CAA de NANTES
N° 18NT03291
1ère chambre
M. BATAILLE, président
M. Jean-Eric GEFFRAY, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
LEXCAP ANGERS, avocats
Lecture du jeudi 2 juillet 2020
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Groupe ESA a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires dus, sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à compter du versement des sommes de 841 362 euros, 403 567 euros et 329 308 euros dont elle a bénéficié au titre du crédit d'impôt recherche des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1509129 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'association Groupe ESA les intérêts moratoires dus sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014 (article 1er), a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2018 et 10 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de condamner l'association Groupe ESA au remboursement de la somme de 124 875 euros versée en exécution du jugement attaqué ;
3°) de réformer le jugement attaqué en ce sens.
Il soutient que :
- la notion de dégrèvement est liée à celle d'imposition antérieurement établie ou versée ;
- l'association ne s'est acquittée d'aucun montant d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ; elle n'a pas pu imputer ses créances de crédit d'impôt recherche au titre de 2010 et 2011 sur des montants d'impôt sur les sociétés ;
- la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche, qui ne tend pas à réparer une erreur qui aurait été commise dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, ne peut pas être assimilée à un dégrèvement d'impôt ; les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales relatives aux intérêts moratoires ne sont pas applicables en l'espèce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juillet 2019 et 4 février 2020, l'association Groupe ESA, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les autres moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour l'association Groupe ESA.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Groupe ESA, qui est un établissement d'enseignement supérieur, a demandé à l'administration la restitution immédiate de montants de crédit d'impôt recherche, les 30 novembre 2011, 30 novembre 2012 et 29 novembre 2013, respectivement au titre de dépenses engagées en 2010, 2011 et 2012. L'administration a donné une suite favorable à la demande le 22 avril 2014 et a versé, le 28 avril 2014, les sommes correspondantes. Le 13 octobre 2014, l'association a demandé le versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le 7 septembre 2015, l'administration a refusé de faire droit à cette demande mais a procédé seulement au versement de l'intérêt légal. L'association a saisi le tribunal administratif de Nantes tendant à la condamnation de l'Etat au versement des intérêts moratoires. Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal a condamné l'Etat à verser à l'association Groupe ESA les intérêts moratoires dus sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014 (article 1er), a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3). Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...). ". Il résulte de ces dispositions que la restitution d'un crédit d'impôt recherche obtenue par une société après le rejet par l'administration d'une réclamation a le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. La circonstance que le droit à restitution ne procéderait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition est sans incidence à cet égard. Ce crédit d'impôt doit, dès lors, donner lieu au paiement d'intérêts moratoires qui courent, s'agissant de la procédure de restitution d'un crédit d'impôt recherche, pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur d'impôt sur les sociétés de la part du redevable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable.
3. Il résulte de l'instruction que les restitutions de crédit d'impôt recherche au titre des années 2010 et 2011 ont été obtenues le 22 avril 2014 par l'association Groupe ESA après les rejets implicites par l'administration des réclamations que l'association a formées respectivement les 30 novembre 2011 et 2012. Ainsi, il n'a pas été fait droit à ses réclamations dans le délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et les restitutions versées à l'association le 28 avril 2014 avaient le caractère de dégrèvements contentieux au sens de l'article L. 208 du même livre. Dès lors, l'association Groupe ESA a droit au versement d'intérêts moratoires sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'association Groupe ESA et tirée de la tardiveté de la requête, que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser des intérêts moratoires sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit, qu'une somme de 1 000 euros doit être mise à la charge de l'Etat, partie perdante, au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à l'association Groupe ESA une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à l'association Groupe ESA.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...
Le président,
F. Bataille Le greffier,
C. Popse
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°
N° 18NT03291
1ère chambre
M. BATAILLE, président
M. Jean-Eric GEFFRAY, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
LEXCAP ANGERS, avocats
Lecture du jeudi 2 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Groupe ESA a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires dus, sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à compter du versement des sommes de 841 362 euros, 403 567 euros et 329 308 euros dont elle a bénéficié au titre du crédit d'impôt recherche des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1509129 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'association Groupe ESA les intérêts moratoires dus sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014 (article 1er), a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2018 et 10 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de condamner l'association Groupe ESA au remboursement de la somme de 124 875 euros versée en exécution du jugement attaqué ;
3°) de réformer le jugement attaqué en ce sens.
Il soutient que :
- la notion de dégrèvement est liée à celle d'imposition antérieurement établie ou versée ;
- l'association ne s'est acquittée d'aucun montant d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ; elle n'a pas pu imputer ses créances de crédit d'impôt recherche au titre de 2010 et 2011 sur des montants d'impôt sur les sociétés ;
- la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche, qui ne tend pas à réparer une erreur qui aurait été commise dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, ne peut pas être assimilée à un dégrèvement d'impôt ; les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales relatives aux intérêts moratoires ne sont pas applicables en l'espèce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juillet 2019 et 4 février 2020, l'association Groupe ESA, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les autres moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour l'association Groupe ESA.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Groupe ESA, qui est un établissement d'enseignement supérieur, a demandé à l'administration la restitution immédiate de montants de crédit d'impôt recherche, les 30 novembre 2011, 30 novembre 2012 et 29 novembre 2013, respectivement au titre de dépenses engagées en 2010, 2011 et 2012. L'administration a donné une suite favorable à la demande le 22 avril 2014 et a versé, le 28 avril 2014, les sommes correspondantes. Le 13 octobre 2014, l'association a demandé le versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le 7 septembre 2015, l'administration a refusé de faire droit à cette demande mais a procédé seulement au versement de l'intérêt légal. L'association a saisi le tribunal administratif de Nantes tendant à la condamnation de l'Etat au versement des intérêts moratoires. Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal a condamné l'Etat à verser à l'association Groupe ESA les intérêts moratoires dus sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014 (article 1er), a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3). Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...). ". Il résulte de ces dispositions que la restitution d'un crédit d'impôt recherche obtenue par une société après le rejet par l'administration d'une réclamation a le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. La circonstance que le droit à restitution ne procéderait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition est sans incidence à cet égard. Ce crédit d'impôt doit, dès lors, donner lieu au paiement d'intérêts moratoires qui courent, s'agissant de la procédure de restitution d'un crédit d'impôt recherche, pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur d'impôt sur les sociétés de la part du redevable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable.
3. Il résulte de l'instruction que les restitutions de crédit d'impôt recherche au titre des années 2010 et 2011 ont été obtenues le 22 avril 2014 par l'association Groupe ESA après les rejets implicites par l'administration des réclamations que l'association a formées respectivement les 30 novembre 2011 et 2012. Ainsi, il n'a pas été fait droit à ses réclamations dans le délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et les restitutions versées à l'association le 28 avril 2014 avaient le caractère de dégrèvements contentieux au sens de l'article L. 208 du même livre. Dès lors, l'association Groupe ESA a droit au versement d'intérêts moratoires sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'association Groupe ESA et tirée de la tardiveté de la requête, que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser des intérêts moratoires sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit, qu'une somme de 1 000 euros doit être mise à la charge de l'Etat, partie perdante, au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à l'association Groupe ESA une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à l'association Groupe ESA.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...
Le président,
F. Bataille Le greffier,
C. Popse
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°