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Ariane Web: CAA BORdeAUX 15BX01109, lecture du 30 juin 2016

Décision n° 15BX01109
30 juin 2016
CAA de BORDEAUX

N° 15BX01109

4ème chambre - formation à 3
M. POUZOULET, président
Mme Marianne POUGET, rapporteur
Mme MUNOZ-PAUZIES, rapporteur public
SCP HELENE DIDIER ET FRANCOIS PINET, avocats


Lecture du jeudi 30 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Etat la somme de 215 420 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des dommages causés aux bois par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009.

Par un jugement n° 1302151 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2015, M.A..., représenté par la SCP Didier Pinet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 215 420 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des assurances ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code forestier ;
- la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :


1. Du 24 janvier au 27 janvier 2009, une tempête, dite " Klaus ", s'est abattue sur le sud-ouest de la France. Par arrêté interministériel du 28 janvier 2009, l'état de catastrophe naturelle a été constaté dans les départements mentionnés en annexe de l'arrêté " pour les dommages causés par les événements d'intensité anormale non assurables (inondations et coulées de boue, inondations et chocs mécaniques liés à l'action des vagues) qui ne relev(aient) pas de la garantie tempête, ouragans, cyclones prévue par l'article L. 122-7(1er alinéa) du code des assurances ". L'état de catastrophe naturelle n'ayant pas été reconnu pour les dommages causés aux forêts, le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest et des sylviculteurs des départements de la Gironde et des Landes ont saisi le 5 janvier 2012 le Premier ministre d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis. A la suite du refus implicite du Premier ministre de donner une suite favorable à cette demande, M. A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Etat la somme de 215 420 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis. Il relève appel du jugement du 3 février 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

2. Il résulte de l'instruction que la demande préalable adressée au Premier ministre le 5 janvier 2012 a été formée pour le compte du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest ainsi que de sylviculteurs. Ce courrier mentionnait expressément qu'y était annexée la liste des sylviculteurs intéressés au nombre desquels M. A...figurait. Si le ministre soutient que ladite liste n'était pas jointe à la demande préalable, il n'est pas contesté que l'administration n'a effectué aucune diligence auprès du syndicat pour qu'elle lui soit communiquée. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances dans sa rédaction en vigueur aux faits du litige : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant./ Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises./ L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que seuls peuvent bénéficier du régime spécial d'indemnisation des catastrophes naturelles les dommages qui ne sont pas assurables, soit en raison de leur origine, soit en raison des biens qu'ils affectent.

5. Aux termes de l'article L. 122-7 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 : " Les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones, sur les biens faisant l'objet de tels contrats, sauf en ce qui concerne les effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafales, qui relèvent des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du présent code ./ Sont exclus les contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux récoltes non engrangées, aux cultures et au cheptel vif hors bâtiments. / Sont également exclus les contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux bois sur pied. ".
6. Il résulte de ces dispositions que les dommages causés aux bois sur pied par les effets du vent sont exclus de toute garantie d'assurance même si ces biens sont assurables pour d'autres types de dommages comme ceux causés par l'incendie.
7. L'administration, pour justifier que les dommages causés aux bois sur pied par les effets du vent n'étaient pas exclus de toute garantie d'assurance, ne saurait utilement se prévaloir de l'article L. 351-1 du code forestier qui définit les surfaces forestières considérées comme assurables contre le risque de tempête, les dispositions de ce texte étant entrées en vigueur postérieurement à l'événement climatique en litige à l'origine des préjudices des requérants. Elle ne peut pas non plus utilement faire valoir que des assureurs, en dehors de toute obligation légale, auraient antérieurement proposé aux sylviculteurs des contrats d'assurances pour ce type de dommage.
8. Il résulte encore des dispositions de l'article D. 361-30 du code rural et de la pêche maritime que les dommages causés aux bois et aux forêts par les effets du vent ne peuvent pas bénéficier des indemnités versées par le fonds national de garantie des calamités agricoles institué par l'article L. 361-1 du même code, contrairement aux dommages de même nature causés aux récoltes non engrangées, aux cultures et au cheptel vif hors bâtiment.
9. Ainsi, M. A...est fondé à soutenir que les dommages causés aux bois sur pied par les effets du vent sont au nombre de ceux qui ne sont pas assurables au sens et pour l'application de l'article L. 125-1 du code des assurances.

10. Il résulte de l'instruction que la tempête " Klaus " qui s'est abattue sur le sud-ouest de la France du 24 au 27 janvier 2009 et qui a provoqué par l'effet du vent divers dommages aux bois sur pied a comporté des rafales d'une vitesse supérieure à 150 km/h observées notamment au Cap Ferret, à Biscarosse et même à l'intérieur des terres comme à Mérignac et qu'elle a été d'une intensité comparable à celle la tempête " Lothar " des 26 et 27 décembre 1999. Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, elle a été d'une intensité anormale susceptible de lui conférer le caractère de catastrophe naturelle. Dès lors, les dommages causés notamment aux bois sur pied par les effets du vent étaient également susceptibles de bénéficier de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles.
11. C'est ainsi par une inexacte application des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances que les ministres auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas inclus les dommages causés aux bois sur pied par les effets de la tempête " Klaus " au nombre de ceux couverts par l'état de catastrophe naturelle. M. A...est par suite fondé à soutenir que l'illégalité entachant l'arrêté sur ce point est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.
12. Il résulte également des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que seuls les propriétaires ayant souscrit, pour les biens susceptibles d'en bénéficier, un contrat d'assurance les garantissant contre les dommages assurables tels que ceux causés notamment par l'incendie et dont les stipulations précisent les modalités d'application de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles, peuvent prétendre à la garantie contre les effets des catastrophes naturelles. Il résulte de l'instruction que les bois de M. A...étaient assurés au titre des dommages assurables tels que ceux causés notamment par l'incendie lorsque se sont produites les intempéries des 24 au 27 janvier 2009. Par suite, il peut utilement se prévaloir de l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 28 janvier 2009 et qui a eu pour effet de l'empêcher de faire valoir ses droits à indemnisation pour les dommages causés par le vent auprès de son assureur. Le préjudice dont il se prévaut est en relation directe et certaine avec la faute commise par l'Etat et de nature à lui ouvrir droit à réparation. Ainsi, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande d'indemnisation qu'il a présentée sur ce fondement.
13. Le préjudice subi par M. A...correspond à l'indemnité qui aurait dû lui être versée par son assureur au titre de la garantie des catastrophes naturelles en réparation des dommages subis et couverts par son contrat d'assurance. En l'état de l'instruction, la cour n'est pas en mesure d'évaluer avec une précision suffisante l'indemnité due par l'Etat au requérant. Dès lors, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins ci-dessous définies dans le dispositif du présent arrêt.

DECIDE
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M.A..., procédé par le président de la cour à la désignation d'un expert, qui aura pour mission :
1°) de déterminer contradictoirement les dommages de toute nature subis par M. A...consécutivement à la destruction de ses bois sur pied par l'effet du vent lors de la tempête " Klaus " qui s'est abattue sur le sud-ouest de la France du 24 au 27 janvier 2009 ;
2°) de prendre connaissance du ou des contrats souscrits par M. A...antérieurement à la tempête garantissant les bois sur pied endommagés au titre des dommages assurables et de déterminer les préjudices indemnisables au titre du régime des catastrophes naturelles en fonction des stipulations de ces contrats d'assurance ;
3°) d'évaluer l'indemnisation qui aurait été due à l'intéressé par le ou les assureurs de M. A...au titre de la garantie des catastrophes naturelles en réparation des pertes couvertes par le ou les contrats d'assurance de ce dernier si les dommages causés aux bois sur pied par les effets de la tempête " Klaus " avait été au nombre de ceux couverts par l'état de catastrophe naturelle.
Article 2 : L'expert prêtera serment par écrit. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents nécessaires, notamment les contrats d'assurance souscrits par M.A....
Article 4 : Les frais d'expertise et tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.


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