comme… l’Année 2016
vue par Jean-Marc Sauvé
Jean-Marc Sauvé revient sur les temps forts de l’activité du Conseil d’État et de la juridiction administrative en 2016 : état d’urgence, renforcement des exigences déontologiques, rénovation du statut des magistrats administratifs et modernisation des procédures devant la juridiction administrative.
En 2016, les formations consultatives du Conseil d’État ont rendu 1 376 avis et études, soit une hausse de 9,7 % par rapport à 2015, avec des délais maîtrisés. Côté juridictionnel, il a maintenu le nombre d’affaires traitées malgré 10 % de requêtes supplémentaires. Les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs ont stabilisé leurs délais de jugement et la Cour nationale du droit d’asile a réduit le sien. De nouveaux outils ont été créés pour permettre à la justice administrative de faire face à la croissance continue des requêtes. La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle permet désormais la présentation d’actions collectives devant le juge administratif, qui devraient contribuer à réduire les contentieux de masse. Le champ de la médiation a lui aussi été élargi à tous les différends en matière administrative.
Comme conseiller du Gouvernement et comme juge de l’administration, le Conseil d’État a défini un équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la garantie des libertés et des droits fondamentaux, attentif à ce que cette lutte ne remette pas en cause les principes de l’État de droit. Il a examiné les quatre projets de loi de prorogation de l’état d’urgence ainsi que plusieurs textes relatifs à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité publique. Il a précisé le régime des perquisitions administratives ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence et fixé les conditions d’engagement de la responsabilité de l’État en cas de dommages subis dans le cadre de ces perquisitions.
Les garanties d’indépendance et les exigences déontologiques applicables aux membres du Conseil d’État et de la juridiction administrative ont quant à elles été renforcées par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires et par deux ordonnances qui ont rénové le statut des magistrats administratifs et des membres du Conseil d’État, renforçant leurs garanties d’indépendance.
comme… Conseiller
comme… International
Les relations internationales du Conseil d’État répondent à un double objectif : faire connaître le Conseil d’État tant dans sa fonction de conseil des pouvoirs publics que dans sa fonction de juge de l’administration et améliorer la connaissance des juges administratifs français sur les systèmes étrangers.
L’intégration progressive des ordres juridiques des États membres de l’Union européenne passe par une collaboration étroite des juges : il est indispensable d’examiner les modes de fonctionnement et la jurisprudence des partenaires européens et de confronter les pratiques par des échanges réguliers.
Le droit public est un outil de protection des droits et libertés fondamentaux et la valorisation de cette dimension passe par une coopération institutionnelle autant qu’informelle entre les juges.
La globalisation juridique a également pour effet de rendre perméables les systèmes juridiques ; il est logique que le droit administratif français s’enrichisse de modèles étrangers, sans pour autant renoncer à servir de modèle.
comme… Juger
comme… Kit de compréhension
d’une audience publique
La juridiction administrative comporte trois degrés : les tribunaux administratifs, juges de droit commun en premier ressort ; les cours administratives d’appel ; et le Conseil d’Etat, juridiction suprême de l’ordre administratif.
Le nombre de juges
Selon les matières et l’importance de l’affaire à juger, le nombre de magistrats siégeant dans la formation de jugement varie. Il est toujours impair. Certaines affaires sont jugées par un magistrat statuant seul, notamment dans le cadre des procédures d’urgence.
Le délibéré
À l’issue de l’audience, l’affaire est mise en délibéré. Les parties et le public sont invités à quitter la salle. Les juges se réunissent pour adopter une décision.
Le sens de la décision est ensuite rendu public dans un délai de 15 jours environ.
comme… Libertés fondamentales
Garant de la légalité de l’action administrative, le juge administratif contrôle le respect, par l’administration, des principes et normes constitutionnels et conventionnels protégeant les droits fondamentaux, au regard de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
L’année 2016 a été marquée par le contrôle approfondi des mesures prises sur le fondement de l’état d’urgence. Le Conseil d’État a défini le régime des perquisitions administratives, sur lesquelles il a décidé d’exercer un contrôle approfondi, afin de s’assurer que la mesure est nécessaire et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile.
Il a également défini le régime de responsabilité de l’État. Mais le souci de garantir la liberté personnelle et de conscience a également guidé le contrôle du juge administratif hors du cadre de l’état d’urgence, dans des domaines sociétaux variés, touchant le quotidien des citoyens.
comme… Médiation
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a créé un régime complet de la médiation dans les litiges administratifs. La loi prévoit que le recours à la médiation puisse se faire à l’initiative des parties avant la saisine du juge, ou à celle du juge administratif.
Il désigne alors le médiateur, qui le tiendra informé du résultat de la procédure.
À la suite des conclusions du rapport « Réflexions pour la justice administrative de demain » sur le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, le Conseil d’État a constitué un comité « justice administrative et médiation ». Il est chargé d’explorer les possibilités d’orientation des litiges administratifs vers la médiation, d’élaborer un guide de la médiation, de définir des formations, d’identifier un réseau de tiers indépendants et de contribuer à l’élaboration d’outils législatifs et réglementaires.
Retrouvez la version longue en PDFcomme… Repères
comme… Simplification et qualité
du droit
Devant l’insuffisance des mesures prises jusqu’ici et la voie tracée par plusieurs États étrangers, le Conseil d’État ne se résigne pas à la dégradation de la qualité du droit :
« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. »
Malgré des efforts indéniables depuis dix ans, le bilan est globalement mitigé. Il fait apparaître la nécessité d’une culture de la simplification plutôt que de nouvelles obligations normatives.
La complexification du droit tient à des facteurs certes juridiques mais aussi à des facteurs politiques, médiatiques et sociétaux. Et elle crée une situation de risque car les textes sont exposés à des contestations accrues devant le juge.
Dans son étude annuelle Simplification et qualité du droit, le Conseil d’État propose un véritable changement de culture normative afin de maîtriser l’inflation législative et faciliter l’appropriation de la norme par ses destinataires : 27 propositions répondent concrètement à ces enjeux.
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