 1262-5 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat détermine : 1° Les conditions et modalités d'application des dispositions relevant des matières énumérées à l'article L. 1262-4 ; / 2° Les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers ; / 3° Les dispenses de formalités dont ils bénéficient ; / 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 ; / 5° Les modalités selon lesquelles sont satisfaites les obligations prévues à l'article L. 1262-4-1 ; / 6° Les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 1264-3 ; / 7° Les conditions d'application de l'article L. 1263-7, notamment la nature des documents devant être traduits en langue française et leurs modalités de conservation sur le territoire national. ".
7. En premier lieu, la société Greenbank Services Limited, qui ne conteste pas avoir manqué aux obligations déclaratives prévues par l'article L. 1262-2-1 du code du travail, soutient cependant que le dispositif répressif issu de la loi du 10 juillet 2014 décrit au point 6 ne pouvait trouver à s'appliquer pour des manquements - concernant cinq salariés - qui ont été constatés en février 2015 dès lors que c'est le décret postérieur du 30 mars 2015, entré selon elle en vigueur le 1er juillet 2015, qui a prévu les conditions dans lesquelles il peut être prononcé une sanction administrative. Elle avance ensuite que, pour huit salariés qui ont été détachés, dans le délai de deux mois suivant l'application aux opérateurs nationaux du décret du 30 mars 2015, les sanctions ne peuvent s'appliquer.
8. Toutefois, il ressort des mentions de la décision contestée du 8 novembre 2016 que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne s'est fondé, pour prononcer les amendes administratives litigieuses, sur les articles L. 1262-2-1, L. 1264-1 à 3 et R. 8115-1 à 5 du code du travail. En l'occurrence, cependant, ces articles, qui sont issus de la loi du 10 juillet 2014 entrée en vigueur le 12 juillet suivant, ont énoncé sans ambiguïté que le manquement des employeurs et donneurs d'ordre à l'obligation déclarative préalable de salariés détachés était sanctionné, après constatation de ce manquement, d'une amende administrative dont les montants maximum ont été précisément fixés par l'article L. 1264-3 du code du travail. Il est constant que les manquements reprochés à la société requérante ont été constatés postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi du 10 juillet 2014. Si les articles R. 8115-1 à 5 du code du travail, visés par la décision contestée, issus du décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, ont précisé les modalités de la procédure, notamment contradictoire, conduisant au prononcé des sanctions administratives, ils n'ont, en revanche, porté ni sur le principe ni sur le montant de l'amende administrative prévue par la loi. Dans ces conditions, la circonstance, que le décret du 30 mars 2015 soit intervenu postérieurement à la constatation d'un manquement concernant cinq salariés détachés est sans incidence sur la légalité des amendes prononcées à la suite de ce manquement.
9. D'autre part, et pour les mêmes motifs, la société Greenbank Services Limited ne saurait utilement invoquer la circonstance que le décret du 30 mars 2015 a été ultérieurement annulé en tant qu'il n'a pas différé d'un mois son entrée en vigueur dans la mesure où, si cette annulation a été prononcée aux motifs que ce décret rendait applicables des obligations nouvelles pour les employeurs, ces obligations sont, comme mentionné au point 8, étrangères au principe et au montant de l'amende administrative expressément prévue par la loi. Enfin, et en tout état de cause, si, en matière d'édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre s'appliquent immédiatement, alors même qu'ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir que seuls les manquements pour des détachements effectués à compter du 1er juillet 2015 étaient susceptibles d'être sanctionnés par l'amende administrative prévue par l'article L. 1264-3 du code du travail.
10. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a pu, par la décision contestée du 8 novembre 2016, légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 1262-2-1 du code du travail pour infliger à la société requérante les amendes contestées. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale des amendes en question ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, la société Greenbank Services Limited soutient que l'administration a commis une erreur de droit au regard du plafond de 10 000 euros institué par l'article L. 1264-3 du code du travail, ce plafond devant s'appliquer en cas d'irrégularité constatée lors de l'exécution d'une même prestation de service, et ce quel que soit le nombre de salariés concernés.
12. Il ressort des motifs et du dispositif de la décision contestée du 8 novembre 2016 que, pour infliger une amende d'un montant total de 35 500 euros à la société Greenbank Services Limited, l'administration a d'abord rappelé qu'un salarié détaché n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable et que dix déclarations de détachement - concernant vingt-trois salariés - lui étaient parvenues postérieurement au détachement des salariés concernés. Elle a ensuite estimé que chaque déclaration tardive, qu'elle concerne un ou plusieurs salariés, constituait un manquement aux dispositions de l'article L.1262-2-1 du code du travail, passible d'une sanction administrative d'un montant d'au plus 2 000 euros. Enfin, après avoir énoncé au 1er paragraphe de son dispositif qu'une amende de 1 500 euros et dix amendes de 1 500 euros étaient prononcées, elle a retenu au 2ème paragraphe de ce dispositif que " l'amende prononcée devait être multipliée par le nombre de salariés concernés, à savoir vingt-quatre amendes d'un montant de 1 500 euros représentant un montant total de 35 500 euros ".
13. L'administration a, cependant, en fixant ainsi le montant total des amendes dues par la requérante, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail, lesquelles impliquaient de déterminer, tout d'abord, en fonction des critères énoncés par cet article, le montant de l'amende applicable à chaque infraction, dans la limite, s'agissant de la première amende prononcée dans un délai d'un an, de 2 000 euros par salarié détaché, ensuite, de multiplier ce montant par le nombre de salariés détachés concernés par ces infractions et, enfin, de ramener, le cas échéant, ce montant total au plafond de 10 000 euros fixé par cet article, plafond applicable aux amendes infligées à une société réalisant, comme en l'espèce, une même opération de détachement de salariés pour l'exécution d'une même prestation de service, indépendamment du nombre des salariés concernés.
14. La société Greenbank Services Limited est, par conséquent, fondée à soutenir que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a, en lui infligeant, par la décision contestée du 8 novembre 2016, une amende d'un montant total supérieur à 10 000 euros, méconnu les dispositions de l'article L. 1264-3 du code du travail. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, dès lors, d'une part que la sanction prononcée le 8 novembre 2016, n'est pas illégale dans son principe, et, d'autre part, que la société requérante ne se prévaut d'aucune circonstance particulière justifiant une réduction de l'amende à un montant inférieur, de ramener le montant total des amendes prononcées à son encontre à une somme de 10 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Greenbank Services Limited est seulement fondée à demander que le montant total de l'amende qui lui a été infligée par la décision du 8 novembre 2016 soit réduit de 35 500 euros à 10 000 euros et à ce que le jugement du tribunal administratif de Rennes soit réformé dans cette mesure.
16. Enfin, et compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la ministre.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le montant total de l'amende infligée à la société Green Bank Services Limited par la décision du 8 novembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne est ramené à 10 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : l'Etat versera à la société Green Bank Services Limited la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions d'appel incident présentées par la ministre sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Green Bank Services Limited et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
O. COIFFETLe président
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT03367