CAA de NANTES
N° 17NT00084
5ème chambre
M. LENOIR, président
M. Hubert LENOIR, rapporteur
M. SACHER, rapporteur public
SCP COUTARD MUNIER-APAIRE, avocats
Lecture du lundi 11 mai 2020
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Guintoli a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 février 2013 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande d'autorisation d'ouverture et d'exploitation d'une carrière de granulats calcaires et une installation mobile de concassage-criblage au lieu-dit Forveille sur le territoire de la commune de Chémeré-le-Roi. Par un jugement no 1302982 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Mayenne de procéder au réexamen de la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois et mis la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance nos 16NT01226 et 16NT01261 du 19 mai 2016, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a notamment rejeté l'appel formé par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement pour tardiveté. Par une décision no 400333 du 28 décembre 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cette ordonnance du 19 mai 2016 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes, enregistrée sous le n° 17NT00084. Procédure devant la cour : Avant cassation : Par une requête enregistrée le 13 avril 2016, sous le no 16NT01226, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement no 1302982 du 11 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Guintoli devant le tribunal administratif de Nantes. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les inconvénients présentés par le projet en cause au regard des impacts sur le trafic routier pouvaient être prévenus par des prescriptions consistant en la réalisation de travaux de voirie, lesquels relèvent de la compétence d'une collectivité publique ; - le projet litigieux était incompatible avec le schéma départemental des carrières ; - le préfet ne s'est pas prononcé en opportunité sur la nécessité du projet ; - le projet était de nature à porter atteinte à l'agriculture. Après cassation : Par un mémoire enregistré le 16 février 2017, sous le no 17NT00084, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que sa requête enregistrée le 13 avril 2016. Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2017, la société Guintoli, représentée par la SCP B..., Munier-Apaire, demande à la cour de rejeter la requête du ministre et de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la voirie routière ; - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Sacher, rapporteur public, - et les observations de Me B..., représentant la société Guintoli. Considérant ce qui suit : 1. La société Guintoli a demandé au préfet de la Mayenne l'autorisation d'exploiter une carrière de granulats calcaires au lieu-dit Forveille sur le territoire de la commune de Chémeré-le-Roi. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 11 février 2013 du préfet de la Mayenne. Le ministre chargé de la police des installations classées pour la protection de l'environnement relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes, d'une part, a annulé cet arrêté et, d'autre part, a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué.Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...). " L'article L. 512-1 du même code dispose que " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. " Aux termes de l'article L. 181-12 du même code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en oeuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. / (...) ". En vertu de l'article R. 181-54 du même code, applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, les prescriptions fixées par l'arrêté d'autorisation environnementale tiennent compte notamment de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie. 3. En premier lieu, pour justifier le refus d'autorisation en litige, le préfet de la Mayenne s'est notamment fondé sur l'absence de propositions concrètes pour assurer l'intégration paysagère du projet litigieux avec le château de la Forge et de son parc, alors que leur entrée est à proximité de la carrière. Au point 6 du jugement attaqué, le tribunal a considéré que ce motif était entaché d'une erreur d'appréciation, au motif qu'il résulte de l'avis de l'architecte des bâtiments de France que le château de la Forge n'est situé dans aucun périmètre de protection et que des mesures de protection du site étaient possibles en déplaçant la sortie de la carrière afin d'éviter un vis-à-vis trop prégnant avec l'accès du château et en mettant en place un masque végétal significatif. Le ministre ne conteste pas, en appel, l'illégalité de ce motif ainsi retenue par le tribunal administratif. 4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'ouverture de la carrière, motivée par l'objectif d'approvisionner en matériaux le chantier de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire ainsi que les chantiers locaux des villes de Laval, Château-Gontier et du Mans, ne répondait pas à l'objectif, fixé au demeurant de façon imprécise par le chapitre 6 du schéma départemental des carrières de la Mayenne, d'utilisation rationnelle des matériaux extraits. À supposer que les travaux de raccordement de la ligne à grande vitesse au réseau ferré national soient désormais achevés, il ne résulte pas de l'instruction que l'exploitation de la carrière aux fins d'approvisionner les chantiers locaux ne correspondrait pas à une utilisation rationnelle des matériaux. Dès lors et en tout état de cause, c'est à tort que le préfet de la Mayenne a estimé que l'ouverture de la carrière litigieuse était incompatible avec le schéma départemental des carrières de la Mayenne. 5. En troisième lieu, il ressort du premier considérant de l'arrêté attaqué que le préfet de la Mayenne s'est notamment fondé, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur la circonstance que la commission d'enquête avait émis un avis défavorable " compte tenu du manque de justification du besoin d'ouvrir cette carrière ". Le préfet doit ainsi être regardé comme s'étant approprié ce motif pour prendre sa décision. Si l'autorité préfectorale doit rejeter la demande d'autorisation lorsqu'il apparaît qu'aucune prescription susceptible d'être imposée à l'exploitant ne permettra de prévenir les graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, elle ne saurait légalement fonder sa décision sur l'opportunité du projet d'installations. Par suite, ce motif de l'arrêté contesté n'est pas au nombre de ceux susceptibles de justifier légalement un refus d'autorisation. 6. En quatrième lieu, si l'exploitation de la carrière projetée implique la disparition temporaire d'une superficie de 13 hectares de terrains agricoles exploités en cultures céréalières, il ressort du rapport de l'inspection des installations classées que ce milieu est à faible valeur environnementale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le projet prévoit, à l'issue de l'exploitation de la carrière prévue pour une durée de quatre ans, la remise en état du site avec le réaménagement en prairie de 8,6 hectares et la création d'un plan d'eau de 4,4 hectares à vocation piscicole, cynégétique et d'irrigation. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions précitées du code de l'environnement que le préfet de la Mayenne a considéré que la suppression de terres cultivables et le caractère disproportionné des incidences attendues pour l'environnement présentaient de graves dangers ou inconvénients pour l'agriculture et la protection de l'environnement. 7. Cependant, en dernier lieu, d'une part, les dispositions de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière, qui prévoient que les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département, et celles de l'article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles les dépenses d'entretien et de construction de la voirie départementale " sont obligatoires pour le département ", ne font pas obstacle à ce que le département conclue avec l'exploitant d'une installation classée dont l'activité présentera de graves dangers pour la sécurité publique une convention mettant à la charge de celui-ci tout ou partie des frais de construction ou d'aménagement d'une route départementale afin de prévenir ces dangers. 8. D'autre part, il résulte des dispositions citées au point 2 que l'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, parmi lesquels figure la préservation de la sécurité et notamment celle des usagers des voies publiques. 9. Il résulte de l'instruction que l'exploitation de la carrière en cause génèrera un accroissement très important de la circulation routière, en raison de la rotation (aller-retour) d'au moins 129 véhicules de 25 tonnes par jour, soit 32 300 rotations par an sur la base de 250 jours d'activité. S'y ajouteront, sous réserve de la pratique du double fret consistant à utiliser le même camion pour le transport de granulats et pour l'apport des matières inertes destinées au remblaiement, 28 rotations par jour de poids-lourds pour le transport des déchets inertes, soit 6 700 rotations potentielles par an. L'ouverture de la carrière est ainsi susceptible de générer 314 trajets de poids-lourds par jour ouvré. L'ensemble de ces véhicules empruntera la route départementale (RD) 24, sur laquelle sera situé l'unique accès à la carrière, générant, selon les estimations non contestées de l'inspection des installations classées, une augmentation globale de la circulation routière de près de 9 % et une augmentation de la circulation de poids-lourds de 53 %. Une partie importante des véhicules desservant la carrière, évaluée à la moitié par le pétitionnaire, empruntera également la RD 130 qui assure la liaison entre Chémeré-le-Roi et La Bazouges-de-Chémeré, générant, selon les estimations non contestées de l'inspection des installations classées, une augmentation de la circulation de près de 23 % et de 500 % pour les seuls poids-lourds. Enfin, de très nombreux camions lourds emprunteront la RD 166 en direction du chantier de la ligne à grande vitesse ou de Château-Gontier. 10. Il résulte également de l'instruction que l'accroissement substantiel du nombre de poids-lourds qui emprunteront vers le sud la RD 24 depuis la carrière projetée, afin de rejoindre les RD 130 ou 166, présentera de graves dangers pour la sécurité publique, eu égard à la faible largeur de la voie. En outre, la configuration du carrefour de Chémeré-le-Roi au croisement de la RD 24 et de la RD 166 ne permettra pas aux nombreux poids-lourds de l'emprunter sans graves dangers pour la sécurité publique. Dès lors, ainsi que l'a relevé le département de la Mayenne dans son avis du 22 mai 2012 sur le projet de société Guintoli, la prévention de ces graves dangers générés par l'exploitation de la carrière nécessitera des aménagements de la voirie publique, constitués non seulement par la réalisation d'un " tourne à gauche " à la sortie de la carrière, mais aussi par un élargissement à 7,60 mètres de la RD 24 entre la sortie de la carrière et le giratoire d'entrée de l'agglomération de Chémeré-le-Roi, afin de permettre le croisement des camions, et la réalisation d'une section routière de déviation d'une largeur de 7,60 mètres permettant de raccorder ce même giratoire à la RD 166. Contrairement à ce que soutient la société Guintoli, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, uniquement justifiés par l'installation projetée, auraient un caractère excessif au regard de la gravité des dangers pour la sécurité publique causés par l'exploitation de la carrière. 11. Si le préfet de la Mayenne aurait pu légalement accorder l'autorisation sollicitée en l'assortissant d'une prescription relative à la réalisation des travaux publics précités, préalablement à la mise en exploitation de la carrière, c'est à la condition notamment que ces travaux soient susceptibles d'être réalisés à brève échéance de façon suffisamment certaine. Or, le département de la Mayenne, qui n'y était pas tenu, a indiqué qu'il n'entendait pas financer ces travaux, tandis que la société Guintoli a refusé de les prendre à sa charge par la conclusion d'une convention avec le département, à l'exception de la réalisation d'un " tourne à gauche " à la sortie de la carrière. 12. Dès lors, le préfet de la Mayenne a pu légalement, et sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d'autorisation de la société Guintoli en se fondant sur le motif que les graves dangers pour la sécurité publique générés par l'exploitation de la carrière projetée ne pouvaient pas être prévenus par des prescriptions relatives à la réalisation de ces travaux. 13. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que, dès lors que la réalisation des travaux de voirie publique pouvait faire l'objet de prescriptions en application des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'environnement s'il l'estimait nécessaire, le préfet ne pouvait légalement refuser de délivrer à la société Guintoli l'autorisation qu'elle sollicitait. 14. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Guintoli devant le tribunal administratif. 15. En premier lieu, l'arrêté du préfet de la Mayenne, après avoir visé les textes applicables, cite notamment la teneur des avis et réserves émis par la commission d'enquête, le conseil départemental de la Mayenne, la direction régionale des affaires culturelles et l'inspection des installations classées sur le projet de la société Guintoli, et comporte des mentions permettant de comprendre que le préfet a entendu s'approprier les motifs de ces avis et réserves pour rejeter la demande d'autorisation. Il mentionne également le refus de la société Guintoli de procéder aux travaux d'aménagement du réseau routier rendus nécessaires pour accueillir le trafic supplémentaire occasionné par l'ouverture de la carrière. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions, alors en vigueur, de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration. 16. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Mayenne se serait cru tenu de suivre les avis émis par les organismes et personnes consultées lors de l'instruction de la demande de la société Guintoli, et, par suite, qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence. 17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé de la police des installations classées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 11 février 2013 du préfet de la Mayenne et lui a enjoint de réexaminer la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Guintoli demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge. DÉCIDE :Article 1er : Le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.Article 2 : La demande présentée par la société Guintoli devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Guintoli. Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - Mme Buffet, président-assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 11 mai 2020. Le rapporteur,F.-X. A...Le président,T. Célérier Le greffier,C. Goy La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.7No
N° 17NT00084
5ème chambre
M. LENOIR, président
M. Hubert LENOIR, rapporteur
M. SACHER, rapporteur public
SCP COUTARD MUNIER-APAIRE, avocats
Lecture du lundi 11 mai 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Guintoli a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 février 2013 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande d'autorisation d'ouverture et d'exploitation d'une carrière de granulats calcaires et une installation mobile de concassage-criblage au lieu-dit Forveille sur le territoire de la commune de Chémeré-le-Roi. Par un jugement no 1302982 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Mayenne de procéder au réexamen de la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois et mis la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance nos 16NT01226 et 16NT01261 du 19 mai 2016, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a notamment rejeté l'appel formé par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement pour tardiveté. Par une décision no 400333 du 28 décembre 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cette ordonnance du 19 mai 2016 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes, enregistrée sous le n° 17NT00084. Procédure devant la cour : Avant cassation : Par une requête enregistrée le 13 avril 2016, sous le no 16NT01226, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement no 1302982 du 11 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Guintoli devant le tribunal administratif de Nantes. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les inconvénients présentés par le projet en cause au regard des impacts sur le trafic routier pouvaient être prévenus par des prescriptions consistant en la réalisation de travaux de voirie, lesquels relèvent de la compétence d'une collectivité publique ; - le projet litigieux était incompatible avec le schéma départemental des carrières ; - le préfet ne s'est pas prononcé en opportunité sur la nécessité du projet ; - le projet était de nature à porter atteinte à l'agriculture. Après cassation : Par un mémoire enregistré le 16 février 2017, sous le no 17NT00084, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que sa requête enregistrée le 13 avril 2016. Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2017, la société Guintoli, représentée par la SCP B..., Munier-Apaire, demande à la cour de rejeter la requête du ministre et de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la voirie routière ; - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Sacher, rapporteur public, - et les observations de Me B..., représentant la société Guintoli. Considérant ce qui suit : 1. La société Guintoli a demandé au préfet de la Mayenne l'autorisation d'exploiter une carrière de granulats calcaires au lieu-dit Forveille sur le territoire de la commune de Chémeré-le-Roi. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 11 février 2013 du préfet de la Mayenne. Le ministre chargé de la police des installations classées pour la protection de l'environnement relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes, d'une part, a annulé cet arrêté et, d'autre part, a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué.Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...). " L'article L. 512-1 du même code dispose que " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. " Aux termes de l'article L. 181-12 du même code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en oeuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. / (...) ". En vertu de l'article R. 181-54 du même code, applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, les prescriptions fixées par l'arrêté d'autorisation environnementale tiennent compte notamment de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie. 3. En premier lieu, pour justifier le refus d'autorisation en litige, le préfet de la Mayenne s'est notamment fondé sur l'absence de propositions concrètes pour assurer l'intégration paysagère du projet litigieux avec le château de la Forge et de son parc, alors que leur entrée est à proximité de la carrière. Au point 6 du jugement attaqué, le tribunal a considéré que ce motif était entaché d'une erreur d'appréciation, au motif qu'il résulte de l'avis de l'architecte des bâtiments de France que le château de la Forge n'est situé dans aucun périmètre de protection et que des mesures de protection du site étaient possibles en déplaçant la sortie de la carrière afin d'éviter un vis-à-vis trop prégnant avec l'accès du château et en mettant en place un masque végétal significatif. Le ministre ne conteste pas, en appel, l'illégalité de ce motif ainsi retenue par le tribunal administratif. 4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'ouverture de la carrière, motivée par l'objectif d'approvisionner en matériaux le chantier de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire ainsi que les chantiers locaux des villes de Laval, Château-Gontier et du Mans, ne répondait pas à l'objectif, fixé au demeurant de façon imprécise par le chapitre 6 du schéma départemental des carrières de la Mayenne, d'utilisation rationnelle des matériaux extraits. À supposer que les travaux de raccordement de la ligne à grande vitesse au réseau ferré national soient désormais achevés, il ne résulte pas de l'instruction que l'exploitation de la carrière aux fins d'approvisionner les chantiers locaux ne correspondrait pas à une utilisation rationnelle des matériaux. Dès lors et en tout état de cause, c'est à tort que le préfet de la Mayenne a estimé que l'ouverture de la carrière litigieuse était incompatible avec le schéma départemental des carrières de la Mayenne. 5. En troisième lieu, il ressort du premier considérant de l'arrêté attaqué que le préfet de la Mayenne s'est notamment fondé, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur la circonstance que la commission d'enquête avait émis un avis défavorable " compte tenu du manque de justification du besoin d'ouvrir cette carrière ". Le préfet doit ainsi être regardé comme s'étant approprié ce motif pour prendre sa décision. Si l'autorité préfectorale doit rejeter la demande d'autorisation lorsqu'il apparaît qu'aucune prescription susceptible d'être imposée à l'exploitant ne permettra de prévenir les graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, elle ne saurait légalement fonder sa décision sur l'opportunité du projet d'installations. Par suite, ce motif de l'arrêté contesté n'est pas au nombre de ceux susceptibles de justifier légalement un refus d'autorisation. 6. En quatrième lieu, si l'exploitation de la carrière projetée implique la disparition temporaire d'une superficie de 13 hectares de terrains agricoles exploités en cultures céréalières, il ressort du rapport de l'inspection des installations classées que ce milieu est à faible valeur environnementale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le projet prévoit, à l'issue de l'exploitation de la carrière prévue pour une durée de quatre ans, la remise en état du site avec le réaménagement en prairie de 8,6 hectares et la création d'un plan d'eau de 4,4 hectares à vocation piscicole, cynégétique et d'irrigation. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions précitées du code de l'environnement que le préfet de la Mayenne a considéré que la suppression de terres cultivables et le caractère disproportionné des incidences attendues pour l'environnement présentaient de graves dangers ou inconvénients pour l'agriculture et la protection de l'environnement. 7. Cependant, en dernier lieu, d'une part, les dispositions de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière, qui prévoient que les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département, et celles de l'article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles les dépenses d'entretien et de construction de la voirie départementale " sont obligatoires pour le département ", ne font pas obstacle à ce que le département conclue avec l'exploitant d'une installation classée dont l'activité présentera de graves dangers pour la sécurité publique une convention mettant à la charge de celui-ci tout ou partie des frais de construction ou d'aménagement d'une route départementale afin de prévenir ces dangers. 8. D'autre part, il résulte des dispositions citées au point 2 que l'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, parmi lesquels figure la préservation de la sécurité et notamment celle des usagers des voies publiques. 9. Il résulte de l'instruction que l'exploitation de la carrière en cause génèrera un accroissement très important de la circulation routière, en raison de la rotation (aller-retour) d'au moins 129 véhicules de 25 tonnes par jour, soit 32 300 rotations par an sur la base de 250 jours d'activité. S'y ajouteront, sous réserve de la pratique du double fret consistant à utiliser le même camion pour le transport de granulats et pour l'apport des matières inertes destinées au remblaiement, 28 rotations par jour de poids-lourds pour le transport des déchets inertes, soit 6 700 rotations potentielles par an. L'ouverture de la carrière est ainsi susceptible de générer 314 trajets de poids-lourds par jour ouvré. L'ensemble de ces véhicules empruntera la route départementale (RD) 24, sur laquelle sera situé l'unique accès à la carrière, générant, selon les estimations non contestées de l'inspection des installations classées, une augmentation globale de la circulation routière de près de 9 % et une augmentation de la circulation de poids-lourds de 53 %. Une partie importante des véhicules desservant la carrière, évaluée à la moitié par le pétitionnaire, empruntera également la RD 130 qui assure la liaison entre Chémeré-le-Roi et La Bazouges-de-Chémeré, générant, selon les estimations non contestées de l'inspection des installations classées, une augmentation de la circulation de près de 23 % et de 500 % pour les seuls poids-lourds. Enfin, de très nombreux camions lourds emprunteront la RD 166 en direction du chantier de la ligne à grande vitesse ou de Château-Gontier. 10. Il résulte également de l'instruction que l'accroissement substantiel du nombre de poids-lourds qui emprunteront vers le sud la RD 24 depuis la carrière projetée, afin de rejoindre les RD 130 ou 166, présentera de graves dangers pour la sécurité publique, eu égard à la faible largeur de la voie. En outre, la configuration du carrefour de Chémeré-le-Roi au croisement de la RD 24 et de la RD 166 ne permettra pas aux nombreux poids-lourds de l'emprunter sans graves dangers pour la sécurité publique. Dès lors, ainsi que l'a relevé le département de la Mayenne dans son avis du 22 mai 2012 sur le projet de société Guintoli, la prévention de ces graves dangers générés par l'exploitation de la carrière nécessitera des aménagements de la voirie publique, constitués non seulement par la réalisation d'un " tourne à gauche " à la sortie de la carrière, mais aussi par un élargissement à 7,60 mètres de la RD 24 entre la sortie de la carrière et le giratoire d'entrée de l'agglomération de Chémeré-le-Roi, afin de permettre le croisement des camions, et la réalisation d'une section routière de déviation d'une largeur de 7,60 mètres permettant de raccorder ce même giratoire à la RD 166. Contrairement à ce que soutient la société Guintoli, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, uniquement justifiés par l'installation projetée, auraient un caractère excessif au regard de la gravité des dangers pour la sécurité publique causés par l'exploitation de la carrière. 11. Si le préfet de la Mayenne aurait pu légalement accorder l'autorisation sollicitée en l'assortissant d'une prescription relative à la réalisation des travaux publics précités, préalablement à la mise en exploitation de la carrière, c'est à la condition notamment que ces travaux soient susceptibles d'être réalisés à brève échéance de façon suffisamment certaine. Or, le département de la Mayenne, qui n'y était pas tenu, a indiqué qu'il n'entendait pas financer ces travaux, tandis que la société Guintoli a refusé de les prendre à sa charge par la conclusion d'une convention avec le département, à l'exception de la réalisation d'un " tourne à gauche " à la sortie de la carrière. 12. Dès lors, le préfet de la Mayenne a pu légalement, et sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d'autorisation de la société Guintoli en se fondant sur le motif que les graves dangers pour la sécurité publique générés par l'exploitation de la carrière projetée ne pouvaient pas être prévenus par des prescriptions relatives à la réalisation de ces travaux. 13. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que, dès lors que la réalisation des travaux de voirie publique pouvait faire l'objet de prescriptions en application des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'environnement s'il l'estimait nécessaire, le préfet ne pouvait légalement refuser de délivrer à la société Guintoli l'autorisation qu'elle sollicitait. 14. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Guintoli devant le tribunal administratif. 15. En premier lieu, l'arrêté du préfet de la Mayenne, après avoir visé les textes applicables, cite notamment la teneur des avis et réserves émis par la commission d'enquête, le conseil départemental de la Mayenne, la direction régionale des affaires culturelles et l'inspection des installations classées sur le projet de la société Guintoli, et comporte des mentions permettant de comprendre que le préfet a entendu s'approprier les motifs de ces avis et réserves pour rejeter la demande d'autorisation. Il mentionne également le refus de la société Guintoli de procéder aux travaux d'aménagement du réseau routier rendus nécessaires pour accueillir le trafic supplémentaire occasionné par l'ouverture de la carrière. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions, alors en vigueur, de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration. 16. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Mayenne se serait cru tenu de suivre les avis émis par les organismes et personnes consultées lors de l'instruction de la demande de la société Guintoli, et, par suite, qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence. 17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé de la police des installations classées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 11 février 2013 du préfet de la Mayenne et lui a enjoint de réexaminer la demande de la société Guintoli dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Guintoli demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge. DÉCIDE :Article 1er : Le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.Article 2 : La demande présentée par la société Guintoli devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Guintoli. Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - Mme Buffet, président-assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 11 mai 2020. Le rapporteur,F.-X. A...Le président,T. Célérier Le greffier,C. Goy La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.7No